Découvrez la collection Mauvaise Nouvelle, aux Éditions Nouvelle Marge.


Cannes : le cliché de la subversion

Cannes : le cliché de la subversion

Par  

Ce que l’on a vu, ou pas.

On a vu une ancienne starlette de la téléréalité se voir refuser la montée des marches, et faire son petit scandale via Facebook, considérant que le défaut de notoriété n’était pas une raison suffisante, en quoi on ne peut que lui donner raison, tant n’importe qui est autorisé à fouler le tapis rouge. Peut-être était-ce plutôt le défaut d’élégance associé au déficit de notoriété, lui-même combiné au néant culturel de la production artistique de la jeune femme, il faudrait voir si l’ensemble choisi par cette dernière n’était pas un poil vulgaire…

On a bien vu, c’est vrai, un ancien ministre des finances, mis en examen pour proxénétisme, monter ledit tapis rouge au bras de sa nouvelle compagne, certes discrètement, s’est justifié la direction du festival, puisque c’était la montée de 22h, le red carpet de seconde zone, le plan B du star system ; le monde aura quand-même découvert les photos de l’événement le lendemain dans toute la presse, sans aucun autre commentaire que : « mais qui est donc cette nouvelle compagne ? », dont on sait qu’elle ne peut pas « ne pas savoir », alors que nous avions il y a deux ans, encore des interrogations sur le degré de conscience de la précédente sur les mœurs de son compagnon.

On a vu la pluie battante embarrasser les journalistes, enlaidir et abîmer les tenues que les stars siliconées, botoxées et liposucées arboraient. On a vu les Frenchies d’Hollywood revenir au pays le temps de la promotion de leur film. On n’a pas vu le beau gosse de service, qui joue au caïd sanguinaire et laid dans un film hyper violent, déclassifié par la ministre de la culture. Pour faire gagner plus d’argent au producteur, a accusé une ancienne candidate malheureuse à la présidentielle reconvertie banquière bénévole de plan quinquennal.

On a vu deux stars hollywoodiennes monter les marches pour défendre leur film, mettant en scène dans « ma vie avec Liberace » les amours homosexuelles burlesques et grandioses de deux hommes d’âge très différent dans les années 70.
On a vu la palme de la démagogie et de la subversion revenir sans conteste au jury qui a récompensé les scénarios les plus prétendument transgressifs, alors qu’il ne sont que des poncifs provocateurs à caractère politique, de lutte (sic) pour l’égalité (sic encore) des droits (et re sic).
Quelle lutte ? Quel travail ? Quelle sueur ? Le film de Kechiche est le plagiat d’une bande dessinée dont il n’a pas cité l’auteur, laquelle s’en est émue dans les médias le lendemain. Raconter les amours lesbiennes d’une jeune fille rebelle de 17 ans avec une artiste relève du pur cliché, voire de la caricature. Sans parler de l’absence totale d’originalité, le film gay s’étant autoproclamé original, au service d’une cause pour « faire bouger les mentalités », alors qu’il en sort des dizaines par an, et que les esprits, les yeux, et désormais les lois ont largement intégré l’existence de cette catégorie de population, qui, soit dit en passant, pourrait se lasser d’être scrutée, examinée, récupérée, alors qu’elle pourrait aspirer à la tranquillité normale d’une vie discrète. Évidemment, avec des scènes audacieuses, des scènes crues qui montrent tout, et plus que tout, l’on sera sûr d’attirer le voyeurisme de ceux qui estiment qu’un site internet est trop glauque, et pourront se réfugier derrière l’esthétisme prétexté d’un film grand public, financé par le CNC, les télévisions, et la publicité, bref, par tous ceux qui n’iront pas le voir.

On ne verra pas, à saint Cloud, les affiches d’un film primé, encore un, qui montre deux hommes s’embrassant au bord d’un lac. Décidément, les scénaristes du temps manquent cruellement d’imagination. On verra sans doute quelques esprits pour se rappeler les principes gramsciens du primat de la subversion culturelle. Inutile d’insister, chacun aura compris que de crier à la censure, là où une municipalité répond par le respect des administrés et de la démocratie locale, relève de l’idéologie fantasmée de groupuscules qui croient que l’état français incarne un totalitarisme qui promeut un ordre moral réactionnaire, et s’oppose à la création artistique.

Alors nous prend l’envie de revoir « Mission », palme d’or 1986, pour se rappeler du bon vieux temps où le cinéma était capable de produire des scénarios intelligents et complexes, des images époustouflantes, des scènes mémorables, des émotions intenses procurées par des acteurs géniaux. Pas pour la nostalgie, mais pour la santé de nos yeux et de notre esprit.

Un cinéaste bosniaque à Cannes en 68
Un cinéaste bosniaque à Cannes en 68
Jorge Luis Borges à l’écran argentin
Jorge Luis Borges à l’écran argentin
Krzysztof Zanussi, l’ambassadeur chrétien du cinéma de réflexion
Krzysztof Zanussi, l’ambassadeur chrétien du cinéma de réflexion

Commentaires


Pseudo :
Mail :
Commentaire :