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Flash mob commémoratif à Verdun

Flash mob commémoratif à Verdun

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La pluie avait pourtant donné le ton, le principe était aujourd’hui de se souvenir de la boucherie de la grande guerre en faisant la gueule. Il y a bien eu les mines de circonstance et la sonnerie aux morts. Mais cela n’a pas suffi, il a fallu faire participer le peuple, il a fallu entrer dans le rite du spectacle et donner à voir à travers la lucarne. Il a fallu assister à une mise en scène de Volker Schlöndorff : 5 000 adolescents allemands et français qui courent face à face au rythme du tamtam migratoire, un jogging joyeux en tee-shirt united colors of bande de cons, à travers les milliers de croix blanches de ce cimetière militaire. C’était ça la grande cérémonie à l’ossuaire de Douaumont : le « in » d’Avignon avant l’heure. Pas de Henri Barbusse ni de Erich Maria Remarque, cela aurait été trop exigeant…

Mais c’est très respectueux ! me diraient bien des citoyens de bonne volonté, c’est quand même mieux que le rap ! Justement, c’est respectueux, c’est donc encore plus insupportable. Comme dirait Luchini dans « L’arbre, le maire et la médiathèque » de Rohmer, c’est pire. « Respectueux, tu as dit le mot, mais c’est ça qui est grave, au nom du respect on peut tout faire, on justifie le pire vandalisme… » J’aurais mieux aimé que Black M éructe son inconsistance plutôt que cette mièvre mise en scène. Au moins avec Black M, les gens étaient prêts à se révolter.

Le spectacle avait déjà déversé son ridicule dans les fêtes de bicentenaire, les plus vieux s’en souviennent. Découflé, transformant l’universalisme républicain en farce de cabaret, trouvait une certaine satisfaction chez certains en dépit de ses intentions. Par ailleurs, chaque 14 juillet est une occasion de plus de glisser davantage vers le défilé de mode ou la chorégraphie, devant la tribune présidentielle se transformant en premier balcon.

Et quand il s’agit de pleurer, à l’instar de la famille Trintignant, on ne sait pas le faire sans avoir recours au spectacle. Pour la cérémonie de deuil suite aux attentats, on donna dans le Brel et le Barbara lyrique. On joua l’émotion, on la singea, tous derrière Bozo se faisant clown blanc pour l’occas’. La chanson comme unique possibilité d’être profond, comme ultime possibilité d’avoir des états d’âmes.

Mais où sont les belles têtes d’enterrement, la dignité austère, où sont les sonneries aux morts ? C’est quand même facile de ne pas se tromper pour les commémorations, de ne pas donner dans le mauvais goût. C’est bien simple, si l’envie vous vient d’applaudir, c’est que vous n’avez pas su respecter le deuil. N’y a-t-il plus aucune pudeur ? N’y a-t-il plus aucune vie intérieure chez ces êtres infatués de leurs raisonnements, baudruches niaises ? Vers quel troupeau de porcs ont donc migré les âmes humaines de nos modernes d’hier et d’aujourd’hui ? Osera-t-on la shoah party, le flash mob en pyjama rayé par les ados de nos quartiers ?

 

Pour ceux qui veulent de la vidéo : http://rutube.ru/video/cc3cc9ac84217cbf27aa471ba3661bf3/?ref=logo

 


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