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La guerre les avait jetés là

La guerre les avait jetés là

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Le titre de ce premier roman de Pierre Laville est emprunté à une chanson de Barbara (« Mon Enfance »). En homme de théâtre, il nous fait découvrir la vie des pensionnaires et des sociétaires de la Comédie-Française en partant de l'hiver 1942.

Dans un Paris sous cloche mais pas à l'abri des bombardements alliés, le lecteur visite littéralement la scène et les coulisses de ce que furent l'attitude, les engagements de telle et telle personnalité. Nous y croisons par exemple Marie Bell, Mary Marquet, le couple Barrault-Renaud, Jean Cocteau (hypersensible), Sacha Guitry, Paul Claudel (attachiant), le tandem Sartre et Beauvoir, Camus, la jeune Juliette Gréco (ma préférée)…

Deux ambiguïtés s'entremêlent, celle des événements narrés par l'auteur (« tout est presque vrai ») et celle des protagonistes évoluant presque tous dans cette zone grise à mi-chemin de la collaboration et de la résistance, faite d'accommodements avec l'occupant, de haines, de terreurs secrètes et de générosité, de courage. Zone grise aussi du côté allemand, remarquablement rendue par Laville dans son portrait d'Ernst Jünger, engoncé dans un uniforme qu'il n'aime pas, contraint d'obéir mais désireux de protéger ce qu'il y a de plus élevé dans une civilisation.

Petites pourritures bien de chez nous, envahisseurs nobles, cette histoire semble moralement inextricable et le 21ème siècle n'y changera rien. Si nous revenons à la première des deux ambiguïtés, celle de l'intrigue et de l'exposition des parties prenantes, nous pouvons nous demander si Pierre Laville a souhaité ici pratiquer une sorte d'évhémérisme, c'est-à-dire montrer que les dieux de la scène et de l'écran d'alors étaient avant tout des êtres humains. Mais ces dieux aussi ont eu besoin de fictions et, en définitive, la création théâtrale, magnifiquement louée dans ce roman, est une rectitude intérieure face à la mort.

La guerre les avait jetés là, roman de Pierre Laville, Robert Laffont, 416 pages, 23€


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