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Irréductible Barbey d’Aurevilly

Irréductible Barbey d’Aurevilly

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Un véritable lecteur de Barbey d’Aurevilly ne peut pas écrire raisonnablement un billet sur cet écrivain en le qualifiant de ceci ou de cela, en lui attribuant des étiquettes étant forcément réductrices avec l’auteur de « Une vieille maîtresse ». Barbey n’est pas seulement un auteur catholique plus original que d’autres, moins soucieux de personnages exemplaires qui ne seraient que des archétypes, écrivant avec de longues plumes d’oie et des encres de différentes couleurs d’une écriture à larges jambages. Il évoque très bien et très clairement dans sa correspondance à Trébutien, son ami de toujours, la sottise crasse, et l’inculture, de nombre de ses coreligionnaires surtout soucieux de plaire à leur petit milieu avant que de s’inquiéter d’être ne serait-ce qu’un tout petit peu en cohérence avec leur Foi.

Il eût souvent affaire lors de la publication de ses livres à l’un ou l’autre purotin soit frileux dans leurs jugements soit simplement ignares.

Elle vaut bien pour lui la bêtise des bourgeois positivistes d’une amoralité foncière, d’une avidité de bêtes furieuses, de pourceaux se vautrant dans leur bauge et qui n’ont guère changé depuis son époque. Ils se sont juste contentés de jeter aux orties depuis « Mai 68 » leurs hypocrisies morales ne cachant plus leurs coucheries n’ayant qu’un très lointain rapport avec l’hédonisme.

Il n’est pas seulement non plus ce dandy préoccupé par la mode de son époque ayant des flamboyances également sur ce sujet revêtant parfois une redingote mauve doublée de carreaux noirs et blancs, se coiffant d’un haut-de-forme à ruban violet ce qui amenait les imbéciles à se payer sa tête. Ce n’était pas seulement l’apparence le problème mais le désir de vivre selon une morale aristocratique. Barbey en effet s’habillait de cette manière dans les moments les plus difficiles de son existence, lorsqu’il en était à quasiment mourir de faim de par son incapacité au compromis et surtout de son mépris absolu de la peur de la « mort sociale ».


C’est la peur panique de celle-ci, de la « mort » à une société matérialiste pourtant abjecte, à des groupes où l’on est surtout préoccupé de se fondre le plus dans la masse quitte à y perdre toute dignité, toute humanité, qui implique que beaucoup retiennent leur plume, ne vont pas jusqu’au bout de leurs idéaux, de leur sens moral, de leurs convictions, de leur Foi. Le créateur du « Chevalier des Touches » montre cependant que le plus souvent il n’y a pas d’alternative possible entre le déshonneur et l’intégrité morale. Il sait également que cette « mort » n’est même pas une « petite mort », qu’elle n’est absolument pas douloureuse, libérant au contraire. Léon Bloy qui fût son secrétaire retiendra cela dans ses propres œuvres et Bernanos plus tard. Il n’y a qu’un seul choix possible entre la Vérité et les accommodements avec celle-ci.

Barbey n’est pas uniquement cet auteur de la passion exacerbée ne se souciant pas une seconde du réalisme, rejetant tout naturalisme pour lui inhumain et grossier, décrivant des sentiments toujours beaucoup plus puissants que ceux du commun, du « vulgum pecus » dans ses livres. Des histoires qu’il raconte, se déroulant pour la plupart dans sa Manche française dont il était le Don Quichotte le plus vaillant, l’on retient les images marquantes du visage atroce de l’abbé de la Croix-Jugan dans « l’Ensorcelé », héros et salaud, la croix de chair de la fille du « prêtre marié », les cris de la « vieille maîtresse » non loin de la grève de Carteret, les roues du carrosse s’enflammant par la passion de deux amants dans le même roman, la beauté lumineuse du couple « diabolique » du « Bonheur dans le crime », le pourpre du « Rideau cramoisi »

Il est tout cela à la fois parce qu’il est d’abord un homme libre ayant choisi la Littérature afin de s’émanciper de tout les sentiments étriqués que la morale commune (ou plutôt l’absence de morale commune) considère comme absolument nécessaires pour vivre confortablement dans ce monde. Pour le comprendre le lecteur attentif peut également se plonger dans « Barbey d’Aurevilly journaliste » venant de paraître chez Garnier-Flammarion. L’on suit tout au long de ce recueil la réflexion politique, éthique et spirituelle de l’écrivain, ce « vieux viking au verbe sifflant » qui ne fût pas toujours catholique ou monarchiste lucide sur la veulerie et le manque de grandeur de son camp supposé. Il ne fut jamais non plus l’homme d’un parti ou d’une coterie, un militant, un idéologue amateur de slogans simplistes, de mots d’ordres.


Barbey est bel et bien irréductible à toute classification, tout enrégimentement encourageant ainsi ses lecteurs à la même liberté ce qui suppose de leur part du courage et de la volonté que l’on aurait du mal à trouver chez de nombreux auteurs « virtuels » qui sont à les lire, à parcourir leurs « statuts » et « commentaires » prêts à tout tant que cela le demeure, virtuel, justement. Pourtant notre époque a grand besoin de grandeur, de passion dont la passion pour la Vérité, la Paix, la Justice, l’Humain, d’intégrité morale aussi. Sommes nous prêts à suivre pour cela Barbey d’Aurevilly ?


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