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Philippe Muray et ses héritiers

Philippe Muray et ses héritiers

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A droite, depuis quelques temps, il est de bon ton de se dire « murayen » sans trop savoir ce qu'il y a dans l’œuvre de Philippe Muray, sans même l'avoir lue sans jamais avoir entendu parler du « festivisme ». Il est même des groupes « facebook » lui étant consacrés pour le célébrer, ce qui l'aurait certainement fait hurler de rire car c'est une démarche procédant du festivisme pur et dur au fond, et du communautarisme. Ce sont des héritiers que l'auteur de « Chers Djihadistes » n'auraient pas reconnus.

C'est un peu comme ces « céliniens » qui le sont surtout à cause de la réputation antisémite de Louis-Ferdinand, celle-ci justifiant leur propre pseudo « antisionisme » comme il est de bon ton de dire à la place de judéophobie, et plus prudent. Muray était aussi un célinien passionné, mais un vrai, il aimait l'auteur du « Voyage… » et de « Guignol's Band » surtout à cause de la littérature et non du fait de la haine absolue et compulsive que l'écrivain ami de Marcel Aymé portait non seulement aux juifs mais à toute l'humanité.

Philippe Muray partage avec « l'oncle de l'Enfer » de Roger Nimier, Céline donc, une hyper-émotivité du verbe et de l'expression, et un même dégoût pour des êtres humains pourtant normalement dotés d'une conscience et incapables d'en disposer librement, préférant survivre sous le joug de contraintes à la fois arbitraires et d'une sottise sans nom au lieu de vivre pleinement, se soumettre aux pires idioties régressives ou mièvres, à l'uniformisation des corps et des esprits sans réagir ni même se poser de questions, à une indignation frelatée, à refuser de penser par eux-mêmes….

Ce n'est donc pas seulement un râleur, ce n'est pas non plus un pamphlétaire imprécateur…

De par la chape de plomb pesant sur la vie intellectuelle française depuis plusieurs décennies, on peut comprendre ce qui excuse ces pseudos « murayens ». Particulièrement depuis Sartre et Beauvoir, il est vrai qu'il est quasiment impossible de s'affirmer « de droite » sans risquer d'être suspecté immédiatement d'appartenance à la réaction ou de nostalgie du nazisme. Se réclamer de Muray, qui était plutôt de l'école des « socialistes dits orwelliens », c'est une manière de se trouver un alibi intellectuel en quelque sorte pour s'avouer de droite. Car c'est étrangement à droite que l'on a la terreur absolue d'affirmer ses convictions clairement, il semble que l'on y ait sans cesse le besoin de se justifier, de culpabiliser de ne pas apprécier les « gloubi boulga nights » ou de ne pas pratiquer le roller (le vélo, le djembé, la cuisine, tout peut devenir citoyen, ça justifie tout aux yeux de « l'homo festivus ») « citoyen ».

Il fallait voir à la télévision ces participants à « la Manif pour tous » au regard de lapins pris dans les phares d'une voiture, sommés par des journalistes à répondre sur leurs convictions et qui protestaient sur leurs grands dieux de ne pas être des réacs ne comprenant pas qu'ils étaient déjà collés dans le même sac que les adhérents de « Civitas ». Il fallait les voir se refuser à être eux-mêmes, à s'affirmer en dehors de « l'entre-soi » rassurant de l'école privé (Hors Contrat ou pas) ou de la messe dominicale dans une paroisse à peine conciliaire ou conciliaire à plein régime. D'autres jeunes gens sages refusant de se dire de droite, ce qu'ils sont bel et bien, ont inventé le concept d'anarchisme chrétien, une idée de premier de la classe d'école catholique justement, ne voulant rien dire à part une chose que l'on ne s'accepte pas tel que l'on est.

En France, on aime bien classer les écrivains dans des petites boîtes hermétiques. Philippe Muray est réputé réactionnaire car il n'aimait pas le ridicule absolu de l'époque, sa vacuité intellectuelle, ses prétentions à une modernité qui serait l'émanation d'un progrès progressiste constant de l'humanité que l'on peut d'ailleurs constater quotidiennement depuis que nous sommes passés de « l'ombre à la lumière » en 1789. Philippe Muray n'était pourtant pas « de droite », sans être vraiment « de gauche » non plus. Il était surtout d'abord et avant tout un auteur indépendant et lucide sur les ridicules de la société dans laquelle il vivait, une société s'imaginant à la fin de l'histoire par vanité insigne, une société où l'adulte rêve de retomber en enfance et a une peur panique de la maturité.


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