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Dieu n’est pas mort

Dieu n’est pas mort

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Conversation avec un ami matérialiste

Si tu poses que Dieu c’est la nature comme Spinoza, que tout fait partie de la nature, l’homme aussi en fait partie, corporellement certes, mais qu’en est-il du phénomène de pensée ? Non pas de l’agilité mentale, de la pensée désincarnée qu’on divinise inconditionnellement en bon cartésien qui ignore le corps, que l’on on met hors nature, mais de celle qui fait acte utilement, de la pensée utile de type scientifique. Il s’agit, puisqu’on parle de nature, d’envisager dans le même mouvement la contingence et le phénomène de pensée. Ici contingence est employé dans le sens généralisé de déterminisme. Nous sommes faits d’aptitudes et d’instincts qui sont autant de caractéristiques d’espèce dans lesquels va s’inscrire chaque histoire individuelle. Tout comme on télécharge une appli dans un ordinateur, nous avons un système qui préexiste à l’acquisition de toute culture et qui en détermine la forme générale et l’utilité. C’est de cela dont s’occupe l’enseignant, le psychiatre, l’anthropologue, le commerçant et j’en oublie. Un relativisme relatif est possible mais non absolu.

Notre nature est le cadre ou les limites dans lesquelles peut se construire notre liberté. Elle est double individuelle et sociale. Citons la fascinante programmation neurolinguistique, c’est une aptitude et une nécessité. Notre nature est de recevoir une culture adéquate, des savoirs faire et des savoirs être. Certes la pensée scientifique a forme humaine, mais tout est ainsi, le corps aussi. Il s’agit d’envisager les choses en deux temps, la singularité et la généralité, le corps humain est spécifiquement humain et "en même temps" il est une forme particulière du principe général du corps, squelette, cellules, etc. versus mammifère. Il en est de même pour la pensée conceptuelle articulée, proprement humaine dans sa forme, mais dans son essence, elle est créatrice donc transcendante et immatérielle puisque de l’ordre de l’acquis.

Sans même parler d’âme, constatons que nous dépendons, pour notre survie physique et psychique, de la culture qui n’est pas en soi matérielle. Clairement nous avons une faculté de création appliquée à la matière. Nous avons la capacité et la nécessité de l’apprentissage. Ma grande idée est que le langage articulé de type scientifique est le pendant cérébral de notre main incomplète, qui sur le plan biologique de la survie, doit être prolongée d’un outil ou d’une arme. Si tout procède de la matière adoptons le point de vue du biologiste pour notre propre espèce, pour celui-ci tout est nécessité et le cerveau est au service du corps et non l’inverse. Si on reste sur le postulat matérialiste force est de constater que la pensée humaine créatrice appliquée à la matière, est un témoin du principe de pensée créatrice transcendante.

Je propose "la matière est le verbe de dieu et la pensée créatrice est une étincelle divine adaptée à la forme humaine". Si on met la pensée a part hors nature, on est en contradiction avec le postulat matérialiste.

En conclusion, si on va au bout du matérialisme, le corps étant un donné (l’ADN est un langage qui nous préexiste qui fait de deux cellules un organisme entier), alors la pensée qui en procède et qui est à son service, celle qui fabrique et pilote utilement les outils et le corps, est un donné également. C’est donc un phénomène issu de la nature qui ne fait pas exception, donc Dieu existe. Ou alors, à contrario, nous aurions le monopole de la pensée créatrice et tout ce qui existe serait le fruit du hasard à l’exception de ce que nous faisons. Cela n’exclut pas l’évolution tout ce qui vit a son autonomie clairement mais dans une forme donnée à un moment donné.

S’agissant de l’immanence ou de la transcendance, on est en présence de la manifestation humaine de la propension à focaliser, à ne voir qu’un coté à la fois. Cela est aussi certainement une nécessité biologique puisque nous devons faire de toute chose une arme ou un outil qui se distingue d’un fond indifférencié. Si Dieu est Dieu une chose que nous pensons est vraie et son contraire aussi, comme ci-dessus, on peut partir de l’hypothèse d’immanence et en la poussant jusqu’au bout, en considérant finement la constitution neurologique humaine au regard du corps, arriver à la transcendance. Pour ma part je pense que la primauté du mental, qui envahit le champ de la conscience est la manifestation de l’instinct de possession, de "la main dans la tête" en quelque sorte, à mon sens on est sur la défensive, celle-ci met un mot et une utilité sur chaque chose, et on voit le mot et non la chose. A contrario, si on parvient à un instant de silence et qu’on est dans le lâcher prise, on peut se laisser aller à l’émerveillement et on cesse d’avoir une peur panique de l’inconnu. Face à l’ADN, deux attitudes mentales sont possibles, soit on s’approprie cette connaissance et on se rassure, le hasard prend la place du mystère ; soit on se prosterne humblement devant cette complexité infinie dont on n’est pas l’auteur. Einstein qui n’avait aucun problème avec la rationalité disait : « Le plus beau sentiment du monde, c’est le sens du mystère. Celui qui n’a jamais connu cette émotion, ses yeux sont fermés. »


Ce n’est pas Dieu qui est mort, c’est le mot qui est un peu usé.
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Entretien avec Igor Kubalek
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Idées pour des arts contemporains studies
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