Découvrez la collection Mauvaise Nouvelle, aux Éditions Nouvelle Marge.


Victoire d’EEAAO aux Oscars, signe des temps ?

Victoire d’EEAAO aux Oscars, signe des temps ?

Par  

La dernière cérémonie des Oscars qui s’est tenu le 13 mars 2023 a consacré le film Everything, Everywhere and All at Once (EEAAO). Il rafle les prix dans quasiment toutes les catégories, le meilleur film bien entendu, mais aussi la meilleure réalisation, la meilleure actrice, les meilleurs acteurs et actrices dans le second rôle, le meilleur scénario original. Que EEAAO ait été préféré a pris tout le monde par surprise. En lice et qu’on pensait favoris, se trouvaient les films de réalisateurs déjà oscarisés The Fabelmans et Babylon. Essayons de comprendre ce qu’il s’est passé et qui a permis aux deux Daniels (Daniel Scheinert et Daniel Kwan), les réalisateurs de EEAAO de passer devant le monstre sacré qu’est Spielberg et le jeune dauphin du cinéma américain Damien Chazelle.

Trois films favoris avec toutes leurs chances

Ces trois films sont très différents et que ce soient les intrigues, les montages, les effets visuels, la musique, ils sont difficilement comparables. D’un côté, un visuel parfait pour une autobiographie que le génie de Spielberg déroule parfaitement (The Fabelmans), d’un autre une proclamation d’amour du cinéma, pleine de feu et d’exubérance (Babylon) et au milieu cette comédie bouffonesque au montage hypnotique (Everything, Everywhere and All at Once). Passons en revue ce qui aurait pu départager le vote en faveur des deux nouveaux venus, les Daniels. L’intrigue ? il est vrai que celle des EEAAO a le mérite d’être originale ; une femme, peu satisfaite de sa vie, se trouve plongée dans des univers parallèles où elle devient les destins qu’elle aurait pu avoir. A coté The Fabelmans fait pâle figure avec cette autofiction qui retrace surtout les débuts de la passion cinématographique de Spielberg. En revanche, Babylon n’a pas à rougir, le destin entremêlé de trois personnes, bouleversé par l’apparition du cinéma prend tour à tour des dimensions épiques et tragiques que EEAAO n’atteint pas en efficacité.

Au point de vue visuel, autant le travail de Spielberg est soigné, attentif à la lumière, offrant des plans d’une grande finesse, autant il est vrai que les deux autres films sont plus saccadés, voire excessifs et visuellement violents. Mais peut-être que, puisque les téléspectateurs sont matrixés par les plateformes de streaming, ce type de montage devient à la mode. Tournons-nous maintenant vers la performance des acteurs. Que EEAAO ait gagné trois oscars de performance d’acteurs est assez étrange, sinon absurde. Pour ne citer qu’elles, Michelle Williams était merveilleuse en Mme Fabelmans, Margot Robbie incendiaire, maîtrisant une variété de palette dans son jeu que beaucoup peuvent lui envier. Mais c’est le casting de EEAAO qui gagne. Leur particularité ? Ils sont d’origine asiatique, ce qui n’est peut-être pas un détail. Au cas où les médias ne vous l’aurait pas appris, c’est un couronnement exceptionnel dans l’histoire d’acteurs asiatiques. 

La victoire de Everything, Everywhere, and All at Once, une nouvelle ère ?

Ce n’est un secret pour personne, les Oscars sont un condensé et un manifeste de politiquement correct. Sous couvert de récompenses artistiques, c’est aussi l’occasion de promouvoir certaines idées. Ce n’est guère choquant non plus que les films qu’ils choisissent d’honorer représentent une ou plusieurs caractéristiques de la pensée dominante. Cependant, en 2023 il s’agit d’un coup de tonnerre. Babylon, malheureusement n’avait strictement aucune chance : les Américains sont frileux et rigides, et en bons tartuffes il a fallu cacher ce sein qu’ils ne sauraient voir. La véritable révolution est la défaite du long métrage de Spielberg. Il décrit tout de même les violences et le harcèlement scolaire qu’il subit enfant, à cause de sa religion. Alors pourquoi ? il y a tous les ingrédients : le grand réalisateur, le film visuellement impeccable, une certaine audace dans la forme (une autobiographie au cinéma), et des violences antisémites. Mais, c’est Everything, Everywhere and All at once qui a été sacré.

Sans doute parce que EEAAO avait mieux à proposer et correspondait mieux soit à l’ère du temps, soit à la vision prophétique des enjeux sociaux des jury. Ce double mouvement subtil, à la fois devancer et faire échos aux tendances sociétales est un exercice délicat. Choisir EEAAO avec les affres et la dépression d’une fille lesbienne qui en veut à sa mère de rejeter ses mœurs et sa petite amie est représentateur de ces préoccupations. En contrepoint, on comprend alors que l’antisémitisme ne fait plus tant partie des enjeux sociaux à la mode. On préfère maintenant les actes d’homophobie et les pleurnicheries arc-en-ciel de ces victimes, à la sempiternelle plainte juive et leurs murs des lamentations, qui régnaient sans partage depuis 40 ans. Alors aux Oscars de 2023 c’est au revoir l’antisémitisme, bonjour l’homophobie. 


Stromae, la victoire du style
Stromae, la victoire du style
Johnny : le temps des interprètes
Johnny : le temps des interprètes
L’Arbre aux sabots, la Palme d’or de la sobriété
L’Arbre aux sabots, la Palme d’or de la sobriété

Commentaires


Pseudo :
Mail :
Commentaire :