Vous qui savez…
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Aujourd’hui chacun veut savoir. Il ne s’agit pas de la connaissance ou du savoir qui ferait de chacun d’entre nous un érudit ou un esthète. La recherche du savoir en question concerne ce qui pourrait être désigné comme « la sphère d’intimité de l’autre ». Cet autre peut-être un coupable, une victime, un voisin, un chef de service, le patron, la cousine ou le Président de la République. L’important est d’avoir connaissance d’un événement susceptible de créer une émotion, un ressenti, une réaction sentimentale. Ce que l’on doit savoir concerne les agissements des autres face à un épisode familial par exemple. Les habitudes sociales, les revenus et les loisirs sont les faits qui présentent le plus grand intérêt. Le niveau d’instruction, les inclinaisons artistiques ou culturelles ainsi que les pratiques religieuses sont considérées de moindre importance par ceux qui s’attachent à pénétrer au cœur des autres. En résumé, il semble même que plus l’information est sociologiquement malsaine plus elle est intéressante à diffuser au plus grand nombre. On est en droit de se demander quel intérêt peut avoir pour un certain nombre d’entre nous, de savoir que Monsieur Untel est en réalité, le fils d’un autre. Et pourtant, chaque jour la chasse à l’événement croustillant bat son plein. L’information collectée fera de celui qui est en sa possession un homme libre. Il aura la liberté de la qualifier comme étonnante, incroyable, déraisonnable etc. A moins qu’il s’agisse tout simplement d’un secret dont il serait le seul détenteur, oubliant que l’événement est déjà connu de bien des tiers. Quelle est la cause cet état de fait ?
Les intéressés répondent en chœur que c’est la presse, prise dans sa globalité qui, par ses mots se repaît des maux des autres. Certes la presse joue un rôle important. Mais qui en demande toujours plus ? La situation est d’autant plus ambigüe que le demandeur d’info est un zappeur professionnel qui changera de chaîne, de radio ou de journal sans crier gare. Or, tous les grands médias obéissent à une logique économique. L’information traitée ne changera pas le cours du monde. Elle se doit simplement de retenir l’haleine de celui qui la reçoit puisque cela répond à son besoin de merveilleux, de rêve ou de saisissement. L’idéal pour le média est faire croire au caractère exclusif de son propos pour que le client ait le sentiment de détenir un secret que les autres n’auront pas à leur disposition. Une gageure contenue dans le titre qui s’étale à la une. Remarquons que pour toutes ces raisons la presse est contrainte d’exiger de ses journalistes qu’ils soient aussi des investigateurs.
Dès lors, elle ne fait plus complètement son métier sans forcément en faire un autre. Connaître les raisons du divorce, de l’accident, du drame deviennent les affaires de tous et de chacun. Certes, la presse peut se voir reprocher d’amplifier l’événement, de déformer la matière, de jeter de l’huile sur la grève. Mais pour agir de la sorte, il faut que le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur soit consentant. Pourquoi en est-il ainsi ?
«Jules a fait la même bronchite avant de partir pour l’autre monde» m’a dit l’autre jour ma voisine - qui pourrait être la vôtre - en me parlant de cet acteur américain dont j’ignorais jusqu’au nom avant qu’elle ne m’en parle en m’énumérant les détails de sa vie. Elle possédait tout de ses derniers instants et pouvait réciter le nom de ses maitresses. C’est parce qu’elle sait tout cela qu’elle peut s’identifier à ceux qui, à ses yeux, sont les grands de ce monde qu’elle estime et qu’elle hait tout à la fois. Dans tous les cas, elle rapproche les événements entre eux et conclut à une similitude de situation. Elle vit par mimétisme, par événement interposé. Par procuration de ce qui lui est servi par la presse. Parfois elle est perdue et se voit obligée de surfer sur la donne. C’est le cas lorsqu’elle ne s’explique pas l’attitude de sa belle-fille. Celle-ci peut, par certains côtés se comparer à cette star de cinéma qui a eu le cran de dire publiquement ce que l’écran cachait de son triste quotidien : Il est normal qu’elle ait laissé choir son insupportable compagnon. Par contre, son merveilleux fils méritait mieux que cette garce épousée à la va-vite. Qu’à cela ne tienne, pour être d’équerre, il suffit de prendre le parti du mari ! Et à la limite, ne trouvant pas de justification suffisante pour l’une de ses proies du jour elle dira, avec agressivité, «Tant pis pour lui» ou «c’est normal, il en avait trop » lorsqu’elle évoque les difficultés de son maire, de son Directeur, etc.
N’y a- t-il pas un peu de jalousie ou de méchanceté dans ce colportage incessant de l’information à l’égard des uns ou des autres ? A moins que, mécontents de leur sort ces camelots de