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Léocadie Rochester, à fleur de peau

Léocadie Rochester, à fleur de peau

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Propos recueillis par Maximilien Friche

Léocadie Rochester est diplômée de philologie romane, artiste peintre est passionnée d’équitation. Son domaine de prédilection ? Passer ses heures perdues à les rendre « lisibles ». Elle publie aux éditions de la compagnie littéraire, un recueil de textes et poésies intitulé Toi et Moi, enfin libres et un roman, Le poids de la honte et du mensonge. Artiste peintre, elle expose régulièrement son travail. Léocadie agit en artiste dans tout ce qu’elle fait. Elle règle ses comptes en artiste, elle rend justice en artiste, elle poétise toute nécessité, à fleur de peau, à fleur d’âme.

MF : Léocadie, vos textes prennent différentes formes, dans Toi et moi, enfin libres, vous semblez cheminer du discours à l’aphorisme. C’est comme si nous assistions à une réduction progressive, une diminution. Agissez-vous sur le texte comme en sculpture, être vous en quête de de l’énigme au cœur du texte, de la formule magique, ce celle qui parviendra à mettre l’être en question ?

LR : Effectivement dans ce livre je remets complètement l'être en question, je me questionne et questionne l'autre, celui que j'aime… J'écris comme on peint, par petite touche, je veux que ce que j'écris soit bien compris et appelle à une introspection, c'est comme une analyse en fait, je me questionne et plus je me questionne, plus l'écriture abouti à une peinture où on voit ce qu'on veut voir sans critique précise, juste des émotions.

MF : Nous avons l’impression au démarrage que vous venez à l’art et à l’écriture presque dans une ambition de développement personnel, de thérapie, et finalement, vous n’en sortez qu’en art. Pour vous, écrire est-il causé par un besoin de soigner quelque chose ou plutôt, finalement par une impérieuse nécessité intérieure ? Ma conviction est que vous êtes une artiste indépendamment de tout autre besoin, je me trompe ?

LR : C'est juste, je pratique une espèce de thérapie qui me soulage, une catharsis, je soigne mon mal être par l'écriture, j'analyse mes sentiments et je les pose sur papier. J'ai souffert du sentiment amoureux et je tente d'exprimer autre chose que la souffrance, ce qui reste, l'essence et le souvenir… C'est un besoin vital pour moi d'écrire, sans l'écriture je me sentirais vide et sans intérêt, c'est ma manière à moi d'exister.

MF : Vous écrivez sous différentes formes : lettres, nouvelles, roman, poésie, mais il me semble que c’est la lettre, l’adresse à un homme, qui est votre lieu de pèlerinage. La lettre d’amour est-elle le lieu de votre écriture ? A qui écrivez-vous ? pour qui écrivez-vous ?

LR : J'écris toujours pour le même homme qui a marqué mon existence, c'est un chemin vers une reconnaissance, un chemin long vers son éveil, vers la quête sans cesse recommencée de conquérir l'homme que j'aime. Il pourra ainsi laisser une trace dans mon cœur, mon âme et mon art. Il est source d'inspiration toujours renouvelée. Romuald a laissé des souvenirs et des espoirs, des promesses et en échange, je lui laisse mes écrits ; c'est un échange équitable. Il me donne le présent et je lui offre l'éternité…

MF : Il y a une vraie violence dans vos écrits. Il n’y a aucun doute, vous êtes une femme libre, vos émotions crient. Vous sembler écrire à fleur de peau autant qu’à fleur d’âme. C’est une épreuve d’écrire ? Une libération ?

LR : Ecrire est un cri, une forme de violence intérieure, je suis parfois révoltée par ce qui se passe dans ma vie et dans la société. C'est une véritable libération d'écrire, c'est à la fois échappatoire et tellement évident en bien être lorsque je termine un chapitre. Je ne veux pas écrire dans le tragique ou dans le larmoyant et toute la difficulté est d'écrire en s'en sortant mieux et libre, libérée de mes chaînes et de mes moments noirs pour transformer le plomb en or.

MF : Votre roman, Le poids de la honte et du mensonge, traduit une immense soif de justice. Ecrire est un combat pour vous ? Ecrire est donc traduire en justice pour vous ? vous vous attaquez au mal absolu de la pédophilie, la racine du mal puisque c’est un crime contre la toute innocence, avec quels armes combat-on le mal absolu ? L’art peut-il quelque chose ?

LR : Lorsque j'ai commencé de rédiger Le poids de la honte et du mensonge, je voulais parler de la pédophilie mais je ne voulais pas tomber dans le tragique, j'ai donc écrit une histoire d'amour, j'ai été moi-même victime de pédophile et je me suis mise dans la peau d'un pédophile… Franck a tout pour plaire : d'une intelligence supérieure avec une culture immense et un charisme mais il est condamnable par ses crimes. J'ai voulu un héros parfait pour représenter la pédophilie touchant toute classe sociale et tout individu. Mon livre a peut-être aidé des victimes à comprendre ce qui se passe dans la tête d'un pédophile et comprendre son agresseur ; c'est déjà un pas vers la guérison. L'art peut aider à canaliser ses émotions et à évacuer les traumatismes.

MF : dans ce même roman, vous aimez un homme pédophile et votre amour semble plus fort que le mal. L’amour lave le péché, dans une sorte de déni conscient, il rachète. Ecrire, c’est aussi ça, un acte d’amour qui rachète ?

LR : Je suis aveuglée par l'amour que je porte à Franck et il me manipulera jusqu'au bout. Je savais qu'il était pédophile mais je refusais d'y croire, c'était impossible. Puis Raphaël m'a aidée à comprendre le personnage lugubre qu'était Franck. Elle a pourtant les preuves de ses crimes mais l'amour devient tellement fort qu'il est plus fort que la vérité. La passion emporte ma lucidité. Heureusement Raphaël me remet sur les rails et je finis par admettre qu'il faut condamner un pédophile et non le protéger. Le livre décortique le mal être de l'héroïne qui est prise entre la passion et la vérité, si elle dit la vérité elle perdra son amour. Mais la raison est plus forte que l'amour et l'écriture est plus claire et plus simple lorsque l'on revient dans le réel.

MF : ma dernière question porte sur vos peintures. Comment s’articule dans votre création peinture et écriture ? tout est poème ? La peinture ne vient-elle qu’illustrer ? L’écriture est-elle une glose de cette poésie en fulgurance que vous nous offrez par vos peintures ?

LR : Je peins pour illustrer mes poèmes, je peins pour donner une autre dimension à mon écriture, une autre lecture ; c'est complémentaire et ma peinture me permet d'offrir les couleurs que je n'arrivais pas à écrire, l'écriture et la peinture sont unis pour mieux comprendre mes mots. Beaucoup de poètes ont dessiné et c'est une manière différente de s'exprimer. La poésie est l'art de décrire les émotions et la peinture également … Deux arts qui rapprochent le lecteur des émotions et sentiments que je veux transmettre. Généralement je peins après avoir écrit mon poème et non l'inverse. Mes mots inspirent mon pinceau.


Une fleur de lys d’or sur un tas de fumier
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