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Woody Allen nous a bien eus !

Woody Allen nous a bien eus !

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Woody Allen nous a bien eus, nous a bien bernés. Il nous a fait croire qu'il ne savait plus faire de bons films, qu'il ne savait plus refaire La rose pourpre du Caire, qu'il était condamné à faire de lents reportages libidineux autour dela vie sexuelle décadente du cinéaste qui jouait de plus en plus mal l’homme bavard. Et bien non ! Woody Allen n'est pas mort, il sait encore faire du cinéma et il sait encore raconter des histoires. Les amateurs de cinéma d’auteurs peuvent renouer avec leur complexe de supériorité et abandonner les multiplexes des périphéries pour savourer du grand Woody Allen en VOSF.

Et le bavardage s’est fait chair

Son dernier film, Magic in the Moonlight, encensé avec raison par la critique, se déroule sur la Côte d'Azur des années 1920, décor de vacances et époque de style, de quoi mettre dans un apaisement d’âme le spectateur. Apaisement confirmé car Woody Allen n’est à l’aise que dans le monde civilisé. Puisqu’il ne sait que parler et raconter, il lui faut des conditions propices. C’est bien dans un monde où les conventions sont bien présentes, que l’on peut tout dire sans déclencher une guerre de brutes. Le duo Colin Firth-Emma Stone teste ainsi leur propre résistance, s’éprouve pour mieux succomber.

Les personnages sont bavards, en dialogue permanent, à bon débit, mais c’est qu’ils ont à dire pour exister. « Je parle donc j’existe » pourrait dire le cinéaste. Et comme nous sommes dans un monde très civilisé, les aphorismes pleuvent, l’ironie mord tous les cerveaux. Mais la violence et la guerre sont impossibles, puisque nous sommes en conversation, il s’agit juste d’exister et de se confronter les uns aux autres par la parole. On parle du côté du magicien rationaliste d’un monde du trucage sans magie, des sciences, des leurres, de la matière qui ne ment pas, on se moque de ceux qui prient, de ceux qui prennent des ectoplasmes pour des âmes, de ceux qui se laissent berner et aiment ça. Du côté de la médium et de ses fans, on parle de surnaturel, de magie, de monde invisible, et on plaint l’homme cynique, pessimiste et tristement rationnel.

L’amour est-il de ce monde ?

Le film raconte en fait deux choses à deux plans différents. Il met en scène le rapport de chacun avec sa propre dimension métaphysique, via le récit du magicien matérialiste qui finit par tomber amoureux de la jeune femme médium dont il était venu démasquer le charlatanisme. Le débat s’incarne dans les personnages sur la possible existence du surnaturel dans ce monde, et finit par révéler l’irréfragable irrationalité du sentiment amoureux.

Sous une apparente légèreté, Woody Allen parle de la singularité même de nos vies. L’amour étant peut-être bien le seul chaos qui nous ferait vivre une aventure au sens où les choses peuvent encore nous étonner, se retourner, transformer un être pessimiste, blasé, un amoureux fébrile flirtant avec l’espérance… Bien sûr le premier débat parle de Dieu, sa place dans le monde, la place que lui laissent les hommes depuis qu’il est mort (le magicien rationaliste est fan de Nietzsche), mais le second immédiatement induit relève de l’incarnation. Le second débat n’est pas discours, il est expérience, c’est la simple expérience de tomber amoureux. Exit Dieu, et le monde invisible des ectoplasmes, il reste pourtant bien l’amour et toute son irrationalité auquel on doit faire face, qui va nous modifier, nous retourner. Woody Allen parvient à parler d’amour sans parler de sexe. L’apparente légèreté de Magic in the Moonlight est en rupture avec la fausse gravité de certains de ces autres films, gravité utilisée par Woody pour nous parler uniquement de sa pauvre libido.

L’ironie du sort et le clou du spectacle

Le deuxième sujet évoqué dans cette histoire incarnée est peut-être et sans doute, ce qui fait le ressort de la narration, de toute narration, sous forme d’écrits ou de films, à savoir l’ironie du sort. Le métier du héros est de faire des tours de magie devant un public qui en redemande, et aime être illusionné. Ce magicien va chercher à démasquer une jeune femme médium en contact avec le monde des esprits, alors même qu’elle rend les gens heureux autour d’elle. Et dans cette histoire d’amour, les choses se révèlent quand elles se retournent dans une ironie qui se démultiplie. Tel est pris qui croyait prendre bien sûr, mais tel a pris celui qui croyait prendre qui finit par être pris au jeu de l’amour. Dans sa leçon de morale, Woody Allen semble relier la possibilité d’être abusé au bonheur. Pour être heureux, il faudrait donc une dose de mensonge, il faudrait que l’on nous illusionne un peu… C’est en tout cas le bonheur des spectateurs. Woody Allen surprend son spectateur au cœur même de la narration qu’il trame et apparait de fait comme un grand magicien !


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