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N’avoue rien et porte seul ta croix !

N’avoue rien et porte seul ta croix !

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La mode est à la Glasnost, la vie intérieure étant donnée pour nulle, on se transforme en plexiglass pour mettre en vitrine ses troubles plus ou moins assumés du désir. Cela va des outings du père de famille qui veut assumer ses penchants aux aveux d’évêques à la main baladeuse, on déballe tout. Les tripes se doivent d’être sur la table, sur l’autel. Il faut tout avouer pour être à moitié pardonné selon l’adage, reste plus qu’une moitié de péché à expier avec l’aide de tous. Le salut est encore et toujours une question d’économie, finalement. La solution serait de laver ses travers dans l’orgueil d’être honnête envers soi-même et les autres. La vertu de transparence est donc partout. Mais la glasnost est pour moi tout simplement une incitation à transformer tout péché en péché contre l’esprit. Notez que je parle de péché et non du fait d’être hors la loi. Quand on est hors la loi, c’est simple et mieux, puisque tout aveu public s’accompagne d’un châtiment public. Le souci pointé ici est le péché avoué qui ne s’accompagnera jamais de châtiment, car non hors la loi.

« Maintenant que tu l’as dit, tu te sens mieux, soulagé d’un fardeau trop lourd à porter… T’en as moins lourd sur la patate. Et regarde comme c’est plus léger, puisque ton fardeau est partagé avec tous : tous portent ta croix avec toi et même ta victime ! Vois comme les aveux publics peuvent te rendre léger… »

N’avoue jamais, jamais, jamais, jamais, jamais ! Sinon à ton Dieu seul.

Se débarrasser de sa croix trop facilement

Pour illustrer notre propos, avant d’aller causer d’évêque à la main baladeuse, prenons le cas simple de l’homme adultère qui décide de tout avouer à sa femme, car le fardeau est trop lourd. Elle ne se doute de rien et lui déballe tout. Et comme il déballe tout, il se dit qu’on pourrait lui savoir gré, le pardonner immédiatement, au moins à moitié, voire l’admirer d’avoir eu le courage de tout dire. Il souffle, il est soulagé. Et voilà celle qui ne se savait pas encore victime, d’un seul coup chargée d’un poids énorme, et pas que de la moitié non pardonnée… Alors même que le péché porte en lui, par la souffrance qu’il provoque chez le pêcheur, une part de rédemption ; l’aveu porte en lui, du fait de la fierté ressentie à l’avoir fait, un véritable orgueil. Si l’intention du coupable n’est pas forcément de se blanchir, on peut tout de même convenir qu’il prend sa femme, la victime, pour le Christ. Car qui, sinon le Christ, est capable de prendre son péché ? Toutes les victimes ne sont pas aussi fortes que le Christ pour porter le péché du monde, toutes les victimes ne sont pas Dieu. Ce que l’on exige de la femme trompée, qui vient d’encaisser une humiliation, est hors de sa portée : elle ne peut pas pardonner. Dès lors, l’inversion est en cours, elle devient le bourreau du gentil mari adultère qui a fait l’effort de tout avouer. Voilà bien la réversibilité de ce monde, sa caricature dans la chute.

Très honnête

Les aveux servent aussi au coupable à mettre en conformité sa vie avec ce qu’il est réellement. Le souci n’est pas ce qu’il fait, mais ce qu’il est, et surtout, ce qu’on le force à être. Après les aveux, il va proposer d’être très honnête avec lui-même. On devrait pourtant percevoir dès le superlatif qu’il y a embrouille. Soit on est honnête, soit on ne l’est pas. L’être à excès ne signifie rien d’autre que construire une narration qui justifie, tisser des causalités psychologiques afin de mieux plaider sa cause. Cette ambition d’honnêteté pousse beaucoup à vouloir mettre en conformité leur vie : partir avec sa maîtresse ou son maître, abandonner ce fameux passé qui n’était pas à leur image, répudier avec humanité tous ceux qui sont sommés désormais de le comprendre. On convoque les lois de la République pour divorcer, celles du cosmos pour reconnaître la nullité de son mariage. Le but de ce désir d’honnêteté suivant les aveux n’est rien d’autre qu’une volonté d’avoir les fesses propres, de jouir sans ce foutu sentiment de culpabilité, alors que la seule vérité est qu’on crèvera tous coupables.

Scandale public

Cette volonté d’être très honnête qui se traduit donc, la plupart du temps, non pas par une conversion des comportements, mais par un déballage de tripes en plein vent, m’exaspère. Si on résume, l’aveu transforme la victime en bourreau, l’honnêteté du coupable le lave et institutionnalise le péché. Le scandale public permis par ces deux bonnes intentions modernes mute le péché en péché contre l’esprit métastasé au niveau d’une société. Alors que le mensonge préserve du scandale public, préserve les proches et les anonymes qui ne demandaient pas à être salis gratuitement par les turpitudes des uns et des autres. Jamais la confession publique n’a de vertu si elle n’est pas suivie de condamnation publique. Alors que la dissimulation consiste à porter sa croix seul avec le concours du seul qui puisse aider : l’invisible.


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