Entretien avec Mathieu Iquel, peintre
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Mathieu Iquel est un peintre lyonnais qui attire l’œil et nous trouble. Il nous donne à contempler les choses qui ont accroché son œil, souvent les plus simples aux yeux du monde. Le trouble naît des questionnements et des sentiments éprouvés suite à la contemplation de la simplicité. Durant l’été 2013 à Riez (Alpes-de-Alpes-Provence), l’Hôtel des Colonnes avait accueilli une exposition des dernières peintures de Mathieu Iquel. Elle Décoration s’était également penchée sur des tableaux de Mathieu Iquel (Citroën DS, Yves-Saint-Laurent) pour illustrer ses pages. Le peintre offre aux Lyonnais une galerie au rez-de-chaussée de son atelier 32, Rue Auguste Comte à Lyon où ses tableaux sont exposés. Mauvaise Nouvelle a voulu non pas comprendre le mystère issu de la contemplation de ces œuvres mais le définir, l’avouer.
Doudoune | Cézanne |
MN : Dans vos tableaux, ce qui marque en premier, c’est cette obsession pour la vie ordinaire. On y voit des gens exercer leur métier, des scènes de loisirs, des intérieurs et lieux contemporains, les vêtements également traduisent cet aspect. Et dans cette vie ordinaire que vous peignez, on ressent également comme un silence, l’expression d’une profondeur, la suggestion d’une vie intérieure. Que voulez-vous donner à voir par et avec vos peintures ? Qu’est-ce qui vous fascine dans cette vie ordinaire ?
Mathieu Iquel : C’est vrai, mes peintures montrent des choses ordinaires, je ne le ressens pas comme une obsession, je pense que j’utilise ce qui se trouve autour de moi dans une volonté de faire simple et de ne pas chercher trop loin, trop compliqué pour les sujets. Ma peinture est figurative et je représente les sujets en surface ; évidemment pendant une peinture, par exemple d’une chemise, je vais penser à beaucoup de choses et finalement peu à cette chemise. Et si une peinture fonctionne c’est que des pensées diverses, légères et profondes se trouvent sous la surface, mais je ne veux pas orienter le spectateur en lui soumettant une vision en sens unique, j’espère que l’on peut regarder ma peinture et se faire son idée, l’interpréter sous différents angles.
MN : Votre style semble inspiré de la photographie avec des cadrages qui expriment un choix narratif, la puissance du choix est renforcée par le format carré de vos toiles. Vous semblez également taraudé par les fragments, couper une tête ne vous dérange pas ; vous aplatissez sur le mur de vos toiles les arêtes, les ombres, etc. Comment choisissez-vous ce qui doit rentrer dans le cadre ? Que signifie cette extraction de certains objets du monde (que vous opérez pour en faire de l’art) ?
Mathieu Iquel : Oui la photographie me sert dans mon travail, c’est pratique d’abord mais c’est aussi logique, comme le flux d’images aujourd’hui est incessant via les écrans, les publicités partout, les journaux, et un tas d’autres documents encore…. Cette forme d’observation induite par la photo a de l’influence sur ma peinture, bien sûr j’aime observer mes gens et la nature, mais dans une photo on peut prendre, à tout moment, ce que l’on veut et si je peins quelqu’un en m’attardant sur une partie de son corps et que sa tête n’est pas dans le tableau, c’est sûrement que sa tête ne m’intéressait pas ! En tout cas, je suis sûr que si je fais poser quelqu’un comme cela se fait pour un portrait traditionnel, et que je ne peins pas son visage, il ou elle sera déçu ! En utilisant des photos, il n’y a pas de soucis.
Figure fond orange | Poissonnier |
MN : Quand une tête a eu la chance de rentrer dans le cadre, une absence persiste. On ne voit pas les yeux, un certain anonymat règne et pourtant on ne doute pas de leur existence. Est-ce pour orienter notre propre regard au-delà des individus eux-mêmes ?
Mathieu Iquel : En commençant la peinture, je faisais poser des amis et faisais des autoportraits, cela donnait toujours un résultat dans le portait qui devenait psychologique, maintenant ça ne m’intéresse plus de faire des portraits comme ça. Je préfère laisser plus de distance avec les gens que je peins, comme pour les laisser tranquilles dans leurs pensées. Ce qui m’intéresse c’est une attitude, par exemple le dos de quelqu’un en train de faire quelque chose, cela peut être très évocateur. Disons que celui qui regarde doit aussi imaginer pour compléter le portrait.
MN : Vos tableaux sont un véritable hommage à la couleur. Par la saturation des teintes il se dégage un véritable charme. Les couleurs semblent aussi au service d’un certain humour, une sorte d’ironie bienveillante, comme un regard porté sur aujourd’hui depuis le futur. Qu’est-ce qui vous amuse dans notre monde et sa matière ?
Mathieu Iquel : En observant le monde, tout peut être intéressant et en étant peintre, je peux montrer tel personnage, tel objet dans une ambiance colorée et c’est vrai que cela souvent m’amuse. Je fais des peintures parce que j’ai la fascination pour les formes et les couleurs. Et si l’on ressent de l’ironie, j’en suis très content.
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