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Quelles coïncidences, mon cher Vanek !

Quelles coïncidences, mon cher Vanek !

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« Quelles coïncidences, mon cher Vanek ! » est la phrase fondamentale de la pièce Audience de Vaclav Havel de 1975. Sa signification voit l’absurdité des manipulations du protagoniste Vanek par les forces dans l’ancienne Tchécoslovaquie, entre l’invasion soviétique de 1968, la fin du printemps de Prague et la naissance de la Charte 77, en 1977. L’absurdité illogique des révélations où les mots perdent leurs sens et où la vie sociale n’est qu’un complot de fonctionnaires qui manipulent les autres citoyens.

L’épiphanie et les obsèques avec un hommage national suite à la « naissance au ciel » de Jacques Delors en est une de ces coïncidences révélatrices : il doit être content, légèrement nauséeux à cause du vertige dû à sa position en hauteur ou il voit ceux qui ont perverti sa politique européenne, pleurnicher sur son cercueil. Tout a été déjà dit à son propos le bien comme le mal et je ne veux pas ajouter de formules vides : oui, c’était un homme politique réel, de la politique réelle, avec une vision longue et durable, pleins de contractions voire de contradictions. Il a fait de l’Europe une vraie fourmilière active d’idées, pleine d’élan et d’optimisme et d’une légère promiscuité intellectuelle : son programme Erasmus, dont j’ai pu bénéficier parmi les premiers boursiers en 1991-1994, devrait permettre un échange européen multiculturel et inspiré. Hélas, cet échange a été détourné également car les diplômes sont distribués par les états nationaux ! Ses attitudes vers l’ancien bloc soviétique dès 1989, vers la Russie, vers le parlement européen, vers les dépenses publiques françaises et européennes, vers la libre circulation européenne de la population et des biens (y a-t-il une différence pour nos gestionnaires d’aujourd’hui ?) étaient audacieuses et innovantes, bien fondées, bien pensées, bienveillantes, libératrices, voire libérales mais solidaires. Il n’a pas pu dépasser l’idéologie désastreuse depuis Marx, incarnée elle dans son temps par Jacque Attali, qui définit notre Epoque Formidable, que tout doit être comptabilisé, mais gratuit, immédiat, mais désiré, tout possible, mais rien autorisé. Certes, il y avait aussi de franches erreurs, comme le système de santé « universel » donc anglosaxon, dont les conséquences sont funestes partout où il a été accepté, comme l’échec de ses projets et le détournement de ses idées, au moins depuis le traité de Lisbonne. Dans ce destin tragique et héroïque, il rejoint un autre géant de la pensée politique réelle : Mikhaïl Gorbatchev dont les idées ont été pareillement capturées et perverties. Seul Victor Orbàn reste fidèle à ces deux penseurs pour venir leur rendre hommage devant l’Eternité.

La différence des idées de 2024 par rapport aux idées de 1994 est assez marquante : face à de multi religiosité sur la base chrétienne (humaniste) européenne de 1994, on fait face à un intégrisme pseudo-laïque (« républicain ») ou religieux (musulman), une haine et un repli sur soi, face à l’internationalisme règne un chauvinisme, face à l’intérêt pour autrui prône le rejet, la peur, le soupçon et le mépris. Le projet de l’Europe unifiée celte-germanique-slave-latine, gréco-judéo-chrétienne se heurte aux idées provinciales des états nationalistes. La rigueur régalienne est remplacée par une devise populiste « quoi qu’il en coute » aux dépenses de tous ce qui ne peuvent plus vivre de leur travail dignement. La paix, même avec une terrible guerre au Kosovo en 1992, a cédé définitivement en Europe sa place à la guérilla urbaine larvée et à la guerre inepte et aveugle en Ukraine. Le dogmatisme rationaliste outrancier a détruit toute liberté de pensée, d’exploration et d’alea. Les structures intellectuelles qui a essayée de reformer, fonder ou ouvrir ont été effacées, remplacées par des tensions entre les mafias. La cacophonie parlementaire européenne, nationale ou à Strasbourg ont muselé les échanges paisibles et constructifs. Le parlement européen est devenu une Hydre à produire des normes loufoques, irréalistes, inatteignables et une sinécure étouffante des peuples, la commission ressemble aux gouvernements nationaux paralysés par la corruption, le népotisme, l’incompétence et le centrisme bureaucratique.

Devant son cercueil, mise à part sa fille Martine Aubry et son clan familial intègre, légitime, en deuil, nous avons vu un spectacle assez triste des fossoyeurs de ses idées : la guerre incarnée par Ursula von den Leyden, la frivolité budgétaire par Emmanuel Macron, l’euroscepticisme par ceux qui mettent les intérêts transatlantiques avant l’Europe ou leurs nations, malgré leurs belles paroles, par exemple Charles Michel, la peur par Victor Orbàn.

Les élections européennes pourront donner un certain renouveau. Leur accomplissement sera important pour quelques années. La fête de l’Epiphanie avec la prosternation des trois rois-mages devant le Roi des rois, devant le Seigneur des seigneurs symbolise la confirmation de son règne sur terre. L’Epiphanie ou les obsèques avec hommage national de Jacques Delors signifient la confirmation de l’Europe incarnée, multiethnique, multiculturelle, gréco-judéo-chrétienne celte-germanique-slave-latine, et c’est une confirmation de la gouvernance européenne politique.

Paix à son âme, hommage à l’homme, gloire à son œuvre.


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