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 Les premiers Mérovingiens

Les premiers Mérovingiens

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Les Mérovingiens sont issus de la dynastie des rois francs de la tribu des Saliens qui règne en Gaule depuis la fin du Vème siècle jusqu'au milieu du VIIIème ; leur origine est mal connue et leur histoire jusqu'à Clovis reste fort obscure mais l’on sait malgré tout que, comme les autres Barbares, ils servent l'Empire romain en qualité de fédérés et en gardent la frontière du nord. Bien qu’ils aident Aetius[1] et Aegidius[2] à repousser ou à contenir les Huns, les Vandales, les Wisigoths, ils ont également luttés contre les généraux romains à mesure que l'Empire s'affaiblissait, pour étendre leurs terres vers le sud. Longtemps les historiens nomment comme premier roi de cette dynastie un prince du nom de Pharamond, signifiant « protecteur de la tribu. », qui n'est mentionné que par une chronique écrite par un moine de Saint Denis au VIIIème siècle, qui, pour flatter la vanité de ses contemporains, a fait de Pharamond un gendre du roi troyen Priam. S'il n'est pas impossible qu'il y ait eu au début du Vème siècle un chef franc de ce nom, aucun témoignage ne le rattache à la famille mérovingienne dont le premier membre connu est Clodion, roi des Francs Saliens, de 428 à 448, établi alors au Nord de la Somme, auquel succède un autre prince de la même famille, peut-être son fils, Mérovée (448-457) qui donne son nom à la dynastie. Vient ensuite Childéric Ier, qui règne de 457 à 481. En dehors de cela, peu de faits peuvent être certains concernant les ascendants de. D’ailleurs, n’ayant que peu de sources, deux arbres généalogiques coexistent, l’un mythologique, l’autre « historique » afin de satisfaire les appétences de chacun.

Tout d’abord, selon une source apocryphe du VIème siècle, Clodion serait le fils de Pharamond et le petit-fils de Marcomir, roi des Francs Ripuaires à la fin du IVème siècle dont l’historicité n’est pas contestée car, vers 380, il lance plusieurs offensives en direction de Cologne. Marcomir, quant à lui, serait un descendant de Francion, neveu d’Enée, qui voyagea jusqu’au Danube suite à la chute de Troie, y fondant la cité de Sicambrie (dans un récit postérieur, les Troyens quittèrent Sicambrie et fondèrent Lutèce). La légende des origines troyennes des Francs connait un succès retentissant au Moyen-Age et n’est démentie qu’à compter du XVème siècle car, non seulement cette dernière donne aux Francs et aux gallo-romains une origine commune mais elle fait d’eux les héritiers d’un passé prestigieux. En effet, après Rome, fondée par les descendants d’Enée, arrive Lutèce (Paris), fondée par les descendants de Francion. De plus, pendant les croisades, entre le XIème et le XIIIème siècle, le mythe des origines troyennes est utilisé pour justifier l’hostilité existant entre Francs et Grecs, descendants des destructeurs de Troie.

D’autre part, si l’arbre généalogique légendaire des premiers Mérovingiens, comme son nom l’indique, relève du mythe, leur arbre généalogique historique n’est pas non plus exempt de reproches. Ainsi, si les personnages le composant semblent posséder un caractère historique, le manque cruel de sources ne nous permet que d’émettre des hypothèses sur l’ascendance de Clodion le Chevelu. Ce dernier serait donc le fils de Théodemir, roi des Francs (peut être des Ripuaires et non des Saliens), qui fut assassiné par les troupes de l’Empereur Honorius[3] vers 420, ce dernier n’appréciant pas que le Franc ait apporté son soutien à des usurpateurs. Cependant, si les sources mentionnent que Clodion règne après Théodemir, on ne sait pas exactement s’il existe un lien de parenté entre les deux hommes, ni s’il y eut une période d’interrègne. Théodemir, quant à lui, est le fils de Richomer, qui fut général au service de Rome, maître de la milice, puis consul en 384. Ce dernier serait l’enfant de Teutomer, qui a combattu aux côté de l’Empereur Julien. Toutefois, cette ascendance reste sujette à caution, car l’on ne sait pas de quelle tribu Teutomer était originaire.

Clodion est donc le premier roi mérovingien dont l’existence est assurée, notamment parce qu’il est cité dans deux sources d'époque : le Panégyrique de Majorien de Sidoine Apollinaire[4] en 458 et l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours[5] en 592. Il dirige le peuple des Francs saliens depuis sa capitale, la forteresse de Dispargum, située à l'est du Rhin à partir de 428. Vers 432-435, apprenant que les villes de la province romaine de Belgique seconde sont sans défense, en raison du prélèvement par Aetius, alors chargé de la défense de la Gaule, de beaucoup de soldats de ces territoires pour combattre tour à tour les Burgondes, les Alains, les Francs rhénans, les révoltes antifiscales et les Wisigoths, Clodion décide de monter une expédition et mobilise toute son armée pour conquérir ces territoires. Traversant la forêt Charbonnière, les Francs s'emparent de Tournai, emportent Cambrai et Arras au premier assaut et réduisent tout le pays des environs jusqu'à la Somme. En fait, plus que des pillages faciles, Clodion cherche à conférer à son autorité de roi guerrier une assise territoriale, qu'il veut voir s'étendre sur le riche territoire entre le Rhin, la Somme, la Meuse et la mer du Nord. L'occupation perdure quelques années sans qu'Aetius tente d'y mettre fin mais en 448, alors que Clodion célèbre les noces d'un membre important de son armée au bourg d'Helena près d'Arras, le général romain et son lieutenant, Majorien, lance une attaque. En effet, le général veut remettre au pas les Francs saliens qui ont annexé des territoires sans son autorisation. Clodion, qui n'est pas préparé à l'affrontement, est contraint de fuir. Cependant, Aetius est conscient qu'il n'a pas les moyens militaires pour occuper à nouveau le territoire, c’est pourquoi il préfère renégocier avec Clodion le fœdus (traité passé entre la Rome antique et une cité ou un peuple étranger, qui prend alors le statut de cité alliée ou de « peuple fédéré »), qui datait de 342 en les autorisant à s'installer dans l'Empire, en l'occurrence sur les territoires qu'ils ont déjà conquis à Arras, Cambrai et Tournai. Clodion reçoit d’ailleurs cette dernière ville comme capitale. Il s'agit là des origines du futur royaume franc de Clovis Ier. Après plus d'une vingtaine d'années de règne, Clodion meurt peu avant l'an 451 et, selon la coutume franque, son royaume est divisé entre ses fils. L'ainé, sans doute Mérovée, obtient la ville de Tournai et sa région. Un second héritier a peut-être obtenu Cambrai et un troisième Tongres.


Figure 1-Conquêtes de Clodion

Contrairement à celle de son père, l’existence de Mérovée est sujette à controverse puisqu’il est parfois considéré comme un personnage imaginaire, bien qu’il soit cité par plusieurs sources. En effet, Grégoire de Tours lui concède une brève référence dans ses Dix Livres D'Histoire en en faisant le descendant possible de Clodion le Chevelu : « Certains prétendent que de sa lignée est sorti le roi Mérovée […] ». Pourtant, une légende relatée à une époque plus tardive, dans la chronique de Frédégaire (III, 9), entretient le doute quant à la réelle existence de Mérovée : « sa mère, l'épouse du roi Clodion, déjà enceinte, fut séduite par une « bête de Neptune semblable au Quinotaure » alors qu'elle se baignait dans l'océan. Enceinte une deuxième fois, les deux sangs se mélangèrent pour donner naissance à une nouvelle dynastie dont les membres étaient investis de grands pouvoirs et d'une aura de magie et de surnaturel, caractéristique des Mérovingiens ». Par ailleurs, certains historiens se réfèrent au vieil allemand supérieur pour faire de Mérovée un personnage mythologique qui serait le fils de la mer (mari en Franc), c'est-à-dire un dieu ou un demi-dieu que les Francs honoraient avant leur conversion au christianisme. En effet, selon Godefroid Kurth (1847-1916 ; historien belge), « Tous les peuples primitifs ont cru à l'origine surnaturelle de leur dynastie. Leurs rois étaient les descendants des dieux : c'était leur principal titre à l'obéissance des guerriers, c'était aussi le plus beau titre de noblesse de la nation elle-même ». Pour autant, l'existence réelle de Mérovée n’est pas à exclure puisque Priscus (historien grec originaire de Thrace et diplomate au service des empereurs d'Orient Théodose II - 408-450 et Marcien - 450-457) fait allusion à des événements qui se produisent dans un royaume franc à l'époque de Mérovée : « Le prétexte d'Attila pour sa guerre contre les Francs fut la mort de leurs rois et la dissension qui s'éleva entre ses fils pour la suprématie. L'aîné décida de s'allier à Attila, cependant que le second se tournait vers Aetius. Nous rencontrâmes ce dernier lorsqu'il vint en ambassade à Rome. Son visage était encore recouvert d'un duvet, et sa chevelure blonde était si longue qu'il en faisait des tresses. Aetius en fit son fils adoptif et, tout comme l'empereur, le combla de présents et le renvoya comme un ami et un allié ». Qu'il soit l'un des princes francs mentionné par Priscus ou non, dans les faits, en 451, les Huns d'Attila envahissent la Gaule romaine, et Mérovée les rencontre et les bat au cours d'une bataille entre Corbie et Roye, dans la plaine du Santerre. De plus, Mérovée aurait commandé les Francs alors alliés aux Gallo-Romains et à d'autres Germains, lors de la sanglante bataille que le général Aetius gagne sur Attila la même année, aux champs Catalauniques (une plaine près de Châlons-en-Champagne et de Troyes). Grâce à cette union guerrière entre envahis et anciens envahisseurs, le « grand-roi » de l'Empire hunnique est défait et se replis définitivement vers l'est de l'Europe. Cette victoire scelle définitivement l'implantation des Germains francs, désormais solidement installés dans la Gaule du nord que l'Empire romain, en pleine décadence, leur abandonne.

C’est parce que ce roi donne un territoire à son peuple et le fait entrer par la grande porte dans l'Empire romain, que la première dynastie franque lui aurait rendu honneur en forgeant son nom sur le sien. Son fils Childéric Ier lui succède en 457.


Figure 2-Victoire du roi Mérovée

Childéric Ier, né vers 436 et mort en 481, est roi des Francs saliens à partir de 457 ou 458. Son nom, constitué des éléments franciques hild- « combat » et –rīk « puissant », est attesté sous la forme latinisée Childericus. Les sources littéraires et les recherches archéologiques le définissent à la fois comme un roi des Francs et un gouverneur romain de la province de Belgique seconde. En effet, la trace la plus authentique que nous possédons sur lui est son tombeau, découvert en 1653 à Tournai, dans lequel on a trouvé le roi vêtu d'un paludamentum (manteau porté par les généraux romains), des armes (une spatha, une francisque et un scramasaxe), des bijoux en or, quatorze pièces d'or (la plupart à l'effigie de l'empereur d'Orient Zénon, son contemporain) et un anneau sigillaire portant la légende « Childerici regis » (Childéric roi), qui a permis de l'identifier formellement.


Figure 3-Fac similé de l'anneau sigillus trouvé dans le tombeau à Tournai

Childéric Ier est l'exemple type d'une élite franque ayant opéré la fusion entre les cultures germano-romaines et païennes des tribus danubiennes. Païen, Childéric a cependant l'avantage d'être le seul des rois barbares à ne pas être arien, ce qui lui procure l'attention des élites locales et de l'épiscopat. Sous son règne, enveloppé de légendes autour de sa vie privée notamment, la progression des Francs Saliens a marqué un temps d'arrêt. La première mention de Childéric se trouve en 457, dans l’Histoire des Francs de Grégoire de Tours. Cette année-là, Childéric, qui « déshonore » les femmes de ses sujets, attire à lui la colère de son peuple qui le détrône et le remplace par Aegidius, un général gallo-romain qui défend le nord de la Gaule jusqu’à sa mort en 464. Il se réfugie alors en Thuringe où une fois auprès du roi Basin, il séduit la femme de son hôte, Basine, qu'il ramène avec lui dans sa province après huit ans d’exil, quand les Francs le réclament à nouveau sur le trône. Le roi épouse Basine et de ce mariage nait Clovis Ier.


Figure 4-Childéric Ier et ses hommes

À la fois un roi fédéré et le chef des Francs saliens, Childéric Ier est un personnage d'envergure. Non seulement il prend la maîtrise d'une province romaine, mais il prend part à des combats impliquant d'autres forces romaines loin de ses bases. Il participe ainsi au jeu politique de Rome, à travers ses batailles en Gaule, voire en Italie. En effet, dès 457, alors qu’il est toujours en exil, Childéric rejoint le « parti romain » en soutenant activement les opérations militaires du général Aegidius, chargé de faire reconnaître Majorien[6] comme nouvel empereur de Rome auprès des Gaulois, des Wisigoths et des Burgondes. Dès son retour de Thuringe, il prête de nouveau main forte à Aegidius pour mettre un frein à l’expansionnisme goth dans la bataille contre les Saxons et les Wisigoths sur la Loire en 463-464 et dans la Bataille d'Orléans en 463. Les Francs saliens participent aussi aux combats contre les Wisigoths à Tours avec le comte Paul, lequel serait mort en 469 pendant le siège d'Angers en combattant cette fois les Saxons. Mais l'alliance entre les Romains et Childéric est compromise suite à la mort d'Aegidius en 464 car son fils Syagrius, qui le remplace et s'installe à Soissons, commence à se rapprocher des Wisigoths, ce qui provoque le blocus de Paris par Childéric à partir de 465. Vers 469, le roi des Bretons Riothamus, menacé également par les Saxons et auquel l'empereur Anthémius[7] fait appel pour former une coalition avec les forces romaines de Gaule du Nord, est battu par Euric[8] à Bourges puis à la bataille de Déols sans que Childéric ait pu le rejoindre. À la mort de Childéric vers 481, son fils Clovis le remplace et combat ouvertement Syagrius qu'il bat finalement à Soissons en 486.


Figure 5-La division des Gaules en 481

 

Notes

[1] Né vers 395 à Durostorum (actuelle Silistra, en Bulgarie) et mort le 21 septembre 454, Aetius est un sénateur romain et un généralissime de l'armée de l'empire d'Occident sous le règne de Valentinien III (425-455)

[2] Général gallo-romain qui a défendu le nord de la Gaule jusqu’à sa mort en 464.

[3] 384-423 : il est fait coempereur par son père Théodose Iᵉʳ dans la partie occidentale de l'Empire romain à partir de 393. Puis, par division effective à la mort de Théodose, il est empereur romain d'Occident de 395 à sa mort en 423.

[4] Homme politique, évêque et écrivain gallo-romain, né à Lyon en 430 et mort à Clermont en 486.

[5] Né dans la cité des Arvernes en 538 ou 539 à Clermont-Ferrand ou Riom et mort le 17 novembre 594 à Tours, est évêque de Tours, historien de l'Église et des Francs.

[6] Vers 420 - 7 août 461 ; il règne sur l’Empire romain d'Occident de 457 à 461, il est le dernier empereur qui se déplace dans le réduit romain formé par l’Italie, le Sud de la Gaule et la façade méditerranéenne de l’Espagne.

[7] Empereur romain d'Occident du 12 avril 467 au 11 juillet 472.

[8] Roi des Wisigoths, vers 420-466-484.


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