Évitons aujourd'hui de lire Zola
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Pour s'épargner des lectures fastidieuses : évitons aujourd'hui de lire Zola
En 2014, la subjectivité est très mal considérée, pour un critique littéraire, musical, cinéphile, il serait de bon ton d'être objectif, d'intellectualiser au maximum sa réflexion et donc d'éviter d'écrire sur les sensations, les sentiments, la réflexion, les rires, la colère que sa lecture aurait pu faire naître que l'auteur d'un roman, d'un « concerto », d'un film l'est précisément pour transmettre tout cela aux autres car contrairement au préjugé actuel, un créateur de formes n'est pas un genre d'égocentrique infantile et puéril, mais quelqu'un mu par sa générosité et son désir de partager son univers intérieur. Bien entendu, cette prétendue objectivité n'est rien d'autre que la subjectivité de notre époque libérale libertaire jusqu'à l'abjection.
Il existe encore des écrivains que personne n'ose attaquer ou remettre en cause car soit ils ont « la carte », soit sont-ils considérés comme des icônes politiques, ou de progrès, inattaquables. Finalement, il n'est jamais vraiment question de littérature au sens strict du terme. Il faut que celle-ci ait une utilité sociale la plupart des arbitres des élégances culturelles ayant de la littérature une perception à courte vue, petite bourgeoise, la réduisant à un divertissement que l'on ne peut s'offrir qu'à condition d'être matériellement gâté.
Marcel Proust qui est l'auteur le plus cité par exemple par ceux qui veulent mettre en avant leur culture est finalement rarement réellement lu jusqu'au bout de « la Recherche du temps perdu », ce qui est dommageable car il est à lire de par « a minima » son style extraordinaire, sans oublier Julien Gracq, combien de « khâgneux » qui prétendent « adooorer » « le Rivage des Syrtes » et qui n'ont jamais dépassé la page de garde, omettant bien entendu « la littérature à l'estomac », ou Émile Zola qui par ses prises de positions « dreyfusardes » est perçu même à droite comme une idole indéboulonnable, sans parler de Sartre ou Simone de Beauvoir considérée comme un parangon de femme libre voire Céline, le classique « sulfureux » de service.
Là encore c'est juste que ceux qui évoquent ces auteurs ne le font vraisemblablement non plus du tout par goût des Lettres mais qui par vanité mondaine qui par lâcheté, conformisme ou simple paresse intellectuelle car dire comme tout le monde est plus confortable que faire preuve d'indépendance d'esprit.
Léon Daudet dans ses « fabuleux Souvenirs Littéraires », dixit Proust, raconte les visites de l'auteur de « l’Assommoir » chez son père, son défaut de prononciation, un « vévaiement » ce qui permettait à Gros Léon de parler du célèbre « V'accuve ». Émile Zola était également obsédé par ses chiffres de vente, ce qui laissait dire à Daudet fils que les scènes crapuleuses et noires, ou croustillantes, des livres du cycle des « Rougon-Macquart » étaient surtout rédigées non pas pour créer une atmosphère ou un style, même pas par souci littéraire mais pour faire du chiffre.
Il raconte aussi que Barbey d'Aurevilly détestait Zola, et Flaubert qu'il ne comprenait pas car celui-ci n'était pas l'infâme naturaliste que Barbey supposait, sa passion, ses entrailles et son cœur transparaissant même malgré lui dans ses romans, en particulier « l’Éducation Sentimentale » ; Flaubert joue le cynisme quand il écrit à Louise Collet lui racontant la fin de ce roman, mais le récit de la dernière rencontre entre madame Arnoux et Frédéric ne trompe pas, l'image d'un peigne où sont pris quelques cheveux gris éveillant une émotion indescriptible chez tout lecteur doué d'un minimum de sensibilité. Zola n'a pas cette passion, n'écrit pas avec ces entrailles, encore moins avec son cœur faisant de ses personnages des archétypes d'humanité déplorable, des spécimens pour lesquels il n'a aucune empathie ou compassion, Flaubert « était Madame Bovary ».
Zola a du mépris pour ses « pécheresses » ; « Nana » meurt horriblement dans « la Débâcle » dont je n'ai pas dépassé la page 61 (note personnelle : curieusement, quant aux livres que je n'arrive pas à finir, je m'arrête toujours sans le vouloir à ce numéro de page), Thérèse Raquin est tout à faite méprisable et la femme qu'aime l'abbé Mouret une névrosée, quant à Gervaise c'est une étude pathologique exemplaire d'alcoolique de milieu populaire. Notons que ces personnages méprisés par leur créateur sont tous des pauvres, des « petits », en dessous de la classe sociale de l'écrivain qui était un bourgeois installé.
En évoquant ces souvenirs au sujet de Zola, je ne me couvre pas derrière l'opinion très arrêtée du fils de l'auteur des « Lettres de mon moulin », je n'ai jamais aimé Zola qui a été dès le collège une lecture fastidieuse et en plus considérée par l'institution comme « obligatoire » : grâce à Dieu j'eus une enseignante de français qui lui préférait Maupassant, qu'elle me fit découvrir ainsi, se bornant à nous faire lire les passages « au programme » pour faire bonne mesure cependant et que nous sachions à quoi nous en tenir.
Excepté quelques descriptions fulgurantes de paysages miniers dans « Germinal », des « grands magasins » dans « Au Bonheur des dames » ou des Halles dans « le Ventre de Paris » Zola m'ennuie profondément par une grandiloquence qui sonne creux, j'ai pourtant essayé de le lire, j'ai fait des efforts, parcourant « Thérèse Raquin » qui me laissa froid ou « la faute de l'abbé Mouret » où la chair est très triste ce qui est quand même légèrement embêtant pour un livre censé dénoncer la moralisation catholique et traditionnelle des mœurs, la tragédie du célibat de ce prêtre qui ne tire aucun plaisir à la transgression.
Ce petit article s'il a pour but d'éviter des livres fastidieux au lecteur attentif lui donnera peut-être l'envie de (re)lire Flaubert et, ou Barbey, et bien entendu les indispensables « Souvenirs Littéraires » de Léon Daudet, auxquels je rajouterai l'histoire de la littérature française de Kléber Haedens.