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Réseaux sociaux : la guerre des Léviathans

Réseaux sociaux : la guerre des Léviathans

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Le Léviathan, c’est ce monstre de la Bible qui apparaît dans l’Ancien Testament et plus précisément dans les Psaumes, les livres d’Isaïe et de Job. Léviathan, depuis Thomas Hobbes, nomme l’Etat moderne ; Carl Schmitt le définit pour sa part « comme une totalité mythique comprenant le dieu, l’homme, l’animal et la machine. »

Le philosophe Robert Redeker, dans son ouvrage Réseaux sociaux : la guerre des Léviathans, explique comment les GAFAM -acronyme bien connu de Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft- amalgament ces aspects de dieu, d’homme, d’animal et de machine, et comment Google « poursuit un projet d’anthropotechnie dont l’horizon s’écrit en termes transhumanistes et immortalistes. »

Finalement, un Léviathan chasse un autre Léviathan, l’Etat moderne se trouve supplanté par des forces supranationales constituées en un courant qui dévaste toutes les constructions classiques : l’Etat, l’homme, l’intériorité de celui-ci, son épaisseur, sa substance même, les rapports en société, l’anthropologie, la prééminence de l’homme sur toute création naturelle ou matérielle, la transcendance et la croyance en Dieu.

Difficile, à lire Redecker et à penser tout cela, de ne pas croire que la rupture de paradigme engendrée par cette gigantesque dynamique ne trouve pas son moteur dans un projet de déconstruction et d’élaboration d’un Monde 2.0, cette utopie en passe de devenir réalité et que l’on peut décrire comme la digitalisation de l’homme.

Notre philosophe l’affirme : tout a volé en éclats et plus rien ne résiste à la lame de fond. Les dispositifs techniques faits d’algorithmes surpuissants cherchent à dire la morale et à faire la loi en lieu et place des instances traditionnellement affectées à ces offices : les institutions politiques, philosophiques ou religieuses, les élus du peuple, la coutume, le bon sens. Il poursuit brillamment : « Du fait de ces technologies, les hommes ne pourront plus entretenir de jardins secrets aux fleurs un peu vénéneuses. L’utopie numérique l’exige : dans son nouveau monde, il n’y aura plus de double ni de triple vie, et l’âme humaine aura oublié ces nombreux obscurs replis, rebelles à la transparence, ces refuges faits pour l’invisibilité, qui la caractérisaient. Cet univers numérique qui s’impose à nous, exige que l’âme humaine soit simple et translucide, qu’elle ne soit qu’une entité sans double ni triple fond. Pour le dire en un mot : elle exige la fin de l’âme. »

Comment ne pas comprendre que ce projet vise à nier à tout prix la part sacrée de l’homme, à contester sa légitimité et, celle de Dieu créateur de l’humanité. Là où le christianisme voit un homme image de Dieu, capable du bien et merveille des merveilles de la création, le nouveau Léviathan, Satan invitant à se jeter du Temple pour rejoindre les mirages enchanteurs du monde virtuel, lui ôte toute raison d’être, toute sacralité, toute singularité, toute éternité pour mieux le désespérer et se l’inféoder.

Ce nouveau Léviathan, à la différence de l’ancien, est sans contours, sans frontières, « s’organisant dans une sorte de ciel, le fameux cloud, ce nuage qui malgré sa nature virtuelle engendre de terribles effets de réalité. » Il veut bannir de la société et de la mémoire les dernières traces d’humanisme. Il élabore des néo-valeurs, s’invite dans les législations de bio-éthique. PMA, GPA, avortement, euthanasie, gender réussissent à détruire la filiation, le mariage, la famille, la dignité humaine, la distinction homme/femme, le monde patriarcal et l’histoire. La société liquide et anomique ainsi créée ne pourra plus lui faire obstacle.

Quel portrait-robot peut-on esquisser de cet humain digitalisé, réduit à sa plus simple indigence et à la fonction d’agent économique ? « Il n’écrit plus, il ne pense plus, il communique. Il twitte. Il instagramme. Il navigue dans le cyberespace, où la communication s’est déconnectée de l’écriture et de la pensée. Il se constitue sur le paradigme cybernétique : il n’a plus ni intérieur ni extérieur. Il est la négation de ce que l’homme a été, au moins dans l’ère civilisationnelle occidentale, celle issue de la tension entre Athènes, Rome et Jérusalem, jusqu’ici. »


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