L’architecture écologique n’existe pas sans l’Homme
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Nous entendons par là que l’architecture écologique ne peut pas être la somme de prestations techniques, sensément écologiques. Il s’agirait alors de bâtiment, pas d’architecture.
Luis Kahn, le grand architecte américain, à qui un journaliste posait la question dans les années soixante de savoir comment il concevrait des logements pour une communauté hippie, répondit qu’il ne le ferait pas. À son grand étonnement, le journaliste en demandait la raison à Luis Kahn. « Il ne peut y avoir d’architecture que s’il y a un projet humain. Je peux bâtir une maison pour un couple dont le projet serait de bâtir une famille et de l’abriter d’une maison. Un foyer, un projet humain. Sans projet humain, pas d’architecture. Juste un bâtiment » fut la réponse de l’architecte. « N’étant pas entrepreneur, mais architecte, je ne pourrais donc pas honorer cette commande ».
Aujourd’hui, on pourrait dire, de la même manière, qu’il ne peut y avoir d’architecture sans vision claire de l’Homme au sein de son environnement. Une réponse architecturale écologique ne peut pas être un « bricolage » sans réel projet, sans vision. Sinon, c’est juste du design.
Ainsi, tout dépend de la manière que l’on a de considérer le rôle et la position de l’Homme au sein du monde, et en particulier de la biosphère. L’élaboration d’une « architecture écologique » soulève incidemment de nombreuses questions posées à l’architecte.
Par exemple, soit un architecte (par exemple moi), chargé de la conception d’un pont sur une rivière et qui déciderait de disposer une frise sur la main courante du garde-corps, frise montrant les espèces animales en place. Espérant par là sensibiliser les usagers du pont sur la valeur écologique du site. Question : doit-il mettre l’Homme sur cette frise ?
Si oui, il reconnaît alors le fait tangible que l’Homme occupe bien l’espace, au même titre que les autres espèces. Il en est une parmi d’autres et son action est « banalisée », quoique prépondérante étant donné sa domination. Le pont participe ainsi de l’effort de sensibilisation au problème écologique et rend compte alors, par le rôle actuel que l’Homme joue au sein de la biosphère, du fait que nous sommes encore en phase d’alerte écologique.
En revanche, si l’architecte décide de ne pas le placer parmi les autres espèces, il lui confère un statut particulier dans le développement du monde, celui de l’observateur en même temps que de l’acteur. Cette singularité – issue ou non de l’arborescence darwinienne cela importe peu – lui donne une responsabilité particulière. Le message ainsi transmis permet au pont de s’intégrer dans une culture fondée sur une théologie monothéiste, majoritaire sous nos cieux.
On voit au travers de cette question que chaque décision conceptuelle ne peut être prise sans une approche à la fois raisonnée et approfondie.
La question écologique repose celle des fondements de l’architecture. Luis Kahn, en son temps, nous avait renseigné sur la réponse sociale qu’il donnait par son architecture. Aujourd’hui, interpellés par le problème écologique, les architectes doivent en donner une interprétation claire. Quelles que soient ces réponses, elles montreront que l’architecture, même écologique, reste fondamentalement une construction humaine.
En l’occurrence, l’architecte a placé l’homme sur cette longue frise (ici, le dessin de son fils) car son client était l’État « laïque » français. Aurait-il dû satisfaire ses propres convictions ou celle supposées de son client ?
C’est une question qui aujourd’hui dépasse le seul champ de l’architecture.