Le miroir aux alouettes d'Onfray
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Il éructe, fustige, combat, incrimine, tape, cogne, violente par le verbe, proclame sa farouche liberté et brave les interdictions posées sur le débat et la pensée autonome. Après Penser l'islam, commenté pour Mauvaise Nouvelle, Onfray nous gratifie d'un traité d'athéisme social Le miroir aux alouettes qui s'apparente à un pamphlet contre son temps. Ça déménage et ça dézingue copieusement. Ça fuse de toutes parts et il faut souvent s'accrocher au bastingage pour ne pas être éjecté du navire onfrayen. Comme toujours, on ne s'ennuie pas avec notre philosophe libertaire qui assume, au long de l'ouvrage, les redondances thématiques, comme pour les marteler, expliciter, reformuler, afin de convaincre du bien-fondé de sa démarche, de la réalité utile et concrète de ses intuitions. Ainsi procède-t-il pour son UPC, ou Université Populaire de Caen, fondée en 2002, son œuvre phare, dont il parle à au moins cinq reprises.
A s'entêter et à répéter qu'il ne croit pas au religieux, mais seulement à ses maîtres anarchistes -Diogène, Epicure, Proudhon…-, nous l'avions déjà dit et le redisons ici, c'est sûr, Onfray démontre qu'il est un religieux qui ne s'ignore plus. L'âme humaine et le cœur de chair de l'homme le passionnent. Il exècre évidemment toujours le libéralisme, le marché, l'inféodation des médias aux puissances et aux élites de l'argent, le panurgisme, la populace, c'est à dire le peuple avili et abêti par le consumérisme dont il se repaît, et condamne le suivisme et la complicité active de la société à ses maîtres censeurs et manipulateurs. Ecoutons-le : "si le libéralisme existe, c'est parce qu'on y consent ; si le capitalisme fait la loi, c'est parce qu'on le veut bien ; si le consumérisme ravage la société, c'est parce que l'on fait ce qu'il faut pour ; si la pollution détruit la planète, c'est parce qu'on s'y évertue ; si la télévision nous abrutit, c'est parce qu'on la regarde ; si nos politiciens nous trahissent, c'est parce qu'on les laisse faire ; si les journalistes endoctrinent, c'est parce qu'on les croît naïvement; si leurs journaux existent encore, c'est parce qu'on les achète ; si l'inculture progresse, c'est parce qu'on ne se cultive pas ; si la bêtise occupe toute la place, c'est parce - qu'on la lui laisse ; si les menteurs sont au pouvoir, c'est parce qu'on les y porte et qu'on les élit ; si les cyniques nous gouvernent, c'est parce que l'on se laisse gouverner ; si l'alimentation industrielle fait proliférer les cancers, c'est parce qu'on ne la boycotte pas ; en un mot : si le mal triomphe, c'est parce qu'on le laisse faire et qu'on ne fait pas le bien".
Les fulgurances sont pléthore. Ses vérités, souvent de bon sens, assénées en ritournelle, vont à rebours des poncifs, provoquent l'intelligence et le sens critique : "je crois que ne pas voter est un devoir quand ceux qu'on élit ne pensent qu'à leur image et leur réélection, malgré leur impéritie et leurs échecs", "on ne doit pas utiliser les mots résistant et collabo n'importe comment, ni même nazi ou fasciste", "la déréliction sémantique -autrement dit l'appauvrissement du langage- n'est jamais que l'un des signes du nihilisme de notre époque", "derrière l'aphorisme, il y a toujours une longue pensée", "je préfère une idée juste d'Alain de Benoist à une idée fausse de BHL", "l'argent fait la loi partout dans la cité", "Internet est une zone de non-droit, l'un des nombreux territoires abandonnés par la République", et l'on pourrait continuer comme cela longtemps.
Que retenir de ce vivifiant propos, de cette stimulation de nos neurones, de ce bouillonnement généreusement partagé? Plusieurs choses essentielles :
- la re-culturation du peuple est plus que vitale après la déculturation déshumanisante qui nous a conduits tout droit au nihilisme violent,
- la re verticalisation de l'homme et la redécouverte de la métaphysique sont appelées au chevet du malade occidental moribond,
- la réaffirmation du primat du réel sur le virtuel est urgente pour redonner du corps, de l'épaisseur, du sens aux choses et aux êtres,
- la reconstruction des murs porteurs de toute société civilisée, c'est à dire du père de famille, de la famille fondée sur l'altérité homme/femme, de l'Etat -"notre Royaume un et indivisible"- affaibli et profondément divisé et menacé par le multiculturalisme, de l'autorité, l'éthique, l'honneur, la vérité, ces valeurs trop longtemps combattues par les déconstructeurs et tenants de l'émancipation totale de l'homme -voir à ce propos le commentaire sur MN de La Haine du monde de Chantal Delsol-, est une priorité.
- Pour ne pas verser dans les passions tristes, pour demeurer espérant, pour croire encore en l'avenir de l'homme, pour repousser le spectre d'une implosion de notre civilisation, pour goûter à nouveau aux délices d'un bonheur bien réel, il n'y a pas pour seul recours la méthode Coué. La foi dans le caractère irréductible de l'homme, son essence sacrée, sa résilience au cours des siècles, durant ceux de fureur particulièrement, nous donnent ce précieux baume de l'espérance. Et n'oublions pas pour nous redonner un franc sourire, la lecture des livres d'Onfray.