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Les camera onirica de Laurence de Marliave

Les camera onirica de Laurence de Marliave

Par  

Fenêtres sur l’intime et le lointain du monde

Le pinceau de Laurence de Marliave nous saisit une nouvelle fois à la faveur d’une exposition dans l’église de son village de Touques, du 26 mai au 11 juin 2023. Ses toiles exposées et autres sculptures et mosaïques d’autres artistes, sont une invite à observer l’intime du monde, le rayonnement symbolique du détail, voire, osons le terme, la présence réelle des objets et des formes qui nous entourent. Ce n’est pas un hasard si cette exposition a lieu au retour d’un long séjour effectué par l’artiste en Chine : ces œuvres sont autant de voyages statiques. Il semble que ses nombreux voyages (huit séjours en Inde, trois en Chine entre autres voyages en Iran et en Russie) soient moins des voyages pour eux-mêmes comme il y a de l’art pour l’art (cf. : Claude Levi-Strauss : « Je hais les voyages et les explorateurs ») que des quêtes d’un ailleurs derrière lequel l’artiste peut observer les mondes. L’art de Laurence passe par des fenêtres ou des vitrages, des reflets. Nous pouvons voyager aussi bien en ouvrant la fenêtre d’un atelier, que dans les venelles de Touques, que dans une échoppe de bibelots à l’autre bout du monde.

Dans ses toiles habitées, les mouvements extérieurs, l’exaltation de la vitesse (à la Marinetti) sont absents. On est davantage entrainé par le dynamisme des objets servie par des aplats de couleurs à la Paul Gauguin. Le monde reflété sur la vitre de cette fenêtre ouverte (voir ci-dessous) nous raconte un orage - voire une coulure de souvenir - davantage qu’un reflet fidèle à la réalité :

Les objets peints par Laurence voyagent en nous comme autant de symboles oniriques, prompts à mille associations d’images. C’est pour cela qu’ils laissent leur trace dans nos esprits cotonneux. Et c’est là l’essentiel. Observez les scènes de genre peints par Laurence, comparez-les entre elles, ce sont toutes des compositions narratives circonscrites par des espaces clôts : cour ou intérieur de maison, serre, jardin clôt, qui sont autant de camera onirica convoquant le monde. Voir à ce propos ce que Heidegger dit du jeu de miroir et de noces qu’entretiennent entre eux, le ciel et la terre, les mortels et les dieux, dans son concept de Geviert ou Quadriparti.

On entre dans le monde de Laurence à travers ces fenêtres ou vitrages, révélateurs de deux traits de caractère de l’auteur à la fois opposés et complémentaires : cette propension à l’ouverture à l’autre et à l’ailleurs qu’on lui connaît, et le besoin de se protéger du monde extérieur. Cette dualité ne réside-t-elle pas chez tous artistes ?

Bref, les œuvres de Laurence possèdent leur part d’énigme. Le chiffon rouge vif posé intentionnellement à la rambarde de l’escalier devient le viatique de notre voyage intérieur, notre bon de transport en première classe. Le vert des arbres nous entraîne vers l’extérieur alors que la couleur rouge positionnée sur la première marche de l’escalier, indique l’intériorité. Bref, nous venons de poser nos valises (en bas à gauche), et nous commençons l’ascension spiralique :

Ce hall d’entrée (de la maison de famille de l’artiste, en Anjou) n’est pas qu’un simple souvenir d’enfance, il est aussi métaphore de ce qui se passe mystérieusement dans la psyché humaine : quand une image psychique entraîne la ressouvenance d’une autre, et ainsi de suite jusqu’à la résolution finale de l’énigme à l’instar de l’escalier à vis (Aude de Kerros). Processus qui nous conduit toujours vers la finalité interne de notre existence même. La vie cache et montre à la fois un secret contient le cheminement. Mais il faut pour cela que l’image et la beauté ne sont pas sacrifiées sur l’autel du concept, car c’est alors un tout autre art, soumis, dans les faits, à l’esprit, à l’image et aux règles du marché.

Dans les toiles de Laurence, on ne trouve aucune saisie conceptuelle ou idéologique à la mode, et cela est, par les temps qui courent, plutôt salutaire. Si l’on ne peut donc pas qualifier son art de contemporain au sens convenu du terme, proposons alors d’autres axes : « D’où rêvons-nous ? », réalisme magique, « camera onirica » ? La liste n’est pas exhaustive. Il reste à contempler simplement ses toiles pour le plus beau des voyages, celui de l’âme.

site de l’auteur : https://laurencedemarliave.com/
contacts : 0033/6 63 62 65 00 laudemarliave@gmail.com

 


Le secret bien gardé des quatre saisons de Laurence de Marliave
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L’escalier de Laurence de Marliave
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L’art conceptuel en guerre contre la beauté
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