La littérature hors du temps immédiat
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Ou le temps de penser « tout le temps »
La littérature parfois peut se décaler du commentaire instantané car elle conduit à toutes les formes de pensées, même celle qui échappe aux temps des media, la littérature sur le Temps lui même. De Nietzsche, de Woolf, de Sarraute, de Ricœur, de Barthes et de Borges, on sait leur pensée résumée par le travail de Anne-Laure Rigeade, « Le présent : du temps de l’écriture au temps de la lecture » en 2007.
Pour nous, il existe deux sortes de littérature, l’imaginative, propre aux poètes et romanciers, et sa complémentaire, propre aux journalistes, la presse relatant et commentant des événements. Et l’on sait le mot d’Oscar Wilde, « la littérature n’est pas lue, le journalisme est illisible ». Faudrait-il alors, non sans effort génial et douloureux, inventer une autre forme de littérature ? L’écriture des extraterrestres existerait dans ce schéma rêvé d’une façon d’écrire non soumise à l’imagination - cela demande tellement de temps, d’efforts, et de prises de risque aux Romanciers, aux poètes, ah ! L’inspiration et le monde des éditions … - et surtout, non soumise à l’évènement ? - les faits divers, la politique nationale, le réchauffement climatique, la déjante des people… tout un pan de la littérature un petit commerce … ! –
Comment écrire du neuf avec cette limite : ni imagination trop haute et épuisante, ni racolage de commentaires fourre-tout anodins ? Seul Marcel Proust pourrait se targuer d’avoir creusé vers une autre limite : la nature de la création dans la phrase française. Tous les autres ont écrit des romans, ou des poèmes, ou des articles ! Il reste la part ésotérique et mystique légendaire d’un verbe sorcier, mais la littérature des rituels et des cabales reste délicate à promouvoir dans le grand public.
Alors ? On jette l’éponge, comme Jacques Depreux, poète français qui, dans un ultime poème nous disait des élans de l’homme face à la nature, cette tirade : - Non, je suis là pour tenir parole ! Propos de chacun de nous ? La tristesse perceptible dans ce flou confinant la poésie à un balbutiement désespéré mais fier de l’être… ou bien l’on dévore les poètes passés comme Yves Bonnefoy se matraque le génie intérieur en redonnant sa énième version de Baudelaire, tous les ans ou presque ? Allons, tout n’est pas si terne ! L’écriture se médite, elle se ralentit dès que ce genre de lucidités apparaît : éloge de la lenteur créatrice, ici nous recommandons à tous les lecteurs et à tous les écrivains de passage de ne pas tout mettre en mot, mais de penser l’écriture du temps.
Les politiques d’ailleurs marchent parfois en véritables funambules virtuoses de cet espace temps chahuté par notre vitesse divisée en un trop-rapide et un trop-lent. Tantôt l’esprit rapide comme l’éclair grâce aux ordinateurs qui peuvent nous transporter par l’écriture de chacun, les réseaux sociaux, les blogs dans des commentaires à foison captivants ou… vains, car si Internet est jeune, Internet est rempli de vanités, le temps nous le fait durement saisir ici… tantôt disais-je l’esprit au contraire en repos, en ressourcement, en lente captation de ce monde qui file dans une direction vertigineuse : nul ne sait où nous mène le changement technologique. On ne saurait prévoir ce qui diffère tout le temps, le temps lui-même, échec dans notre pensée, comme déjà très jadis le constatait St Augustin, ne se laisse pas comprendre « je ne sais pas ce qu’est le temps, le passé m’est inconnu, le présent est insaisissable, le futur est opaque » En fait, nous sommes à notre XXIème siècle les expérimentateurs d’une souffrance nouvelle : la jeunesse branchée aux medias qui font exploser le temps dans ses connexions où justement le temps est moins d’argent qu’avant, toute seconde de mail nous le prouve, nous sommes loin du temps où l’argent se payait aux rythme des heures du travail… Enfin, l’âge des vieilles personnes, déconnectées et quasiment vouées à perdre le temps dans nos sociétés ultra rapides, ultra scindées, ultra culpabilisantes, et ultra permissives est aussi invivable et indéfinissable que celui de nos jeunes sauf à tenter la jonction, de Ricœur nous autres, depuis cette pensée que le temps est dans l’Histoire Humaine une sorte de conversation où apparaissons impromptus et tentons de comprendre et de prendre la parole au moment de notre vie pour laisser la place après aux autres, nous trouvons la possibilité d’accepter cette cassure du temps de nos appareils si fugaces, si frivoles, si déroutant justement : tenir ces deux chandelles du temps, le trop rapide et le trop lent demande d’acquérir la pensée sur le temps.
Qui peut se targuer d’avoir du temps à perdre, pense sur cela tout son temps de passage sur terre, si l’on veut bien nous suivre là-dessus. Or il faut bien finir l’article sans donner l’impression de faire du temps au lecteur. Et je viens de donner l’indice, la lecture sauve souvent l’Homme moderne si désespéré de ne pouvoir se soustraire à sa condition misérable : - au temps présent, est démontrée l’utilité de la construction du futur, conception nietzschéenne s’il en est et rappel de l’homme moderne lucide libéré du Mythe faux des antiques, et ce temps présent possède une mémoire : - Cette mémoire est ce que l’on y met, des atomes de secondes et de pensées à chaque instant écrit, lu, montré, entendu, pour se sortir du piège du Temps tout court, ces lectures et ce savoir qui seront utiles à nos actions demain. C’est donc la preuve qu’écrire est le seul moyen moderne universel de se transcender devant les autres, que le travail soit intime ou qu’il soit effectué en groupe, nous sommes les fuyant et les oisifs inquiets, affairés à traverser notre époque dans un présent qu’on remplit jusqu’à enfin croire, à raison ou à tord - la mort seule nous le dira à chacun de nous à point - qu’on serait devenu éternel, immortel, divin, … mais n’est-ce pas un rêve caressé par tout le monde tout le temps ?