Davide Galbiati et les saints d’un autre monde
Art contemporain Mauvaise Nouvelle https://www.mauvaisenouvelle.fr 600 300 https://www.mauvaisenouvelle.fr/img/logo.pngDavide Galbiati et les saints d’un autre monde
Dans le prolongement de l’article de l’Incorrect, allons à la rencontre du sculpteur.
Maximilien Friche : Quand on voit vos sculptures, il n’y a aucun doute, elles sont signées, on sait que ce sont des sculptures de Davide Galbiati. Avec ces têtes venues d’un autre monde, vous avez inventé une race venue d’avant ou d’après. Nous sommes totalement perdus et pourtant dans une espèce de communion, pouvez-vous nous expliquer ?
Davide Galbiati : je suis italien et je crois que tout est parti du fait qu’en Italie on a consacré beaucoup de temps aux sculptures religieuses, aux thèmes sacrés, que ce soit en statue ou en peinture. Ainsi on voit des personnages avec un sommet de crâne toujours surmonté d’une auréole. En Italie on en voit partout de ces saints, dans les églises, les chapelles, les musées. D’abord catholique, je me suis peu à peu intéressé à d’autres traditions religieuses, à tout ce qui pouvait nous relier à l’invisible. La spiritualité présente en Inde a particulièrement retenu mon intention. J’ai été confronté à une démultiplication des questionnements sur la vie. Et je trouve des réponses sous forme de flocons de neige flottant un peu partout. J’ai besoin d’être libre de pouvoir chercher la vérité, sans être trop guidé.
Ainsi mes personnages sculptés ressemblent à des saints d’un monde d’avant ou d’un monde d’après, des saints représentés d’une façon encore plus universelle, moins ancré dans une culture, mais projeté, imaginé par un homme. Les êtres que je sculpte manifestent une union avec leur part spirituelle, ils ne la cachent pas, ils l’assument. L’auréole est chez eux en continuité avec l’épiderme, comme intégré faisant partie du corps lui-même.
L’intellect galope depuis des millénaires, mais on est à l’enfance de la spiritualité et on a finalement du mal à exprimer la spiritualité dans l’art. Mes sculptures sont une réponse.
MF : Davide, parlez-moi de l’enfance de l’art. Comment s’est imposée la sculpture et ce projet singulier des Saints de la toute éternité, dans votre vie ?
DG : Les entretiens comme nous faisons, me permettent de mettre des mots sur ce que je fais. Je n’y pense pas vraiment quand je crée. La création est le résultat d’une énergie centrifuge, de quelque chose à l’intérieur de moi qui veut (doit) sortir. C’est quelque chose d’enfoui en moi. Si on y pense, cela relève d’une certaine arrogance de vouloir exprimer du spirituel dans la sculpture, mais cela s’est fait tout seul comme issu d’une nécessité intérieure. Je ne fais ni musique ni écrits donc je m’exprime par la sculpture, voilà tout.
Cette nécessité de m’exprimer par la sculpture est arrivée très tôt, dès l’école primaire. On m’a tout de même destiné à faire de la comptabilité, cauchemar de ma vie ! J’étais chez un carrossier et je voyais des ouvriers carrossiers sur des voitures anciennes qui refaisaient tout à la main, en rebattant les tôles au marteau. Je les enviais, moi qui faisais de la compta, d’avoir contact avec la matière. J’aurais aimé apprendre à souder, à modeler des feuilles en aluminium au marteau. Et c’est seulement à 28 ans que j’ai quitté la grisaille de Milan, région laborieuse, bétonnée, et je suis parti faire une formation pour avoir des bases en sculptures, en Tyrol du sud. Là-bas, il y a une tradition vieille de 4 siècles, notamment avec la sculpture au couteau de petites crèches. Là aussi il y a avait beaucoup de saints. Le niveau de technique est très élevé là-bas, ils jouissent d’une renommée internationale. J’y ai étudié pendant 4 ans. C’est là que j’ai reçu l’envie de traiter la figure humaine reliée au spirituel.
MF : Venons-en à la matière justement. Certaines de vos sculptures sont en couleurs et pourtant la matière ne s’efface jamais. On la reconnaît à ses nervures, ses aspects. Quels rapports avez-vous avec la matière : un corps un corps, un combat ? Avez-vous des matières de prédilection ?
DG : Il y a la matière et il y a les éléments aussi. Ainsi je travaille avec le feu dans la série la peau caché, et c’est le feu qui révèle ce qui est enfoui. L’arbre est pour moi le symbole de l’imperfection dans la perfection, il est une suite d’accidents pour l’équilibre et l’harmonie. Des branches vont serpenter jusqu’à la lumière, les racines s’accrocher de plus en plus profondément… A l’épreuve du feu, le bois poussé au printemps part rapidement, et c’est le bois poussé à l’automne qui reste. Tout ça est passionnant. Actuellement je délaisse un peu le bois après l’avoir beaucoup travaillé. Je plonge dans le métal, la pierre, le béton, la résine. C’est la ronde des éléments. Je reviendrai au bois. Selon les matières, des formes se façonnent, avec d’autres, elles se taillent, s’extraient
Il n’y a pas de combats avec la matière, il y a friction. Il y a le geste créatif. Le problème, le combat s’il doit y avoir combat, c’est dans la période qui précède la création, dans le temps de l’élan. Je dois marcher, quitter l’atelier, c’est parfois la terreur.
MF : Justement alors, cette création, comment elle nait ?
DG : Il y a un fil d’or qui me relie, qui me tire vers la création. A ce moment-là, tout est clair, fluide. Je réalise les œuvres que j’ai au fond de moi et c’est facile. Mon but est de garder ce fil le plus longtemps possible et parfois il casse et c’est comme une toile d’araignée qui flotte à l’extérieur. Il faut attendre pour que l’énergie revienne. On laisse la pensée se déposer en nous dans un temps de pérégrination. J’ai besoin du silence pour créer. Mon imagination est extrêmement puissante, il m’arrive de m’absenter même en société à table, comme dans un rêve éveillé.
MF : Vous avez réalisé une sculpture pour le Musée subaquatique de Marseille. Ça vous va bien, il y a une espèce d’évidence.
DG : Oui, on a construit un monde englouti, une archéologie du futur. La transmission est extrêmement présente dans l’art, les œuvres sont les archéologies du futur. Qu’est-ce qu’on trouverait dans 10 000 ans ? Le passé et le futur, ça n’existe pas vraiment. Les êtres que je représente n’appartiennent plus vraiment au temps. Il fallait que cette sculpture aille sous l’eau.
Pour aller plus loin : https://www.davidegalbiati.com/
Prochaine expo :
Exposition au Château d’Ardelay du 12 juin au 29 août 2021 - 85500 Les Herbiers
Exposition KALEIDOSCOPE du 5 juin au 5 septembre 2021 - 83840 Bargème.
Galeries :
Les œuvres de Davide Galbiati sont visibles à la galerie Kellie Miller Arts (20 Market Street, Brighton, UK) ; Beukenhof- Phoenix Galleries (Ronde van Vlaanderenstraat 9, 9690 Kluisbergen, Belgique) ; Galerie Maznel (87-89 Rue de la Ferté, 80230 Saint-Valery-sur-Somme) et au Musée Subaquatique de Marseille (plage des Catalans).