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Les bonnes intentions d’un jour de colère

Les bonnes intentions d’un jour de colère

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Quelle est cette passion qui anime les orphelins de la droite ? Quel est ce sentiment qui enfle dans la France de la majorité silencieuse ? Quelle est la nature de cette réaction à la gabegie idéologique exercée par le pouvoir ? C’est tout simplement de la colère. Un jour a été décrété pour son expression, c’est le 26 janvier. Un grand cortège parisien partira de la place de la Bastille pour aller jusqu’à la place de l’Opéra rassemblant tous ceux qui sont exaspérés par la présidence normale : Printemps Français, Civitas, Bonnets rouges, blancs, roses, etc., l’Agrif, quelques identitaires, divers collectifs de sauvegarde de la famille… Ces organisations appellent à manifester en vrac contre le matraquage fiscal, la misère paysanne, le chômage, l’insécurité, la faillite de l’Éducation nationale, la destruction de la famille, le mépris de l’identité française, les atteintes à la liberté et le déni de démocratie. Leur mot d’ordre commun pourrait se résumer sans plus de complexe ainsi : Hollande dégage !

Et il n’y a pas plus généreux que la colère. Il n’y a rien de plus légitime non plus. La colère est le contraire du mépris, elle s’oppose aussi au calcul par sa sincérité. C’est finalement la preuve implacable de l’attachement à la destinée de la patrie. Elle peut aussi relever d’un sens du devoir de correction fraternelle. Cette manifestation est de fait un élan citoyen par excellence. En ouvrant le Larousse, pour être certain de là où on mettra les pieds, on lit quand même en face du mot colère : « État affectif violent et passager, résultant du sentiment d'une agression, d'un désagrément, traduisant un vif mécontentement et accompagné de réactions brutales. » Qu’on se le dise, cette fois-ci, on ne reprochera pas aux manifestants leur pacifisme, qui n'est qu'anticipation d'une collaboration future, on ne leur reprochera pas leur côté bisounours. Il va y avoir du sport.

Un coup tordu


De ce fait, d’aucuns vont s’imaginer, en partant au matin du 26 janvier, finir à l’Élysée, entourés d’une bande de musclés et causer aux caméras du monde entier du rétablissement définitif de la France dans toute sa splendeur. Mais ils vont finir comme toujours tous tout nus en garde-à-vue pour n’avoir pas su décamper dès la deuxième sommation. Coup d’état en France ? Craignons que ce soit peine perdue, le fruit d'un fantasme mélodramatique de ceux qui peinent à sortir de leur excitation juvénile. Le problème n'est pas tant la solidité de nos institutions et la puissance de la force de la raison d'état. Non. Le problème est le peuple. Le peuple ne suivra pas. Il ne suivra plus jamais. Dans notre monde normal, tout est matériel, tout est consommation, le bien le plus précieux est notre confort. Qu’il fait bon regarder la TNT assis dans son canapé cuir pleine fleur, dans la belle pièce à vivre de son pavillon de lotissement périurbain. Même si les impôts montent un peu, même si on est nostalgique de l'école d'avant, même si on pense que l'art contemporain est une arnaque monstrueuse, même si de nos jours les femmes se marient entre elles et veulent une aide pour procréer, même si de nos jours les hommes se marient entre eux et veulent se procurer des enfants, cela ne change pas beaucoup le samedi soir pizza des Français. Il en faudrait beaucoup plus pour mobiliser le peuple du bon sens. Et ce peuple attaché à son confort sera même ravi que l'État préserve l'intégrité institutionnelle. Il sera finalement content que l’État résiste à ceux qui sont censés manifester pour exprimer sa propre colère rentrée. Pour notre peuple, l'ordre prime sur la justice car l'ordre lui garantit une certaine continuité de son confort.

Le coup d'après


Nous connaissons tous cette phrase de Joseph de Maistre qui a tellement censuré jusqu'à maintenant tout projet de réaction : « La Contre-Révolution ne sera pas une révolution contraire, mais le contraire de la Révolution. » Cette phrase a souvent été le prétexte à ne rien faire, à garder les mains propres en regardant chuter le monde. Il ne s’agit pas de s’affubler un R à l’envers pour se décrété contrerévolutionnaire et être autorisé à se masser à la Bastille pour exprimer sa colère. Ce n’est pas par le peuple que l’on regagnera la France mais par les élites puisque c’est par elles qu’on l’a réellement perdue. La victoire de la pensée révolutionnaire est assise sur une série de corps intermédiaires bien connus que nous avons abandonnés. Et le point essentiel, pour commencer, est le domaine de la culture au sens très large, et de son financement. En 10 ans de films TV et de fictions de service public, les Français ont pris l'habitude d'intégrer à leur raisonnement la logique du mariage de personnes de même sexe et l'adoption des enfants par ces couples. Ce ne sont pas des manifs qu'il faut produire mais des feuilletons. Ce n'est pas à l'Élysée qu'il faut aller faire un coup d'État mais à France Télévision. En passant, si possible bien sûr, par l'AFP, le Monde, le Palais de Tokyo, la fondation Cartier, etc. Nous saurons que la contre-révolution est vraiment en marche le jour où la poésie et la peinture rentreront dans les salons des Français et que les hangars d'art contemporain des FRACS seront recyclés en bibliothèques. Nous saurons que la contre révolution est en marche le jour où une culture populaire instructive aura remplacé la culture d'État subversive et moralisatrice. Et, osons le cynisme le plus total. Tôt ou tard, il y aura alternance, et l'UMP, associée ou non à une excroissance dissidente du Front, reprendra le pouvoir. La seule question qui se posera alors, c'est : est-ce que ce parti permettra le redressement de la France ou, comme ce fut le cas avec Chrirac puis Sarko, continuera de relayer le nihilisme des idées révolutionnaires ? Peut-être serait-il bon de rentrer à l'UMP plutôt qu'à l'Élysée, et d'y faire un coup d'État plutôt que de prendre la place de la Bastille.

Donc jour de colère, oui et j’en serai et il faut en être car on ne peut pas constamment faire le commentateur de l'actualité. Seulement, ne prenons pas goût à la rue. Ce n’est pas par là que la reconquête ou la contre révolution se fera. Comme disait Maurice G Dantec, « Le nazisme a perdu la guerre mais gagné les esprits. » Ne cherchons donc pas à gagner des guerres.

Fin de la Nouvelle-France (1689 – 1763)
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Valls et Dieudonné sont sur un bateau…
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Valls, le paon fatigué fatiguant
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