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Partir !

Partir !

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Le Français est volontiers pessimiste. C’est dans sa nature ou peut-être dans l’héritage d’une certaine lucidité paysanne qui lui fait voir plutôt le verre à moitié vide qu’à moitié plein. Cependant, la dégradation du moral des Français n’est pas qu’un sentiment mais il est bien réel. En témoignent les dernières lois sociales, les lois fiscales et les lois de bien-pensance qui font du Français un étranger à sa terre, un être privé d’identité, un non-référent sur son propre territoire. Et pourtant, historiquement, le Français est consubstantiel à sa mère patrie dans tout ce que cela représente de négatif pour le bobo. Il rechigne à s’exiler, il n’y a jamais eu dans l’histoire de grandes vagues d’émigration française. En effet, le Français habite un pays riche de par sa culture, sa gastronomie, son agriculture et son climat. Rien, objectivement ne le pousse à partir. Sauf que depuis quelques temps, l’émigration bat son plein. D’après les statistiques officielles, quelques 2.200.000 de Français sont en « exil » sans que l’on puisse être sûr de ce chiffre basé uniquement sur des déclarations volontaires. Par ailleurs, d’après un sondage de Deloitte, 27 % des diplômés1 estiment leur avenir professionnel hors de France et mieux, 50 % des 18-24 ans aimeraient quitter le sol français2. Bien évidemment, il y a plusieurs motivations derrière ces chiffres : l’enrichissement et le parcours professionnel en étant les premiers.

Mais depuis quelques temps commence à apparaitre le volontaire à l’exil pour cause de ras-le-bol. Celui qui veut essaimer dans un autre pays, le colonial des temps modernes. Le monde est sien, il n'en a que faire de la France. En réalité, ce citoyen ne représente qu’une infime proportion en acte, mais, en parole, son nombre est en constante augmentation. Comme le prévoyait Cioran : « Notre époque sera marquée par le romantisme des apatrides. Déjà se forme l’image d’un univers ou plus personne n’aura droit de cité. Dans tout citoyen d’aujourd’hui git un métèque futur »3. Les motivations pour ce grand saut s’articulent autour du thème de la perception du long déclin de la civilisation catholique française. Il analyse l’état de la société à ce point mauvais qu’il pense que le grand remplacement sera source de persécution voire de guerre civile. Ainsi, de manière logique, il songe à partir ailleurs, non pour déserter mais pour offrir un avenir meilleur à ses enfants et se ménager une vie plus confortable. Nulle intention de le juger. Peut-être a-t-il raison ? Plus amusant est son choix des différentes nations élues pour partir. Mis à part la Grande-Bretagne, trois pays reviennent souvent dans la bouche des futurs expatriotes. La Russie est souvent citée. Son actuel chef y est pour beaucoup et ses choix moraux plaisent aux Catholiques. Le Chili et l’Argentine sont des destinations rêvées plus anciennes. Le soleil, le vin et l’éloignement du pays d’origine sont les principales qualités avancées pour un départ imminent. Reste, les pays du Moyen-Orient dont Dubai et le Qatar sont les dignes représentants. Ce sont les destinations favorites des pragmatiques voyant d’ores et déjà leur compte en banque augmenter à la hauteur de leur désir d’exil.

Mais que se passe-t-il une fois parti ?


Une fois le départ réalisé, le citoyen français se mue en citoyen du monde. Son bonheur augmente au fur et à mesure de l’éloignement de cet état omniprésent. Il gagne en espace. Il a du service, femmes de ménage, bonnes et autres serviteurs. Il ne paie plus d’impôt en France. Bien souvent, il achète une grosse voiture et habite un grand appartement ou une maison. Félicité de l’herbe grasse de cet ailleurs. Les barrières sociales ne sont plus les mêmes. Les Français, quelles que soient leurs origines sociales se côtoient, s’invitent et se ré-invitent. Plus de contrainte. Les enfants entrent dans des écoles où, comble de l’espoir, ils apprennent les langues qui ont donné tant de difficulté à leurs parents. Les loisirs sont à profusion. Qu’il est bon d’être riche dans des pays en voie de développement. Qu’il est bon d’être l’élite. Ils voyagent beaucoup et reviennent de temps en temps en France. Au début rien ne leur manque. Puis s’installe la routine, les mêmes invités, le microcosme français jusqu’à l’horreur et enfin, le spleen, pour certains, se distille dans leur âme. La France commence à manquer. Ses paysages doux, la littérature et même la politique reviennent à leur esprit. Le retour en taraude plus d’un. Faut-il rentrer en France ? Là, le débat s’installe avec les avantages et les inconvénients. On aimerait bien mais les enfants ne sont plus d’accord. Comment abandonner une vie d’expatrié à 12 ans. Une vie de riche. Voici le retour. Attention atterrissage en vue. Il est tout d’abord violent. On reprend une vie faite de transports et de promiscuité. Mais prévoyant, on a mis de l’argent de côté et, on vit dans plus grand mais les soucis reviennent au galop. Toutefois, on s’aperçoit que l’esprit français existe toujours, que le Français quoiqu’on en dise n’est pas n’importe qui. Il est unique en Europe. C’est le seul pays dans lequel il existe une réaction, un matérialisme mal vécu. Ainsi, on apprend de l’expérience réalisée. Les rêves ne sont pas toujours de bons conseillers. Même si l’herbe est plus verte ailleurs, il reste difficile de prendre racine dans une autre société. Une autre voie est possible. La poésie, l’évasion par l’esprit est la meilleure garantie d’un exil qui sera, lui, doré. À de rares exceptions près, le pays d’origine manque et, à moins de ne rien posséder dans son pays, il est quasi impossible de faire souche ailleurs. Alors, il ne reste plus que la volonté de défendre ce qui reste de cette belle civilisation française. Pour cela, on peut manifester, écrire, s’engager car rien n’est perdu tant que nous sommes là. Nos enfants apprendront dans le sacrifice une vie où ils trouveront des armes adaptées que nous ne soupçonnons pas.
Enfin méditons ensemble ce visionnaire de Baudelaire dans son poème « Le voyage » :
« …Dites, qu’avez-vous vu ?

Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d’imprévus désastres,
Nous nous sommes ennuyés, comme ici. »
  1. Philippe Plassart, La France, pays d’émigration, Nouvel Économiste daté du 12 juin 2013
  2. Sondage Viavoice
  3. Cioran, Syllogisme de l’amertume

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