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Agent secret, Sollers

Agent secret, Sollers

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Philippe Sollers a écrit Agent secret, élégante alchimie de récits d’autoportraits émaillant sa longue vie d’écrivain, et de poésie au service de ses humeurs joyeuses : « Contrairement aux apparences, je suis plutôt un homme sauvage, fleurs, papillons, arbres, îles. Ma vie est dans les marais, les vignes, les vagues. Qu’importe ici qui dit « je ». Ecrire à la main, nager dans l’encre bleue, voir le liquide s’écouler sont des expériences fondamentales. »

Fataliste dès ses jeunes années ? « C’est la guerre, j’ai compris que ce serait toujours la guerre », mais très tôt fasciné par l’explosion des sens qu’offrent les paradis littéraires et artistiques : « J’écoute aussi toutes ces voix écrites que je vais bientôt découvrir, toutes ces voix qui viendront témoigner, je les reçois et deviens immédiatement leur contemporain, je suis Ulysse, Nietzsche, Baudelaire, Watteau, Rimbaud, Cézanne, Proust, Poussin, et Hölderlin bien sûr. « La mer enlève et rend la mémoire,/L’amour, de ses yeux jamais las, fixe et contemple,/Mais les poètes seuls fondent ce qui demeure. » Je me confonds avec la lumière, la vitesse, l’alcôve, la vague, la musique, la modulation du piano, l’île, le banc rouge sur la place Sant’Agnese à Venise, l’odeur des cierges des Gesuati à six heures du soir avec le plafond vertigineux de Tiepolo, le petit bois de bambous au fond du parc, le grand paysage de Watteau, Assemblée dans un parc, dont la reproduction avait été placée par ma mère devant mon lit, la nature est ainsi entrée dans ma chambre. » En dépit de cette profusion de magnificences, la guerre reste d’une impassible constance : « Nous sommes en 2020 et ça va à toute allure, un détraquage généralisé est en cours, pas seulement extérieur mais intérieur. »

« Comment transformer cet espace enchanté dans lequel je suis né, en temps enchanté », s’interroge l’écrivain ? En lisant Baudelaire et ses propres paradis qui ne sont pas uniquement artificiels : « La nature est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles. » Baudelaire va jusqu’à parler du « vert paradis des amours enfantines, les courses, les chansons, les baisers, les bouquets. » Encore lui : « Là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté… Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur, d’aller là-bas vivre ensemble, vivre et mourir au pays qui te ressemble. »

De son éducation, le trublion libertaire Sollers s’arrime aux essentiels : « J’ai commencé très tôt à lire la Bible, il y a tout dans la Bible, tout et le contraire de tout, le noir et l’espoir, la dépression et la joie, toute la gamme. » Sa passion pour Venise le ramène d’ailleurs inlassablement à cette attache catholique : « Tout s’est donc composé pour moi d’une façon qui va m’amener, très vite, à être le plus souvent possible en Italie, où le Dieu catholique est palpable et saisissable à chaque instant. D’où Venise, peinture, musique, architecture, il y a là quelque chose que j’appelle la splendeur catholique qui est due à ce qu’on a l’habitude, scolairement, d’appeler la Contre-Réforme. »

Rimbaud, toujours lui, toujours merveilleusement lui, présent au cœur des rêveries : « A droite l’aube d’été éveille les feuilles et les vapeurs et les bruits de ce coin du parc, et les talus de gauche tiennent dans leur ombre violette les mille rapides ornières de la route humide. » ; « Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, on vient d’un bond sur la scène. »

Il y a les autres passions de l’auteur, ajoutées à la Bible, qui tiennent les fils de son existence : Shakespeare, les Grecs et la Chine. Mais… sempiternelle rencontre : le viatique, la manne nourrissante, Rimbaud :

Elle est retrouvée !
Quoi ? L’éternité.
C’est la mer mêlée
Au soleil.
Mon âme éternelle,
Observe ton vœu
Malgré la nuit seule
Et le jour en feu.
Donc tu te dégages
Des humains suffrages,
Des communs élans !
Tu voles selon…

 


Sollers, le héros
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Légende du trublion libertaire
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Elle, Dé Dé : Diana Danesti.
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