Lélian déboulonne Onfray
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C’est bien connu, « Tout ce qui est excessif est dérisoire. » Pour autant, tiédeur et compromis tenant lieu de philosophie de vie mènent à l’impasse d’une existence plate et morne. Nous préférerons donc toujours l’excès, l’hyperbole, l’exagération, la démesure aux attitudes parfaitement raisonnables et aux propos convenus. Une question nous vient sur cet enjeu clé qu’est la diversité des sensibilités identitaires à concilier : doit-on exclure de la révolution conservatrice ceux qui sont dans des périphéries différentes ou doit-on, au contraire, englober largement tous les profils utiles ? Nous avons à l’esprit ces intellectuels dont on douterait de la profondeur de la pensée car ils seraient médiatiques ou bien fluctuants dans leurs convictions, à l’instar d’un Michel Onfray tantôt adulé, tantôt brûlé, tantôt classé à gauche et désormais casé à droite. Faut-il, dans l’action de reconquête, inclure ces esprits inclassables dans la famille des conservateurs ou bien les abandonner au bord du chemin ?
L’exercice du pamphlet a ceci de stimulant qu’il permet l’outrance et la caricature. Rémi Lélian les pratique à satiété dans son ouvrage Michel Onfray la raison du vide. Nul doute qu’à la lecture du titre nous fûmes d’emblée avertis : la démonstration de l’auteur se ferait exclusivement à charge. Lecteur et chroniqueur d’Onfray, nous voulions comprendre le sens de cette virulente attaque ad hominem et voir où elle conduirait. Sur bien des points, l’analyse de Lélian est pertinente pour décrire les maux qui déchirent notre pays. Sa plume est acérée, talentueuse et son style élégant. Ainsi, sa première phrase : « Deux obsessions passionnent la France contemporaine plus que toutes les autres : la haine de soi et la fascination de soi. » Très vite, dans le vif de son sujet, l’auteur explique notre besoin de « nous raccrocher à un sorcier pour ne pas sombrer complètement dans un délire ». Onfray est ce sorcier, pas magique, « bouffon », doué pour les « prédictions catastrophiques ou optimistes qui bien souvent se rejoignent et s’intervertissent. », nous cantonnant « à la mesure de la matière pour en faire le terrain de jeu d’une pensée de catalogue ». Lélian ne lui fait grâce de rien. Que le philosophe médiatique puisse se réclamer du peuple ou diriger une université populaire hérisse notre auteur qui considère que le peuple n’a jamais pensé quoi que ce soit et que l’opportunisme d’Onfray à vouloir converser avec lui s’apparente à une imposture. Cette saillie antipopulaire (du peuple qui ne pense rien) nous semble inopportune car nous ne ferons rien demain sans le peuple. Lélian affirme encore que les « grands prêtres de la bêtise moderne ont dressé la table de la cène en son honneur afin de l’accueillir dans le saint des saints », semblant oublier qu’Onfray est désormais qualifié d’abominable réactionnaire par les élites, médias, intellectuels, les BHL et autre Joffrin, ce qui en l’espèce, ressemble davantage à un rapprochement qu’à un éloignement d’avec la « vérité », à une communion avec le pays réel (le peuple) plutôt qu’avec le pays légal (les puissants). Il faut le dire, nous trouvons Rémi Lélian trop sévère dans son réquisitoire. Dire que les « livres ainsi accumulés de Michel Onfray regorgent d’ontologies qui n’en possèdent que le nom, d’esthétiques dévoyées, de morales et de politiques approximatives, pour ne pas parler des audaces qui confinent à la lâcheté et des portes ouvertes enfoncées au bélier » est par trop réducteur. Les livres récents d’Onfray, Décadence, le Miroir aux alouettes, ou Penser l’islam, sont, il est vrai, assez inégaux (nous l’avons dit dans nos chroniques) mais il est faux de prétendre en revanche qu’ils ne traduisent aucune vraie liberté de ton et de pensée. Bien sûr qu’Onfray est déroutant, élabore des réflexions à géométrie variable (ce faisant, il évite l’hémiplégie mentale en récusant les postures trop dogmatiques), mais il nomme souvent, très souvent, le réel, et c’est une bonne chose. Notre auteur stigmatise encore l’hédonisme d’Onfray « dans l’air du temps qui consiste à vanter les plaisirs plutôt que l’ascèse platonico-chrétienne. » Peut-on raisonnablement reprocher à Onfray que sa « philosophie soit faite pour le nombre » et caractérisée par une vulgarisation, quand dans le même temps, les « beaux esprits » s’ingénient, dans un art habile du cercle fermé, à pratiquer une langue absconse, tenant à bonne distance les non-initiés, prouvant leur détestation de la France d’en bas ?
« L’Occident s’enfonce dans le chaos d’une guerre qui prend l’aspect d’un affrontement civilisationnel et religieux. », c’est là un point d’accord entre Lélian et Onfray. Ce dernier a courageusement déclaré, en rupture avec le politiquement correct, préférer une civilisation, la sienne, qui ne prône ni la guerre sainte ni la lapidation des femmes. Il y a ici, concédons-le à Lélian, un paradoxe, ou du moins un vrai changement d’opinion du philosophe médiatique, car du temps de son Traité d’athéologie il affirmait sans nuances que toutes les religions étaient source de violence. Oui, Onfray a changé dans le bon sens, et c’est un point essentiel, possiblement utile à la réaffirmation identitaire attendue par les Français. Lélian pointe le « tournant réactionnaire de sa pensée» qui viserait à épouser opportunément la dynamique suscitée par les Zemmour, Finkielkraut, Dantec et consorts. Nous y voyons plutôt la bonne nouvelle de son ralliement au camp des défenseurs de l’identité française. Finalement, la contribution de Lélian à la jacquerie anti-onfrayenne prouve que la controverse est bien nécessaire à la liberté d’expression souvent mise sous le boisseau, en France, par toutes sortes « d’autorités morales » politiques et médiatiques. Ne pas aimer Onfray reste, dans un pays à la parole libre, une possibilité. Lélian l’utilise. Nous préférons parier sur l’impact positif du « nouvel Onfray » et sa capacité à rallier une part non négligeable de l’opinion à la supériorité des valeurs conservatrices de toujours.