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La multiplication des maîtres à penser

La multiplication des maîtres à penser

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Notre époque se croit libre et affranchie de toute contrainte, de toute morale, de toutes valeurs considérées comme arbitraires et insupportables. Chacun veut choisir ce qu'il veut penser, picorant au hasard, consommant un peu de ci, un peu de ça, un peu de christianisme, un peu de bouddhisme, un peu de « Nitche », mais surtout rien qui implique de l'altérité ou de se soucier de l'autre plutôt que de rester centré sur son nombril.

Et paradoxalement, apparemment du moins, dans le même temps, poussent un peu partout comme du chiendent, du mildiou, de la « mauvaise herbe » des « maîtres à penser » de tout style, de toute obédience, qui bien souvent aux prétentions matérielles de la classe sociale dont ils sont tous issus, les bourgeois, rajoutent en jouant sur leurs « réseaux », et copinages endogamiques, des prétentions sociales, intellectuelles et culturelles, à servir de guides au « bon peuple », aux « pékins moyens ». Pour se justifier, ils énumèrent généralement leurs titres de gloire, d'avoir écrit dans tel journal, édité leurs livres dans telle maison d'édition, qu'ils ont bien connu tel auteur célèbre lui-même très ami avec tel philosophe fameux etc.

En gros ils acquerraient la sagesse et le talent de leurs relations dont ils se réclament par procuration, par contact ou intinction…

Quelles que soient la direction ou l'origine des opinions et pensées, et maximes et aphorismes professés par ces « maîtres », cela réveille en moi le gamin de Paris insolent, le gosse de Pantruche, le petit banlieusard indocile n'ayant surtout pas envie de se laisser domestiquer par un bourgeois ayant des vanités à satisfaire fût-ce un curé réputé saint. Dans le cas précis, à l'instar de Bernanos, je préfèrerai toujours les prêtres humbles, maladroits et même pas brillants, à l'image du « petit curé d'Ambricourt » pourtant beaucoup plus proches qu'eux du mystère divin aux prêtres « mondains » qui goûtent les compliments et l'adulation avec un peu trop de gourmandise.

Attention, ami lecteur, ne te méprends pas, je n'ai pas le moins du monde la prétention d'être issu d'une génération spontanée ou de faire l'éloge de la cuistrerie, et que lire les philosophes ou les sages, ou les théologiens, ne sert à rien, bien au contraire, tant qu'ils aident à réfléchir par soi-même, à se libérer des tutelles, des pesanteurs. Mais malheureusement, dans la plupart des cas, ces « maîtres à penser », « côtches », « directeurs spirituels », « thérapeutes » improvisés grâce à quelque poudre de perlin-pinpin, des plantes ou tel bouquin-panacée, demandent à leurs « disciples » enamourés et consentants une servilité de tous les instants.

Je comprends ces « disciples », il est tellement plus confortable de confier sa liberté, ses opinions, son âme à quelqu'un d'autres, d'abandonner toute responsabilité tellement lourde à porter, et engendrant parfois de telles souffrances. La liberté est malaisée à vivre dans une société qui ne tolère que l'allégeance à divers « diktats » collectifs. Et finalement ils ont besoin de points d'ancrage que ni l'Église, ni les institutions ne savent leur offrir, la première ayant souvent sombré ces dernières années dans un océan de guimauve sur-affective, les autres ne s'intéressant plus qu'aux intérêts des plus puissants et se désintéressant du Bien Commun, de maintenir un lien entre les personnes. Ils recherchent donc ces repères de manière désordonnée, en restant fixés sur leurs petites personnes, et croyant les avoir trouvés s'imaginent leur soumission indispensable.

Ami lecteur, après avoir lu ce petit texte, tu penseras que je reste vraiment un de ces « anars de droite » incorrigibles, qui se moque de l'individualisme de la société tout en protégeant farouchement sa propre liberté. Cela n'a guère d'importance. Je préfère suivre d'autres exemples devant lesquels je ne reste pas grand-chose, qui me poussent à épanouir ma liberté, à m'affranchir réellement de contraintes pour de bon insupportables, comme cette jeune fille enfermée quasiment toute sa courte vie d'adulte dans un carmel, et que l'Église, qui a de l'humour, a pourtant fait « docteur » et patronne des missionnaires, et je songe aussi aux petites Sœurs de Foucauld à Jérusalem pour qui accueillir l'autre, défendre les pauvres, et soutenir les plus faibles cela allait de soi sans pour autant qu'elles aient besoin de se mettre en avant. Et bien sûr, je pense encore et toujours à Bernanos qui aurait pu flatter les uns ou les autres et qui a préféré préserver sa liberté au risque d'être mal vu…


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