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La Peste

La Peste

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Nous vivons un temps qui ressemble à La Peste de Camus, et je ne dis pas ça seulement à cause du Covid. Camus évoque surtout des pestes morales qui déjà en son temps faisaient du mal. Dans son roman la société s'effondre lentement mais sûrement, rongée de l’intérieur. L'on m'objectera peut-être une lecture primaire de ce livre pris telle une prophétie, ce qu'il n'est pas. L'effondrement de cette société va arriver, il est inéluctable. Il est sans doute nécessaire même si en songeant aux enfants, ce serait moins douloureux que nous l'évitions. Il est dû à toutes ces politiques de Gribouille suivies depuis des décennies par la gauche et la droite. Il est dû à l'effondrement des valeurs morales que tous confondent aujourd’hui, y compris dans les milieux prétendument réactionnaires avec la moralisation. Ils sont réactionnaires mais le mode de vie libertaire a ses bons côtés pour la sexualité, une sexualité sans lendemains où l'autre n’existe pas, où il n'est qu'un gadget sexuel. Et puis quand on est riche pourquoi se sentir coupables ? Se sentir coupable est vécu comme une horreur.

Face à la Peste certains adoptent diverses réactions :

             Il y a ceux qui se tournent vers le Ciel, vers la Divinité, vers les esprits, qui prient, qui méditent qui veulent aussi oblitérer leur humanité. Ils disent « Seigneur, seigneur » mais c'est leur petite personne et d'être sauvés eux qui comptent le plus. A notre époque, il est de bon ton d'aller chercher des spiritualités exotiques, on se cherche en pensant trouver au loin des choses qui sont déjà sous nos yeux, près de nous. Il suffit pour cela de comprendre ce qu'est la vie raisonnée sans nécessité de l'enrober d'un discours intellectuel ou spirituel parfaitement inutile. Et finalement ce n'est que du bon sens. Ils sont nombreux tous ceux qui redécouvrent en somme l'eau tiède oubliant que tout cela il l'avait en eux depuis le début. Mais les esprits ont un avantage, on peut les faire parler sans problèmes, ils ne contesteront jamais ce qu'on dit en leur nom.

             Il y a ceux qui se cherchent un sauveur, homme ou femme, un homme providentiel, une femme providentielle qui ait du courage à leur place. Et s'il ne réussit pas dans son entreprise, hé bien on pourra le rejeter dans les cercles extérieurs de l'enfer sans beaucoup de scrupules. Ils abandonnent alors tout sens critique, toute capacité de réflexion. C'est tellement effrayant ces gens qui préfèrent se fondre dans une masse indistincte plutôt que de penser par eux-mêmes. En France depuis l'exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793 les français n'ont eu de cesse de retrouver un père ou une mère pour le pays. Je ne parle pas à dessein de la nation qui est une notion finalement tardive dans l'histoire des idées. La France était un pays où l'idée même d'appartenir à un ensemble plus grand que sa province, que sa ville, était organique, était intimement et profondément dans tous les esprits. C'est tellement plus confortable de demander à un sauveur du moment de prendre tous les risques à sa place, « parce qu'on ne peut plus rien dire ». Ce qui est faux. Il est extraordinairement triste de constater à quel point la droite d'où qu'elle vienne est toujours dans la justification souvent très laborieuse vis à vis de l'autorité pourtant contestable de la gauche dite morale. « On est pas réacs ! On est pas réacs ! » disent-ils le regard affolé comme celui du lapin tétanisé pris dans les phares d'une voiture. Il faudrait aussi ne pas raser les murs ou baisser les yeux dans la vie de tous les jours quand on croise la canaille, mais pour cela aussi il est bien trop tard.

             Il y a tous ceux qui consomment tout le temps, partout, les biens et les êtres, qui se consument à le faire, se consument indéfiniment. La consommation à outrance rassure. On s'achète des réconforts qui ne réconfortent qu'un court moment et sont autant de « plaisirs tristes ». Bien entendu le consommateur sans cervelle c'est toujours l'autre, jamais soi-même. C'est un peu comme ces téléspectateurs que l'on interroge sur ce qu'ils trouvent le plus intéressant à la télévision. Et la plupart de citer des émissions historiques ou scientifiques dont les audiences disent qu'ils mentent. J'ai toujours trouvé risible ceux qui se plaignent des chaînes dites d'information qu'ils regardent H24. Il suffit d'appuyer sur le bouton « off » de sa télévision pour ne plus en souffrir… Ce qui est effrayant est tous ceux qui se plaignent continuellement du virus clamant qu'ils veulent retrouver la « vie d'avant ». Les embouteillages devant les fast-foods, les files d'attente géantes devant les centres commerciaux sont des indices clairs sur ce qu'ils entendent par « vie d'avant ».

             Il y a ceux rêvant d'apocalypse, de fins du monde régénératrices. Ils rêvent de sang et de carnage comme dans ces films ou ces séries qu'ils regardent en boucle. La destruction, la mort, les massacres les fascinent. Ils se rêvent eux-mêmes en brutes. Je suis toujours amusé par ces garçons et ces filles sages fascinés par les voyous ou qui se verraient bien revenir aux paganismes ceci afin de justifier leurs appétits. Cela en dit long sur la superficialité de ce que nous appelons la civilisation.

             Et enfin, il y a ceux beaucoup plus rares qui font comme Montaigne au moment des guerres de religions ou Orwell après la Seconde Guerre. Quand les croyances personnelles de tout ordre, la plupart du temps toutes plus absurdes les unes que les autres, prennent le pas sur la nuance, sur la raison, il n'y a pas grand-chose à faire que de se préserver dans un havre de paix que l'on se sera choisi en attendant des jours meilleurs, entouré de ses livres et d'un jardin quand on le peut, loin du fracas de cette société se précipitant vers le cœur du volcan, dans la paix et la contemplation de la nature.

Gardant espoir contre vents et marées.


Onfray pense l’Islam
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