Ressemblance, représentativité et impératif
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La démocratie représentative repose sur le principe simple selon lequel des élus du Peuple porteraient la voix de celui-ci dans un lieu de décision, comme le grand (amphi-)théâtre qu'est l'Assemblée Nationale. Cette voix portée permettrait in fine que les décisions de l'Etat respectent la volonté générale. Comment concilier la ressemblance, la proximité des élus avec le Peuple alors même que la complexité des compétences nécessaires à l'exercice du pouvoir nécessite que ce dernier soit exercé par une élite ? À défaut, peut-on contraindre les élus à défendre les intérêts de leurs électeurs ?
Ressemblance n'est pas représentativité
La déconnexion de la foultitude des parlementaires inexpérimentés de la République En Marche ou encore des haut-fonctionnaires européistes de Bruxelles fournissent un remarquable exemple de la difficulté de comprendre et représenter des personnes dont on est très différent. Ces personnes montrent depuis 18 mois pour les uns, des années depuis les autres, leur incompréhension profonde des Peuples, leur certitude de supériorité et leur sans-gêne pour imposer leurs vues.
À l'inverse, il apparaît évident que les personnes qui nous ressemblent le plus seraient les plus qualifiées pour nous représenter. Par delà le partage des mêmes valeurs et intérêts, cette ressemblance conduirait naturellement le représentant à raisonner d'une manière similaire à celle du représenté, jusqu'à atteindre les mêmes conclusions. Bien que simpliste, cette logique n'est pas dénuée d'une certaine justesse. Sur ces hypothèses reposent la méthode des quotas qui permet à un sondage d'atteindre une précision satisfaisante et le scrutin proportionnel.
La rupture entre ces élites et les territoires est aujourd'hui consommée alors que, par le passé, un homme comme Chirac savait comprendre ses administrés corréziens bien que l'énarque qu'il était leur ressemblait assez peu. Pendant des décennies, la vie politique et, en premier lieu le parlement, a été dominée par ces notables. Certes leur position et leur éducation les rendaient différents de ceux qu'ils représentaient mais une proximité certaine leur permettait de les comprendre.
Porte-drapeau de cette proximité qui n'est plus, le député-maire, honni des temps modernes, permettait un lien resserré entre le pays et le Parlement. Cette espèce disparue incarnait pourtant le meilleur du scrutin majoritaire : la figure du notable proche de ses concitoyens capable à la fois de gérer leur quotidien et de porter leur voix jusqu'au plus haut niveau de l'Etat. Ce mécanisme, cher au général de Gaulle, a longtemps assuré une représentation nationale de qualité et responsable parce que ses membres étaient élus sur leur nom, et non en raison d'une position sur une liste, c'est-à-dire par le jeu des partis.
Une logique systématique à laquelle opposer un contre-système impératif
Cependant cet idéal de l'élu proche et responsable a été rapidement mis en défaut par la discipline parlementaire. Les larges majorités nées du scrutin majoritaire avaient rendu caduques toutes les tentatives opportunistes pour faire tomber un cabinet ou basculer une majorité comme ce fut le cas dans les régimes parlementaires précédents. Le député "godillot", archétype du vassal incapable de réflexion en propre, devint alors vite la norme puisque toute opposition à l'intérieur d'un groupe ne permettait plus de gagner un porte-feuille ministériel dans le prochain gouvernement.
À cette logique inhérente aux larges majorités permises par la Vème République s'ajoute le contrat avec la Nation que chaque député de l'actuelle majorité a dû s'engager à respecter avant de solliciter l'investiture du parti présidentiel. Ce texte ne saurait certes pas être contraignant, faute de quoi le mandat de ces députés se trouverait entaché d'inconstitutionnalité. Néanmoins, pour cette foule de nouveaux élus fort peu instruits des choses de la politique, celui-ci pèse à l'évidence plus lourd dans les esprits que pour un politique implanté dans sa circonscription et ne devant pas son élection qu'à sa seule étiquette.
Face à ces dérives de petits calculs, certains gilets jaunes proposent l'instauration d'un mandat impératif vis-à-vis des électeurs, grâce à la mise en place d'un système de référendum révocatoire des responsables politiques. La responsabilité en politique est dans la plupart des régimes limitée à celle de l'exécutif devant le parlement - c'est d'ailleurs le cas de notre République, puisque la constitution prévoit la possibilité pour l'Assemblée Nationale de censurer le Gouvernement. Avec la mise en place de ce contrôle de l'action publique par le Peuple souverain lui-même, la question de la représentativité s'éteint d'elle-même : s'assurer qu'un élu protégera vos intérêts devient inutile dès lors que celui-ci peut être évincé s'il ne le fait pas.