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Iran, le pays des Roses noires – 16 mai 2015

Iran, le pays des Roses noires – 16 mai 2015

Par  

Carnet de bord de Luc Le Garsmeur en voyage en Iran – Jour 1 - 16 mai 2015

 

Roissy-Téhéran

Un peu de distraction et quelques impromptus aujourd'hui à l'occasion de mon départ en Iran. À l’aéroport de Roissy, j'ai manqué laisser à la jolie buraliste le timbre postal que je venais de lui acheter. L'automate n'a pas reconnu la réservation de mon aller Paris-Téhéran via Rome. J'avais bien évidemment laissé dans la poche avant de mon sac de cabine un tube de crème solaire et un autre contenant un liquide de vaisselle à main. Le steward s'est un peu moqué de moi quand je lui ai demandé si je pouvais faire usage des toilettes: "Oui, oui, ça ne tombe pas sur le tarmac!"

Peu d'agrément sur le vol entre Roissy et Fiumicino. Trop de passagers "alignés trois par trois, prêts à bondir"; un voisin redoutable onomatopéiste, un autre qui ne parvient pas malgré - ou du fait de - mes explications à dépouiller de sa gaine de plastique transparent la paire de macarons remise par les hôtesses.

Après l'escale romaine, le vol jusqu'au Khomeïny International Airport est plus plaisant : moins de passagers, quelques verres d'un vin rouge sicilien, un peu de lecture et de sommeil. Il est singulier que nous n’y soyons servis que par des employés masculins de cette compagnie aérienne italienne. Les clercs chiites imposent à toute femme foulant le sol iranien le port d’un cache-cheveux. Les hôtesses ne sont sans doute pas légion à se porter volontaires pour la destination ; et la Compagnie ne veut voiler ses employées…

Marc retire son visa à l’aéroport; j’ai commandé le mien il y a deux mois déjà. Mais je l’ai payé deux ou trois fois en conséquence. Surtout, il ne m’a été remis que quatre jours avant mon départ. Et par procédure accélérée, en plus ! Nous ne pouvons changer que cinquante euros sur place, soit 1 850 000 rials - ou plutôt 185 000 tomans, unité monétaire de l'affichage et de la conversation. Il me sera quelque temps encore difficile de passer - sinon des francs aux euros - des euros aux rials, des rials aux tomans, et du budget d’un seul à celui de notre duo. Marc s’y montre bien plus habile, de même que dans les jongleries autour du wi-fi et du maniement d'un GPS qui n’exigerait nulle connexion personnelle ni wi-fi. C’est fort pratique dans une ville aussi étendue (et vouée aux seules automobiles) que Téhéran. Mais il est vrai que Paris est une capitale étonnamment exiguë.

 

Les femmes de Perse sont plus belles que celles de France

On lit en tête de la XXXIVe des Lettres persanes ("Usbek à Ibben, à Smyrne") que "les femmes de Perse sont plus belles que celles de France ; mais [que] celles de France sont plus jolies" (GF Flammarion, 1964 [1721]). Toutes sont aussi fines, mais les Iraniennes sont exclusivement brunes; peu s'aventurent à une teinture capillaire. Le maquillage est en revanche - dans la capitale du moins - monnaire courante. La tenue vestimentaire les range en deux catégories; mettons, "à la Qom" et "à la Téhéran". Les premières sont en corbeau, trapèze, cône ou matriochka : tous voiles noirs dehors. Elles s'y redrapent sans cesse, ramenant continuellement par TOC islamiste les pans sur les hanches, ou refermant du poing la partie supérieure sous le menton. Mais cette jugulaire boudinée est minoritaire; encore qu'après tout l'on ne repère jamais que les femmes attirantes dans une foule… Les autres sont en… leggings et portent de ces ballerines qui allongent tant les pieds des Parisiennes sous un pantalon très ajusté. Il me semble que si j’étais guide suprême ou tout au moins hodjatoleslam, je me soucierais bien plus de réprimer l'usage des leggings que d’imposer un couvre-chef à d’aussi splendides brunes ! Nos élégantes leur superposent ensuite une tunique dont elles font le moyen d’accentuer la finesse de leur taille. Le voile commun est une coule, souvent blanche, pour les collégiennes, un châle pour les étudiantes, un hennin ou un foulard "œuf de Pâques" à la russe pour les femmes mûres. Le plus chic est peut-être le hennin, curieuse excroissance élevant l’occiput, qui semble dissimuler le peigne d’une mantille, mais doit plus vraisemblablement contenir le chignon. Enfin, ce que j’appelle "châle" est ce foulard souvent contrefait, parfois coloré (du gris perle au corail en ce cas), voire semé de fleurs. Mystérieusement, il glisse sans cesse, découvrant toujours plus des mèches aile-de-corbeau. On conçoit qu'une femme d'Iran soit deux fois maligne…

Nous ne pouvions, Marc et moi, arriver chez Roham avant 7 heures. Nous avons donc marché plusieurs heures du centre au Nord de Téhéran, n'y croisant guère que les agents municipaux de nettoyage, sous les néons criards des banques, courbant régulièrement la tête sous le chèvrefeuille et repoussant du pied les fossés et les chats. Beaucoup d’immeubles, de gratte-ciel notamment, sont en construction, sous maîtrise chinoise apparemment. D’autres, plus anciens, portent l’immense effigie des chohada "martyrs" de la guerre de l’Iran et de l'Irak, et, j’imagine, de la Révolution islamique. Nulle beauté dans ce Nord libéral et aisé de la ville, mais des surprises à chaque pas : les troncs semblables à des boîtes aux lettres, mais destinées je crois à la zakat, l'aumône islamique, etc.

 Famille iranienne dans une mosquée d'Ispahan

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