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4 A.M.

4 A.M.

Par  

J'avais un peu de fièvre, je ne dormais pas. Il devait être quatre heures du matin ou quelque chose d'approchant.

J'ai voulu sauver quelqu'un.

Pour une fois, je n'ai pas allumé pour prendre un livre et tenter de retrouver le sommeil. La nuit elle-même était le livre, elle s'était ouverte pour moi. Quelques phosphorescences imprécises s'imprimaient sur ma rétine, sinon des déchets d'éclairage urbain qui filtraient par les interstices du volet, me proposant une vague énigme géométrique. Je demeurais immobile et captais les sons du dehors. La gigantomachie de la ouate ébène et de l'orange sodium civilisé n'en finissait pas.

Des cris, des bruits de bouteilles brisées percutaient l'espace. De la folie, de la joie, de la terreur se réverbéraient sur les façades. Soudain des voitures lancées à toute vitesse, les pneus hurlant comme des banshees, surgissaient en un mystérieux carnaval de mort. Et la nappe noire souriait sur la ville.

J'ai voulu sauver quelqu'un et, comme d'habitude, j'ai échoué.

Je suis moi-même de la nuit. D'habitude, je dors bien. Nul besoin pour moi d'arpenter les rues afin de voir. Mais à quatre heures du matin, les yeux ouverts sur le plafond invisible, sur tous les paliers de la décompression humaine, je considérais un certain nombre d'éléments du paradigme: ivresse, putes, seringues, embrouilles, moteurs, poussière des siècles agglomérée en avenues et autres voies communales, poubelles, étrons, flaques de vomi, tout cela sous le sceau du secret. Trottoirs usés, flics désabusés. Nudité de la nuit quand le jour ne suffit plus à satisfaire les bipèdes, quand les promesses de la grande fête perpétuelle aux petites heures, je le maintiens, n'y parviennent pas davantage.

C'est toi que j'ai voulu sauver.

Chaque nuit, je te trahis. Dans ma faiblesse, mes bras ne peuvent te retenir et je te perds, tu glisses à reculons dans les plis épais de l’opaque manteau. Comme j'aimerais que tout, enfin, se taise et que je te garde contre moi, sous la couette, dans l'amour fébrifuge de la paix restaurée. Cependant je me révèle trop faible, trop vil, ma seule volonté, parfaitement risible, est un pousse-au-crime et criminellement, je te regarde partir dans ces rues, ces pâtés de maisons. Tu cherches à crever dans la nuit parce que je n'ai pas su t'aimer.

De jour, tout semblera différent. Pas en ce qui me concerne. Désormais, le nocturne m'accompagne partout.

Quatre heures du matin. À nouveau j'ai perçu des cris; des chiens ont aboyé, une ambulance est passée. Je n'en peux plus, je me sens déchiré par une espèce de chagrin universel. Mais comme hier soir lorsque je me suis couché, mes paupières se sont fermées lentement. Le sommeil, finalement, est revenu, et je t'ai encore bafouée, reléguée dans le néant.

Hypocritement (ou pas?), je t'ai quand même souhaité bonne nuit, baby.

 


Saint Pétersbourg
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Une bien mauvaise nouvelle
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Coup de gomme
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