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A la source de Jean-Edouard Colleter

A la source de Jean-Edouard Colleter

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« Les citernes du temps » est le dernier recueil de poèmes de Jean-Edouard Colleter. Depuis de nombreuses années, ce breton vivant dans la cité phocéenne, se consacre à l’écriture poétique. Le poète et les collines : tel pourrait être le titre de la vie de Jean-Edouard depuis plus de vingt cinq ans. D’une enfance bretonne à Plounéour-Menez dans le Finistère, en passant par Morlaix puis la Normandie avec une vie à Caen, Jean-Edouard Colleter comme beaucoup de créateurs nordiques, a élu domicile en lumière provençale. Ainsi donc depuis les premiers écrits en 1967 à l’âge de 21 ans, Jean-Edouard donne naissance à son œuvre poétique en bord de mer. Avant ce recueil sont nés « arc en ciel de la gravité », « la flamme de l’ombre », « condensation du chant » ou encore « gravitation de la douceur ». Les heures silencieuses passent, le temps se construit, l’œuvre apparaît. La poésie, ce chant de l’âme, devient ainsi cette fidèle et constante compagne. Au pied du massif de Marseilleveyre, dans la maison qui dialogue avec l’horizon méditerranéen, naissent chaque jour des vers qui construisent cette œuvre poétique, qui se promène et voyage alors sur la corde raide, celle des sentiments intenses nourris de la femme et du paysage, deux grandes références poétiques. La peur, la crainte, la solitude, l’ombre et la lumière, la mort enfin nourrisent les thématiques de ses poèmes, nourritures immuables et universelles. Les vers naissent et deviennent presque un objet transitionnel pour vivre les choses non vécues dans le réel. Il y a les nombreuses nourritures de l’esprit qui apportent cette fertilité à Jean Edouard : Bach et la musique baroque, les romantiques comme Schumann, la peinture avec les Nabis dont Vallotton, les impressionnistes ou encore Van Gogh. Le monde des mots apporte logiquement des références en écho de sensibilité : Albert Camus, Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet, Paul Eluard, Pierre Reverdy, Jean Malrieu, Laurent Gaspard, Edmond Jabes, Eugenio de Andrade, et surtout René Guy Cadou qui ouvrit l’esprit de Jean Edouard vers le chant poétique, un réel déclencheur et catalyseur de cette fertilité des mots qui était là, prête à jaillir sous la plume du breton ardent. Les écrits de Jean-Edouard Colleter peuvent être reliés à ceux de Salah Stétié dans une idée de non-narration et de vers suspendus où la légèreté de l’âme fait son apparition. Nous sommes dans l’ordre du récitatif pour employer un terme musical. Réciter les mots pour être consolé d’une certaine manière. Cette peur, cette crainte, cette inadaptation au monde et à la condition humaine portent Jean Edouard Colleter à se réfugier dans le silence des mots, à recevoir ces bras chaleureux que sont les vers et ainsi être consolé. Cette consolation heureuse est fugace et invite en permanence le poète à créer et écrire, tel un sablier, la consolation ne reste qu’un temps, celui de la découverte de ses propres mots.

Entrer dans le monde de Jean-Edouard Colleter, c’est ainsi et avant tout entrer dans le silence et le repliement. Dans la maison ouverte sur la mer, le soleil et le mistral, le bureau lui, se tourne vers les collines, vers la lumière du sud. Face à la puissance minérale, face aux pins et aux palmiers, le poète imagine ce monde sensible qui prolonge une vision lucide, désenchantée, rêveuse, voire amoureuse du monde dont il s’éloigne, dont il refuse souvent la fraternité et le partage. Ainsi, seul avec les mots, seul avec son monde, Jean-Edouard parcourt son royaume qui devient, comme pour tout créateur, un monde où il pourrait vivre et mourir heureux. Oui, vivre, qui est déjà une immense ambition, car parfois il est plus tragique de vivre que de mourir…

Dans un lyrisme retenu, qui serait dans la poche avec un mouchoir par-dessus, un mouchoir humide qui a séché les larmes de la peur et de la crainte, Jean-Edouard Collecter donne vie à cette œuvre poétique qui coule comme un ruisseau qui remplit les citernes du temps. Un ruisseau au murmure éternel… Ce monde est alors un refuge pour cet amoureux de la nature et de la randonnée. Pour ce breton qui longtemps a vécu à Caen et qui se nourrit de puis 1990 du soleil méditerranéen. Appartenir au monde, appartenir au temps, mais en prenant ses distances, s’éloigner sur la pointe des pieds, tels sont les grands questionnements de Jean-Edouard Colleter. « Les citernes du temps » se remplissent alors de désir et d’ombre, comme un enfant qui est loin, comme une femme rêvée ou aimée grâce aux mots.

Il y a comme un espace tampon, un sas entre Jean-Edouard Colleter et le monde. Et son œuvre poétique est ce sas, cette respiration, cet espace nécessaire à la survie, à la tentation d’adaptation au monde. Désirer une femme que l’on ne connaît pas, que l’on ne veut peut être ni rencontrer, ni connaître, ni aimer : Une « Isabelle », un absolu. Un royaume de chair dont le désir intense est vécu et ressenti par les mots. Une poésie du désir qui reste sur le secret de la solitude, sur le silence du poète, face au papier, face aux mots, face à la colline, face à son ombre, lointaine, face à lui-même.

 

Trottoir inconnu où j’attends ta voix seule

Ecume frêle du souvenir

Dans la demeure de l’instant

Un arbre devant la porte

Stationnant dans la nuit

Le chaud ravin de tes lèvres

Où accostent mes joies

L’alliance de l’énigme et de l’ombre

Sous la chaîne de nos pas

Où vient naître l’accord

Rocailleuse parole

Défrichée par le vent

Aux sources de la nuit

Du fond des premiers sons

Le versant minéral d’un verbe inaccompli

Les semailles d’un possible répons

 

 

Le recueil "le temps se détache de la fenêtre" ont été publiés par les éditions TARABUSTE dans la revue TRIAGES au 2ème trimestre 2013,

 

Illustration Lionel Borla -  Scene hellénique - (Technique mixte sur papier - 35x55 cm)

 


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