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L’Eglise en procès

L’Eglise en procès

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L’Eglise en procès : telle est la réalité d’une situation qui ne date pas d’hier mais dont l’acuité est très forte aujourd’hui. C’est aussi le titre du dernier ouvrage de Jean Sévillia qui a coordonné les analyses d’historiens et journalistes tels que Jean-Christian Petitfils, Sylvain Gougenheim, Olivier Hanne, Olivier Chaline, Yves Chiron, Martin Aurell et bien d’autres. Ces personnalités, savoir historique et jugement nuancé à l’appui, font face aux jugements réprobateurs, aux injonctions à charge, au mépris condescendant que subit la noble institution âgée de 2000 ans. A vrai dire, l’Eglise est l’objet d’une double attaque : celle liée à un passé parfois troublant tant ses turpitudes purent être importantes, mais aussi faussement amplifiées, à nos yeux contemporains, d’un trompeur manichéisme anachronique ; l’autre, guerre déclarée de tous les instants, est le fait d’un modernisme dogmatique qui la trouve scandaleusement conservatrice et inadaptée à la réalité du monde, au moteur unique qui meut ce dernier, à savoir la quête du Progrès. L’assertion moderniste de l’inadéquation de l’Eglise avec le monde actuel, vraie selon le principe évangélique du « Etre dans le monde mais pas du monde », est par ailleurs erronée en ce qu’elle peut encore constituer une voie de salut. Expliquons-nous. On peut fort légitimement penser qu’à l’heure du tout économique, du tout numérique, du tout artificiel, du transhumanisme et sa cohorte d’avatars qui nient la singularité sacrée de l’homme, le christianisme, plaçant la dignité humaine au cœur de sa proposition, incarne une perspective nouvelle. Profonde vision à explorer ou ré-explorer, providentielle et opportune, apte à nous sortir d’un bien mauvais pas. Il faudrait donc, pour recouvrer notre âme, réinvestir pleinement le catholicisme. « Seul Dieu peut nous sauver. » a dit un jour le grand penseur Heidegger.

Comme toujours avec Sévillia, les sujets sont passionnants et la hauteur de vue est présente. L’esprit retrouve ses plus belles lettres de noblesse. Dès l’introduction, notre auteur questionne notre intelligence et cet ange gardien qu’est notre libre-arbitre « Les croisades étaient-elles une entreprise impérialiste des Européens à l’encontre de l’Orient musulman ? L’Inquisition a-t-elle brûlé des milliers d’hérétiques ? La chrétienté médiévale était-elle antisémite ? A quelle époque l’Eglise s’est-elle interrogée pour savoir si les femmes avaient une âme ? Les papes de la Renaissance ressemblaient-ils tous aux Borgia ? Pendant les guerres de religion, les catholiques ont-ils fait preuve d’intolérance pendant que les protestants incarnaient la liberté d’esprit ? Galilée a-t-il été condamné parce que les papes s’opposaient aux découvertes scientifiques ? L’Eglise du XIXème siècle était-elle par principe hostile à la modernité ? Dans les années 1930, le Vatican s’est-il aveuglé par anticommunisme sur les dangers du fascisme et du nazisme ? Pie XII a-t-il fermé les yeux sur la persécution des Juifs ? »

Le livre casse quelques poncifs qui sont bien enracinés dans les consciences parce que largement véhiculés par l’appareil progressiste omniprésent dont les médias, un grand nombre d’universitaires et membres de l’Education Nationale sont les propagandistes zélés. La contre-entreprise sur base d’objectivité menée ici par ces historiens talentueux fait donc du bien au débat dont l’état actuel, en France, est celui de la mort cérébrale avancée. C’est, il est vrai, de longue date, la vocation particulière de Sévillia d’être précurseur dans la dénonciation et l’analyse fine des mécanismes de déconstruction. Auteur à succès, entre autres ouvrages, de Historiquement correct et Moralement correct au fort retentissement, il a permis aux sphères conservatrices d’assumer et de fédérer leurs combats, d’être mieux outillées intellectuellement et d’être un tout petit peu plus audibles dans le grand concert cacophonique de notre société.

Pour entrer fructueusement dans le livre, notre auteur encourage à quitter les œillères de l’indifférence religieuse, mettre de côté le tropisme individualiste dont nous sommes pétris, « se défier des lectures manichéennes du passé », afin par exemple d’appréhender ce que fut le Moyen-Âge, ses controverses christologiques conduisant au schisme entre Rome et Constantinople, pour comprendre que la société médiévale fut une société holiste dans laquelle Eglise et société ne faisaient qu’un. L’Inquisition, sans être disculpée, mais replacée dans son époque peut alors être perçue « comme l’institution de toute une société » selon le Père Grégory Woimbée contributeur à l’ouvrage. Les thèmes explorés sont vastes et variés : l’historicité du Christ et des écritures saintes prouvée par les recherches scientifiques les plus récentes en archéologie, linguistique et papyrologie ; le rapport de l’Eglise aux Lumières et à la modernité ; la question de la foi et de la raison ainsi que la longue histoire chaotique des clercs avec la science, l’importance en la matière de l’Abbé Lemaître, chanoine et astrophysicien découvreur du Big-Bang ; l’usage par l’Eglise, dans les temps médiévaux, de la « paix de Dieu » et de la « trêve de Dieu », la promotion du modèle chrétien de chevalerie pour tenter de réduire la violence ; la croisade, aventure pénitentielle individuelle et collective aux allures de pèlerinage, et puissant idéal de toute une société qui vira parfois au tragique ; la femme, comme le rappelle François Huguenin, qui « par le mariage indissoluble, progressivement érigé au rang de sacrement, a été protégée par le christianisme plus que dans toute autre société » ; la femme toujours, dont la question de savoir si elle avait une âme n’émane en rien de l’Eglise mais des milieux anti-chrétiens du XVIIIème siècle.

S’il y eut un génie avéré du christianisme, encore à l’œuvre Dieu merci, c’est bien celui du génie féminin. Prenons quelques exemples épars loin de refléter l’extraordinaire foisonnement et rayonnement des femmes dans l’histoire de l’Eglise : l’action de sainte Geneviève face à Attila et celle de Clotilde dans la conversion de Clovis (« Il n’y eut jamais l’équivalent de ces femmes à Athènes ou à Rome. ») ; la bénédictine Hildegarde de Bingen figure de la spiritualité médiévale, particulièrement du monachisme féminin allemand ; Gertrude d’Helfta, Claire d’Assise, Elisabeth de Hongrie, Brigitte de Suède, ces deux dernières comme représentantes de la sainteté des femmes mariées ; mais encore Thérèse d’Avila, Jeanne d’Arc, Jacqueline Pascal sœur et égérie de son frère Blaise, scientifique et philosophe incomparable.

Le livre de Sévillia montre l’extraordinaire enracinement de l’Eglise dans les événements de l’histoire. Elle fit corps, fut consubstantielle à eux. Oui, la proposition toujours neuve de l’Eglise à notre monde déboussolé semble d’une brûlante actualité. A condition que des hommes de bonne volonté aient le désir de renouer avec l’intelligence et l’intériorité que le libéralisme libertaire leur a violemment ôtés.


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