Découvrez la collection Mauvaise Nouvelle, aux Éditions Nouvelle Marge.


Les mirages de l’art contemporain

Les mirages de l’art contemporain

Par  

Christine Sourgins, historienne de l’art, a reçu en 2007 le prix Humanisme chrétien pour son ouvrage Les mirages de l’Art contemporain. L’écrivain Jean Dutourd affirmait que « L’étape qui suivra le progrès est le chaos surveillé par la police. » Nous pourrions dire d’une paraphrase qu’aujourd’hui l’art contemporain est le chaos avalisé et subventionné par l’Etat. En tous cas, la certitude d’une incroyable bêtise entourant ce « phénomène » submerge le lecteur en refermant le livre. Il y a dès lors une urgence à refuser ce contre art qui, à partir des années 1960, s’est progressivement érigé en conscience non esthétique et donneuse de leçons, qui s’est mis à la botte d’un progrès tout-puissant bien décidé à casser les codes classiques de la beauté et du sens.

Mais suivons les pas et explications de notre auteur qui n’y va pas de main morte : « Nous verrons combien cet art est d’esprit totalitaire, prône la rupture avec tout ce qui l’a précédé, voire organise l’inversion de toutes les pratiques antérieures et que l’on désignait par le terme d’"art". » Au nom de l’art contemporain (désigné par l’acronyme AC), on peut fabriquer des bombes, inventer une drogue, ouvrir un restaurant, installer une baraque à moules dans un musée. Tout le stimule, l’excite et il assume une ambition universaliste, un esprit quasi panthéiste. Il étale ses concepts souvent fumeux comme autant d’exhibitions dénuées de retenue. Moyen de déconstruction, il sert de véritable cheval de Troie pour changer la société, la structure mentale de celle-ci et il envoie aux oubliettes de l’histoire les fondements du vivre-ensemble : respect et discrétion pour ne pas choquer l’autre, consensus quant aux canons de la beauté et des arts réellement universels. Il se veut disruptif, transgressif et raffole de toutes les provocations qui ringardisent selon lui la bonne vieille morale des pères. Il acte et situe sa rupture d’avec le monde d’avant au début du XXème siècle avec Marcel Duchamp et le mouvement Dada. En 1917 à New-York, Duchamp exposait un urinoir noir en porcelaine qu’il signait du nom d’un fabriquant de sanitaires, R. Mutt, et l’intitulait Fontaine.

Christine Sourgins, fine observatrice et pédagogue, nous explique les choses : « La provocation, le détournement, la dérision ont été les outils d’une école artistique dont le but n’était pas la délectation ni l’élan vers la transcendance mais le refus de celle-là et dont la finalité n’était pas la recherche d’une harmonie mais celle d’une déstabilisation générale de la société. » Le présent désormais débarrassé de Dieu et de toute référence au passé se veut pour ainsi dire omniprésent et omnipotent. Il s’auto-engendre. L’immédiat, l’évanescent, l’aujourd’hui sont les seules valeurs acceptables et nous sommes priés, tous autant que nous sommes, de nous y soumettre. Profondeur, réflexion et intériorité sont quant à elles de vieilles lunes méprisées. L’AC engendre une double rupture : celle de l’art et celle du temps. Imprégné de sa force cohésive progressiste, de sa folle (au sens premier) originalité, persuadé d’incarner le génie ultime, il met par exemple sur un pied d’égalité Chambord et Disneyland, les tags et les peintures rupestres de Lascaux, les obscurs gribouillages d’un pauvre pommé béni par les autorités officielles (les FRAC : Fonds régionaux d’Art Contemporain) avec les dessins de Léonard de Vinci. Tout cela sans vergogne et sans honte. Qu’importe ! Le relativisme triomphe et c’est bien l’essentiel à ses yeux. Les phénomènes de catharsis individualistes sont l’acmé de sa vision, la moelle substantifique dont il se délecte avec narcissisme. Il exige encore, nous touchons là au sublime, le « geste fondamental d’appropriation du réel » par tout un chacun.

L’ouverture en 1977 du Centre Pompidou permet à l’AC de franchir l’étape décisive : devenir un art officiel. Décisive dans le sens où il peut désormais être généreusement arrosé de deniers publics, ceux provenant des contribuables, de millions qui cautionnent des pratiques visant à pulvériser la société et son ancienne homogénéité. Les marchands de malheur et de haine sont bel et bien à l’œuvre. Quelle tristesse ! Pourquoi cela, s’interroge-t-on, en entendant monter en nous l’imperceptible musique intérieure d’un de profundis

En citant Levinas, Hannah Arendt et d’autres auteurs chantres de la beauté ou de l’intelligence, du miracle de la vie humaine aussi, Christine Sourgins confirme qu’elle a de belles références. Elle s’applique surtout à décrire les pires inspirations (« exactions » serait plus juste) de cet AC, tantôt grossier, obnubilé par le sexe et sa version la plus sordide, affranchi du tabou de la pédophilie, raillant l’éventuelle dangerosité sociale (dislocation du lien public, traumatismes infligés aux plus jeunes) qui pourrait lui être reprochée, se gaussant du catalogue des forfaits qu’on lui impute. Malgré l’opprobre d’un artistiquement incorrect qu’on jette sur elle, notre auteur maintient vaille que vaille le cap en réaffirmant : « L’art occidental est caractérisé par une grande inventivité. Les écoles se succèdent sans relâche : Van Eyck est contemporain de Fra Angelico et on peut songer encore à la richesse du XIXème siècle qui vit s’achever la carrière de Fragonard et commencer celle de Picasso pour mesurer l’immobilisme de Duchamp à Torini. La postmodernité nie toute une continuité, elle cite parfois un héritage mais ne l’assume jamais, elle se condamne à répéter sans arrêt la rupture, la rupture, la rupture, comme un disque rayé. » « Ces artistes ont le concept de la répétition. » rétorque un jour un conservateur sûr de sa vision « éclairée » à un visiteur choqué par la laideur et le rabâchage promus par l’AC. Si Lapalisse pouvait donner à rire, rappelle l’auteur, la tautologie de la « rupture pour la rupture » n’est pas sans inspirer quant à elle une crainte légitime.

Christine Sourgins offre les clés de compréhension de cette vague libérale libertaire qui arrive du fond des âges, du moins du XIVème siècle, de Guillaume d’Ockham et sa théorie nominaliste, véritable séisme provoqué par ce moine franciscain qui pensait que le monde était trop complexe et équivoque pour tenter de l’expliquer ; les choses existaient pour elles-mêmes, point. Thomas d’Aquin avec sa Somme était prié de remballer sa vision d’un « être » des choses, d’une ressemblance ontologique entre Dieu et l’homme, d’un tout cohérent qui se pense, s’ordonnance, liant le visible et l’invisible. La machine infernale de la déconstruction ne cesserait plus de s’emballer.

En illustration du néant de cet art affranchi des symboles, du sens, des repères, on peut citer le philosophe René Girard : « Le diable n’a pas de fondement stable, pas d’être du tout. Pour se donner une apparence d’être, il lui faut parasiter les créatures de Dieu. Il est tout entier mimétique, autant dire inexistant. »

Sans oublier l’incomparable Dostoïevski qui prophétisait : « La beauté sauvera le monde. »


L’art contemporain est le soft power planétaire
L’art contemporain est le soft power planétaire
Quand les Sophistes proposaient le règne des jargonneurs
Quand les Sophistes proposaient le règne des jargonneurs
Aristote, l’ennemi des libéraux libertaires
Aristote, l’ennemi des libéraux libertaires

Commentaires


Pseudo :
Mail :
Commentaire :