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Nous vivons dans la pire des dystopies

Nous vivons dans la pire des dystopies

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Plus jeune, adolescent, j'étais un grand lecteur de dystopies littéraires (anti-utopies) découvertes dès 1983 avec Orwell et Dick, mais en 2024 j'ai beaucoup de mal à m'y replonger. L'utopie et l'utopisme sont extrêmement pénibles et témoignent le plus souvent d'une méconnaissance absolue de la nature humaine. Et mises en application elles se révèlent souvent sanglantes, des absurdités violentes. Pour une bonne raison : le réel est allé bien plus loin que tous ces livres, beaucoup plus loin que ce que leurs auteurs cauchemardaient.

Les "télécrans" du 1984 de Georges Orwell, vomissant sans trêve leur flot d’informations biaisées, sont une réalité acceptée par tous sans même avoir besoin de police secrète ni de surveillance constante pour forcer les gens à les regarder… La majorité des gens sont sur leurs écrans continuellement volontairement. Nul besoin de coercition. Les télécrans, ce sont nos smartphones et autres ordinateurs, y compris pour ceux s'en prétendant libres, sur les réseaux (sic).

Les "minutes de la haine" du même livre sont sur lesdits réseaux dits sociaux en continu. Et la plupart des associations féministes ou promouvant les théories du « gender » ressemblent fort à la ligue anti-sexe du livre. On retrouve la même pudibonderie et le même dégoût du corps chez leurs prétendus adversaires et un peu partout dans la société.

Il y a une division de la société en milieux étanches les uns aux autres comme dans Le meilleur des mondes de Aldous Huxley sans avoir besoin de recourir à la prise de calmants pour y obliger la population, ni même en s'aidant de l'ingénierie génétique, tout un "lumpenprolétariat" semi voire complètement analphabète, drogué à la téloche avec son assentiment enthousiaste et une minorité d'"alphas" pas beaucoup plus évolués mais persuadés de leur supériorité. Sans parler des plaisirs collectifs tristes "obligatoires" à date fixe…

Et bientôt comme dans Un bonheur insoutenable de Ira Levin, excellent roman des années 70 nous serons complètement dirigés par une intelligence "artificielle". Elle est d’ailleurs un leurre dans cette histoire, où ce sont les vrais maîtres qui la contrôlent au mépris du peuple.

Sans parler des bibliothécaires qui brûlent ou jettent à la poubelle eux-mêmes les livres "interdits" de manière absolument affolante, livres que de toutes façons plus personne ne lit, ou presque… Sans avoir recours aux pompiers incendiaires comme dans Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Comme la plupart des auteurs de Science-Fiction il n’avait pas vu venir un réel beaucoup plus terrifiant finalement que tous les cauchemars dystopiques couchés sur papier.

Et comme dans les livres de Philip K. Dick, la réalité elle-même devient un concept très flou, dont d’ailleurs on nie l’existence comme dans Ubik. N’importe quel pékin moyen peut vivre dans « sa » propre réalité sans se poser plus de questions. Je songe entre autres à ces « chaînes » de vidéos qui diffusent des programmes télé comme si nous vivions encore en 1985 ou 1995 etc. Certains refusent d’être ce que la nature et une réalité objective leur dit qu’ils sont.

Et je ne parle pas seulement des adeptes des personnalités non genrées…

A chacun sa réalité entend-on souvent. Tout devient affaires de croyances individuelles au sens psychologique du terme, à commencer par les croyances les plus absurdes possibles généralement. Et une remise en cause de ces absurdités est considérée comme une grave attaque « ad persona ». Et ces absurdités ne sont pas l’apanage d’un groupe ou d’un autre.

Je songe enfin aux livres de Norman Spinrad qui a décrit dans ces romans l’effondrement en train de se dérouler sous nos yeux. Il a évoqué la viande fabriquée en laboratoire, les humains « sous cloche », le commerce et les médias devenus fous, la nature détruite à petit feu à cause de la bêtise humaine et de l’avidité, les pseudo messies, les plus favorisés qui s’octroient des privilèges indus comme dans Bug Jack Barron.

Mais au fond si beaucoup se font peur avec les ouvrages de ces auteurs, comme ce fut mon cas, personne n’écoute ce qu’ils ont à dire ni n’en tire de conclusions afin de changer le monde ou d’éviter le désastre décrit également dans les histoires de Maurice G. Dantec.

Nous vivons dans la pire des dystopies, synthèse de toutes les visions cauchemardesques des auteurs du siècle dernier et au fond tout le monde ou presque s’en satisfait, tant que l’on peut mettre son ego en valeur et profiter encore un peu d’un consumérisme affolant.


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