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L'âme française

L'âme française

Par  

Denis Tillinac, écrivain corrézien attaché à sa « terre qui ne ment pas », nous livre, dans L’âme française, sa vision du clivage entre la droite et la gauche et décrit l’identité profonde de chacune de ces deux opposées. Il tente, au fil de sa démonstration, de définir précisément cette différence de substance, mais l’on se demande parfois durant notre lecture, dans ce vide abyssal qu’offre le monde politique de notre société nihiliste, si son entreprise n’est pas vaine. Car il le reconnaît lui-même, la droite française est aujourd’hui « honteuse et invertébrée », et finalement bien proche de cette gauche libérale libertaire qui lui sert à la fois de maître-censeur et de modèle. Tillinac, tel un mousquetaire, tel Henri IV à la bataille d’Ivry en 1590, nous invite « à nous rallier à son panache blanc » qu’il faut trouver « au chemin de la victoire et de l’honneur ». Grimper sur notre destrier n’est pas sans charme, et nous décidons de suivre résolument la monture de notre essayiste, à la manière d’un Jean Raspail : « sept cavaliers quittèrent la Ville au crépuscule, face au soleil couchant, par la porte de l’Ouest qui n’était plus gardée. Tête haute, sans se cacher, au contraire de tous ceux qui avaient abandonné la Ville, car ils ne fuyaient pas, ils ne trahissaient rien, espéraient moins encore et se gardaient d’imaginer. Ainsi étaient-ils armés, le cœur et l’âme désencombrés scintillant froidement comme du cristal, pour le voyage qui les attendaient. Sur l’ordre du margrave héréditaire, simplement, ils allaient, ils s’étaient mis en mouvement et le plus jeune d’entre eux, qui n’avait pas seize ans, fredonnait une chanson ».

Notre auteur assène en introduction que « la menace d’une disparition corps et âme de la France est à l’ordre du jour », du fait de causes intrinsèquement liées : mondialisation, dilution dans le magma européen, agonie de la paysannerie, précarisation des classes moyennes, flux migratoires, islamisme. Cet « être de chair, de sang et de mémoire » qu’est la France essaie de ne pas mourir. Calomniée par la gauche qui dit d’elle qu’elle fut « honteusement esclavagiste au XVIIIème siècle, scandaleusement colonialiste au XIXème siècle, lâchement collabo durant l’Occupation et monstrueusement tortionnaire en Algérie », elle ne trouve pas plus de défenseurs à droite où acquiescement, repentance, masochisme et culpabilisation sont ancrés depuis longtemps. Notre auteur vise juste quand il affirme que le mauvais virage pris par la droite s’est opéré sous Giscard, avec ce primat donné à l’économie et au sociétal, au détriment de l’identité et de la tradition. Il aurait pu énumérer les terribles forfaitures de ce président à la botte d’une « gueuse » qui perdait chaque jour un peu plus de sa grandeur passée : loi sur l’avortement, regroupement familial, idéologie immigrationniste. Giscard fut un traitre pour la droite française. Il allait, en bon fils mondial, créer les conditions de la transformation profonde de notre patrie, et substituer à l’esprit et au génie français une conscience universaliste sans charpente morale, sans racines culturelles et historiques. La cause originelle, décisive, est parfaitement identifiée par Tillinac qui la nomme au terme de sa longue tirade : « le génie de Tocqueville nous ébahit ou celui de Philippe Muray, le pourfendeur de la modernité qui a tout prophétisé : l’égocentrisme, le consumérisme, le matérialisme, la « société du spectacle », le dévoiement du citoyen en un « supporter », « l’homo festivus ». Tocqueville cependant nous invite à prendre le monde en l’état, pour le meilleur –la liberté- et pour le pire –le règne des egos, leur solitude, leurs frustrations-. La Révolution a ouvert des vannes qui ne se refermeront pas ». Les vannes révolutionnaires, en effet, qui éradiquent le mythe français du chevalier qui s’engage devant Dieu à protéger la veuve et l’orphelin, qui s’acharnent à noyer dans l’oubli le roman national et ses figures immémoriales : Roland de Roncevaux, Bayard, les croisés de Jérusalem et Jeanne d’Arc aux Tourelles… Tillinac fait le récit de Camerone, Tintin, les Templiers, les trois mousquetaires, Cyrano de Bergerac, Mermoz, Roland Garros, Saint Ex et son Petit Prince, pour un joli florilège de références et de figures qui peuplent le paysage de l’âme française, et dont notre écrivain nous vante la grandeur et le modèle qu’ils peuvent encore inspirer et incarner.

Son éloge de « l’éternel féminin », de la femme qui triomphera –y compris de l’obscurantisme de l’islam-, car « elle sait mieux gérer, a plus de combativité, de méthode, d’application et de suite dans les idées, elle avance ses pions dans les univers désertés par les hommes de la politique, de la justice, de la médecine et de la pédagogie », n’est pas pour nous déplaire.

S’il dit croire encore au clivage de la droite et de la gauche, c’est probablement dans un réflexe un peu désuet. Nous le suivons plus volontiers quand il affirme que « des solitaires improvisent leur mode de dissidence en vue de témoigner que le Bien, le Beau, le Vrai et le Juste ont droit de cité, ici et maintenant, quel que soit l’ordre social. » Un cri de chevalier, une exhortation à la mission, un fol espoir, une fulgurance corrézienne ; cette quête temporelle et céleste de l’ordre du Bien, du Beau et du Vrai ne peut souffrir aucune appartenance partisane. Le christianisme nous l’a appris depuis la nuit des temps : toutes les âmes, sans exclusivité, sont invitées au ralliement à la Vérité.


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