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Les écologistes contre la modernité

Les écologistes contre la modernité

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Ferghane Azihari est un jeune intellectuel analyste en politiques publiques. Anti-malthusien, il pratique l’écologiquement incorrect en assumant, dans son ouvrage Les Ecologistes contre la modernité publié aux éditions des Presses de la Cité, une posture prônant à la fois la poursuite de l’innovation technologique et le développement démographique. Il fustige en outre la « théocratie verte » qui s’impose peu à peu dans le paysage idéologique et politique français : « Les écologistes entretiennent avec la dictature une relation ambiguë. La conviction que l’anthropisation du monde est criminelle et nous dirige vers l’apocalypse légitime en effet toutes sortes de mesures répressives contre les sociétés modernes. »

Fervent disciple des Lumières qui ont produit le monde libéral dans lequel nous vivons, Azihari affirme que « le millénarisme technicien issu des Lumières est la seule religion séculière qui puisse être créditée d’avoir améliorer la condition humaine. » Bien sûr, on objectera que ce point de vue élude le rôle originel prépondérant du christianisme dans l’élaboration de notre civilisation, christianisme qui, contrairement à ce que pense probablement notre auteur, est loin d’avoir disparu, même si sa forme édulcorée a désormais intégré tous les codes de la modernité. On arguera encore que les Lumières ont créé les conditions générant la disparition progressive de notre civilisation classique fondée sur le triple héritage de Rome, Athènes et Jérusalem. En chassant le théocentrisme, elles ont favorisé l’avènement de valeurs chrétiennes devenues folles, c’est-à-dire orphelines de Dieu, et apporté les ferments de la déconstruction, du wokisme, de la cancel culture et du multiculturalisme mondialisé. Mais de tout cela Azihari n’a cure car il pense le monde à travers deux prismes : l’écologie et l’économie. Il concède le legs positif d’Aristote à notre société, selon lequel l’homme est un animal politique, mais c’est pour mieux le ramener à sa fonction d’agent économico-écologique.

Pour lui, il n’y a pas de débat contradictoire possible quant au postulat de « l’universalisation de la prospérité » permise par la mondialisation libérale. Cette dernière, d’après lui, suscite une rancœur et un puritanisme identifiés « comme la peur obsédante que quelqu’un, quelque part, soit heureux ». Il renvoie dos à dos Picketty, les décroissants, le pape François (pape marxiste, selon nous, qui s’est posé sans vergogne en panthéiste zélé dans son encyclique Laudato Si en confondant la planète et Dieu, hérésie qu’aucun pape n’avait osée). Avec l’économiste Joseph Schumpeter, il se fait défenseur d’un même fonds de commerce : « Le capitalisme doit soutenir son procès devant des juges qui ont déjà en poche la sentence de mort. Ces juges se préparent à la prononcer, quels que soient les arguments invoqués par les avocats. »

Les progrès que l’humanité a enregistrés ne peuvent, selon notre auteur, être sérieusement remis en cause : « Nos sociétés doivent être fières de ce qu’elles ont accompli en deux siècles d’industrialisation seulement. Jamais l’humanité n’a été aussi bien nourrie, éduquée et protégée des aléas naturels qu’aujourd’hui, même s’il reste beaucoup à faire au service de la condition humaine. » Il rappelle qu’en 1990, un tiers de l’humanité était frappée d’extrême pauvreté contre moins de 10% aujourd’hui. Notre mondialiste béat est le promoteur d’une vision diversitaire faisant évidemment fi des cultures singulières ; il prophétise donc : « Avec de la persévérance, nous atteindrons bientôt l’ère où plus personne n’aura à besogner pour profiter de la beauté de notre monde. » Lyrique, « Prométhée nous a donné le feu sacré de l’Olympe », il érige l’homme en divinité et se montre en cela fidèle à sa famille de pensée : l’anthropocentrisme triomphant issu des lointains nominalisme et naturalisme, et des proches Lumières. Citant Condorcet : « Chaque siècle ajoutera de nouvelles lumières au siècle qui l’aura précédé ; et ces progrès, que rien ne peut désormais arrêter ni suspendre, n’auront d’autres bornes que la durée de l’univers. » Rien que cela…

Malgré un évident tropisme techniciste, créditons Azihari du mérite de ne pas tomber dans le géocentrisme, l’antispécisme, l’adoration de Gaïa et toutes les stupidités antihumanistes du temps qui criminalisent l’homme occidental chrétien.
Il ne veut pas d’un monde stationnaire mais d’un monde en marche. Il cite l’excellent Pascal Bruckner : « On assiste depuis un demi-siècle en effet au glissement successif des boucs émissaires : le marxisme avait désigné le capitalisme comme responsable de la misère humaine. Le tiers-mondisme, déçu par l’embourgeoisement des classes ouvrières, lui avait substitué l’Occident. Avec l’écologie, nous franchissons un cran supplémentaire : le coupable, c’est l’homme lui-même dans sa volonté de dominer la planète. Les trois victimes émissaires peuvent s’additionner : l’écologie peut récuser le capitalisme inventé par un Occident prédateur des peuples et destructeur de la terre. »

Son écologiquement incorrect, disions-nous, s’illustre à travers quelques aphorismes percutants qui constituent les têtes de chapitres de son ouvrage : les pays sous-développés sont plus toxiques que les nations industrialisées ; la surpopulation et la surconsommation n’existent pas ; les hommes créent plus qu’ils ne détruisent ; anthropocène : de la sélection naturelle à la sélection artificielle.
Finalement, tout ceci est intelligent et présente l’avantage de nourrir le débat, cette chose rendue à l’état cadavérique en France.


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