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Le Scandale de la Bêtise

Le Scandale de la Bêtise

Par  

Petite réflexion personnelle à propos de Psychologie de la connerie sous la direction de Jean-François Marmion aux éditions Sciences Humaines (voir le site de l'éditeur)

« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle (de la bêtise c'est moi qui rajoute) contre toute espèce de vie intérieure » De Georges Bernanos dans La France contre les robots

Il y a le scandale que peut faire la vérité dans une société moderne, le scandale éternel du mal, et il y a celui de la bêtise qui est la cause originelle des deux premiers. Les imbéciles n'aiment pas la Vérité, n'aiment pas le réel. Ils aiment que celui-ci colle à leurs préjugés même contre l'évidence. Ils tolèrent le mal, l'injustice, la pauvreté si ceux-ci leur semblent aller dans le sens de leurs intérêts propres.

Le livre qui est le point de départ de ce petit texte a un titre provocateur qui est surtout là pour le faire vendre. Il se propose à travers des articles, des réflexions, des questionnements de donner une définition de la connerie ou plutôt des conneries, car il y en a beaucoup. En théorie, pour lutter contre. Malheureusement, on sait que le combat est perdu d'avance. Car la connerie est infinie, éternelle et le demeurera jusqu'à la fin des temps. Ce qui n'empêche en rien de la dénoncer bien entendu. La sienne propre même parfois…

Tout le monde a ses moments de connerie, ses moments d'égarement où notre cerveau se met en pause, l'auteur de ses lignes y compris. Le reconnaître c'est être déjà moins bête. Moins con en définitive. Le mot en lui-même est intéressant, il n'a pas d'équivalent dans les autres langues. Il est très français. Il vient d'un pays où les cons sont mal vus, où ils sont raillés, vilipendés, ou du moins l'étaient. En France il convenait d'être insolent envers les imbéciles pontifiants, les pseudo rigolos en fait sinistres, les théoriciens persuadés de régler le sort de l'humanité, de l'amener à son bonheur malgré elle, avec trois ou quatre slogans bien sentis, et bien creux, quelques idées reçues très banales énoncées comme autant de vérités révélées. Et bien entendu il y a l'immense troupeau des cons de tous les jours, des cons de la pièce d'à-côté, le con qui n'est pas d'accord avec nous, celui qui nous agace nous exaspère, qui ne nous ressemble pas assez à notre goût.

La création des outils techniques formidables que sont le Web, et en particulier le Web 2.0, permet également à la connerie, aux conneries, de se répandre beaucoup plus vite dans toute l'humanité et sur toute la surface de la planète. L'homo dit sapiens a gagné les moyens techniques de faire profiter l'univers tout entier même de sa sottise. Une sottise peut même fournir la célébrité à son auteur. Je songe entre autres à cette jeune fille américaine qui a des millions de fans sur internet pour se verser des pots de mayonnaise sur la tête tout en fredonnant des scies à la mode.

Pour le con de toutes façons le con c'est toujours l'autre. Et diverses justifications de surnager encore et toujours. Entre autres exemples, je songe à ces imbéciles se croyant malins qui ont inventé depuis quelques temps déjà la différenciation entre l'intelligence du cœur et l'intelligence de la raison pour au fond se justifier par avance -et se consoler- de leur propre bêtise. Je ne suis pas très malin mais au fond je suis très très gentil, la gentillesse étant finalement assimilée plus ou moins consciemment à une forme de débilité mentale dans nos sociétés. La plupart des gens ont intégré le darwinisme social très mortifère sévissant à notre époque. Pour s'élever, il convient de marcher sur la tête des autres personnes, d'écraser les autres en utilisant tous les moyens possibles y compris les moins avouables moralement, et si on ne le peut pas de s'allier avec des puissants. Etre gentil c'est risquer de ne pas satisfaire ses ambitions.

D'autres encore opposent l'intelligence spirituelle et le rationnel, comme si là encore c'était deux choses différentes : je n'ai pas besoin de raisonner de manière équilibrée puisque je me sens près de Dieu et de l'Esprit Saint. Je pourrais développer également sur cette confusion majeure entre l'érudition, l'instruction et la capacité à penser plus loin que le bout de son nez. Comme si être intelligent s'apprenait à l'école, autre imposture de notre temps.

Maintenant afin de ne pas évoquer la sottise des élèves, en effet cela commence tôt, on préfère parler des fameux "troubles en dys-…" qui curieusement ne semblent jamais affecter les enfants de familles favorisées qui ont les codes sociaux entre autres menant à la réussite scolaire. On aurait beau travailler, persévérer, s'imposer une discipline de fer comme Bouvard et Pécuchet, lire des milliers et des milliers de livres, si l'on est con dés le départ, malheureusement on le reste jusqu'au bout. Comme ces habitants de la planète où se trouve l'ordinateur géant "Pensée profonde" dans "le guide du voyageur galactique" de Douglas Adams demandant la réponse la plus importante de l'univers, l'obtenant : "42". Mais ignorant toujours le questionnement de départ. C'est aussi dans cet excellent roman swiftien que l'on apprend que l'être humain est la troisième espèce la plus intelligente de sa planète.

S'il y a effectivement plusieurs formes d'intelligence (sept sont définies). Celle-ci est répartie très inéquitablement, très cruellement. On est intelligent ou on ne l'est pas. On est con ou on ne l'est pas. Il n'y a pas tellement d'entre deux. Un con ne surprend jamais, ne déçoit, pas il ira toujours jusqu'au bout de sa sottise. Il s'obstinera contre l'évidence et pour compenser en rajoutera le plus souvent dans la haine, l'agressivité, la violence qui sont autant d'émanations nauséabondes de la bêtise. Plus la bêtise est grande, plus la haine également…

Certes, il est vrai que le con n'est pas si con car dans les brumes de sa cervelle il reconnait toujours les personnes plus intelligentes que lui, parfois même plus rapidement que celles-ci. Car le propre de la personne intelligente est de savoir qu'on ne l'est jamais assez, que l'intelligence s'entretient, comme un muscle, sinon elle dépérit. Et on perd irrémédiablement ses dons. Ce qui est le pire scandale…


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