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La fin d’un monde… qui était mieux avant

La fin d’un monde… qui était mieux avant

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Jamais le fameux « désenchantement du monde » conceptualisé par le sociologue protestant Max Weber n’a paru aussi lourd à porter qu’au moment de la crise du Covid 19. Patrick Buisson, dans son dernier livre La fin d’un monde, explique que le problème à résoudre par les politiques tînt alors à la quadrature du cercle : « Comment proposer aux Français une lecture rassérénante de l’évènement quand avaient disparu, en l’espace de quelques décennies, les principaux pourvoyeurs de sens, ces messianismes qui ravitaillaient, hier encore, la multitude en espérance disaient les uns, en utopies cinglaient les autres, mais qui tous, à travers un grand récit, avaient eu au moins le mérite jusqu’à un passé récent d’approvisionner les hommes en raisons de vivre et surtout -c’est là le plus difficile- en raisons de mourir ? »

« La société française est devenue méconnaissable » affirme notre intellectuel. L’hédonisme a vaincu par KO, elle a fabriqué l’homme mou qui ne vit que de choses matérielles et de préoccupations de loisirs. Dans l’explosion des changements du monde contemporain, le « bon pape » Jean XXIII décidait en 1962 de convoquer le concile Vatican II qui ambitionnait « d’entrer en conversation avec le monde. » Gustave Thibon alerte alors sur le danger d’une époque qui oblige à choisir entre la faiblesse d’un Dieu désarmé et la puissance de l’homme magnifiée par les progrès de la science et de la technique. Le concile a, selon Buisson, abaissé la verticalité du sacré vers une immanence humanitaire qui valorise le salut terrestre, en réduisant les exigences doctrinales à la demande effective du siècle. Pensant endiguer le processus de déchristianisation en Occident par cette conversation avec le monde, l’élite de l’Eglise catholique s’est fourvoyée et n’a pu, in fine, que constater les dégâts : c’est tout l’inverse à l’ambition recherchée qui s’est produit, en l’occurrence une accélération de la déchristianisation qui ne s’est plus jamais affranchie du prisme de l’irréversible.

Patrick Buisson voit en cette année 1962 une césure fondamentale avec l’avènement du concile Vatican II ainsi que la fin de la décolonisation. Sur le tombeau du monde ancien danse en outre cette lumière bleue de la télévision qui colonise inexorablement tous les foyers français. Son magnétisme exerce une telle fascination qu’elle en vient à absorber presque tous les esprits et à se substituer peu à peu à ce que le poète Henri Michaux appelait le « stellaire intérieur ». Notre auteur regrette la disparition des relations sociales de proximité. La nouvelle norme morale va consister bientôt à sauver la planète, sous l’impérium du progressisme, sans se soucier aucunement de porter secours au plus proche sommé de respecter de folles « distanciations sociales » : « Tout l’ancien système de relations se trouve affecté par ce nouveau média qui possède la double propriété contradictoire de créer à la fois du consensus et de l’isolement, de l’ouverture au monde et de la fermeture aux siens, de rendre celui qui le regarde de plus en plus solidaire de l’humanité et de plus en plus étranger au sort de son voisin. Tout est « moins » qu’autrefois : la famille, les proches, les copains de « classe » -celle de l’école et de l’armée-, l’église, le bistrot. » En son temps, Bernanos nommait ce combat subversif de la civilisation moderne contre l’essence de l’homme « la conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ». Gustave Thibon, quant à lui, dresse un constat amer : « Je n’ai aucun goût pour les exhumations, et si je me penche avec angoisse sur cette rupture brutale avec une tradition millénaire, mon souci ne vise pas à ressusciter les morts mais à préserver les vivants. Ce n’est pas sur le passé que je pleure, c’est pour l’avenir que je tremble, et je m’incline sur ce qui n’est plus, de tout le poids de mon amour pour ce qui n’est pas encore. »

La disparition du monde rural de jadis est un autre symptôme de cette colossale mutation observée au mitan des années 1960. Le machinisme et l’introduction du crédit bouleversent l’équilibre de la vie paysanne en favorisant l’adoption d’une vision instrumentale de la terre en rupture avec l’esprit ancestral d’accumulation et d’épargne. Les producteurs sont dès lors assujettis aux lois du marché, mieux ils seront très vite, en cette période de révolution petite-bourgeoise, assimilés à la « France moisie » attachée à la « terre qui ne ment pas ». Notre auteur se lamente face à la désagrégation du monde paysan qui constitua un pan entier de notre culture immémoriale : « Il devait être entendu, une fois pour toutes, que ce monde révolu n’avait plus sa place, ni comme paysage ni comme humanité, et qu’il fallait en finir au plus vite avec ce que Pier Paolo Pasolini avait nommé le « temps des lucioles », ces petites lumières des campagnes susceptibles d’éclairer la vie. »

Tout le processus historique des 60 dernières années a consisté à transformer les hommes et les femmes en homo festivus et en homo economicus, dociles à ce qu’on leur intime de penser et de faire, décervelés et rééduqués par des médias qui se sont démultipliés depuis l’époque de la télévision. Le summum semble avoir été atteint avec la prescription des doses obligatoires de vaccins, l’autorisation concédée par le pouvoir orwellien de « rendre ou non visite à papi et mamie » lors de la crise sanitaire. Cette révolution idéologique et anthropologique prépare l’avènement de l’ère des machines, des robots, des implants dans les cerveaux : ce que l’on appelle désormais « le grand reset » de l’humanité qui ouvre le temps de l’identité numérique.

La liberté nous a été confisquée, l’esprit critique, ange gardien, nous fait cruellement défaut. Nous demeurons, béats, dans la servitude volontaire, et nous avons les yeux de Chimène pour nos bourreaux qui ont inoculé à nos âmes le syndrome de Stockholm. Ils utilisent machiavéliquement le levier consistant à nous maintenir dans la peur des épidémies, des catastrophes climatiques, des cataclysmes les plus variés et souvent les plus chimériques.

Ne rien céder. Pour les plus lucides… Aider à la prise de conscience de quelques-uns autour de soi. Centimètre par centimètre, regagner le terrain perdu. Gageure, ou œuvre salutaire ?


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