La Russie autre et autrement (14)
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La Russie autre et autrement (14)
Dernier épisode : Les Ukrainiens et leurs rapports avec des Russes
Le conflit russo- ukrainien larvé entre ces deux États depuis 2014, voire 2007, et ouvert depuis le 24.02.2022 engagea maintes conversations et questions. Mes appréciations sont surement très personnelles. Je ne souhaite pas me justifier. Oui, la guerre est affreuse dans tous les cas, même si elle cache son nom derrière une dénomination comme « opération spéciale militaire ». Celle-ci dure depuis 2014 au moins, avec la souffrance surtout des russophones, selon les rapports de mes patients ukrainiens et russes rapportés "entre quatre yeux".
L'Ukraine dispose d’une population de 44 millions et d’une superficie de 605 000 km², tandis que la Russie a 145 millions d'habitants (3 fois plus) et 17 millions (30 fois plus) de km².
En 2022, les demandes de l'état russe étaient "justifiées" par rapport aux conclusions des conférences de Riad, Téhéran, Yalta, puis de Minsk… La logique d’une des superpuissances met les Russes en position indépendante et peu influençable par d’autres. Dans cette perspective, ils ne peuvent pas accepter l'élargissement de l'OTAN à l'Ukraine, car il mettrait directement en contact la Russie avec un "ennemi potentiel". Les États-Unis ne tolèrent pas non plus la « bolchévisation » du passé historique à leurs portes : Nicaragua, Grenade, Venezuela, Cuba…
Je ne parle pas d’un « génocide des russophones » au Donbass/Lougansk, mais d'une marginalisation invivable puis de persécutions jusqu’en 2022. Les minorités linguistiques rappellent tristement l'histoire de mon pays d'origine, celle des Sudètes. Les Russes, en dépit de leur ouverture avec Mikhaïl Gorbatchev depuis 1989, restent dans leur esprit très étatiques. Aujourd’hui moins que les Français, mais toujours étatiques dans la majorité. Les Russes considèrent les conclusions de la Deuxième Guerre mondiale "sacrées" en souvenir des 20 millions de morts subis durant cette guerre et des 20 à 40 millions de victimes du stalinisme, qui ont été rapportées pour "souder l'Union soviétique" contre le "fascisme" de Hitler, Pétain, Tiszo, Horthy, Mussolini, Franco, et un peu moins des familles royales des Pays-Bas, de Belgique, de Danemark… Ils jouent leur survie en tant qu'État centralisé Léviathan. La liberté d'expression fut plus exprimée en Russie qu'en Ukraine jusqu'au 4.3.2022, quand la Douma adopta la loi contre toute critique des forces. La Russie n'est plus "bolchévique" mais plutarchique (terme de Miroslav Krleza, un Croate dramaturge des années 1920’s) = démocrature oligarchique. Soutenir l'État d’Ukraine signifie mettre en cause les conclusions de ces conférences et de la fin de la seconde guerre mondiale et soutenir donc une autre ploutarchie, la démocrature oligarchique ukrainienne.
La prise de partie pour l’un ou l’autre des belligérants risque de créer une explosion "mondiale". L'invasion russe rappelle aussi celle de mon pays d'origine, l'histoire du printemps de Prague de Dubcek en 1968. Il faut admettre un « professionnalisme » militaire russe lors de la prise de Zaporijjia au début du conflit en 2022 par exemple. Il faut préserver bien sûr les civils et comprendre (sans soutenir forcément) leur exode : ils ont été utilisés comme bouclier surtout par les forces ukrainiennes en février 2022. Il était interdit aux hommes de sortir, les couloirs humanitaires étaient étroits, souvent bloqués des heures aux frontières… Ils utilisaient l'opportunité de fuir ce pays plutarchique. (NB L'appartement de ma mère dans ma ville natale, Olomouc en République Tchèque, est habité avec l'accord de ma sœur sur place par une famille ukrainienne depuis 1.3.2022.) Leur accueil en Occident coupa à la fois le "grand remplacement islamique de l'Ouest" (Renaud Camus, interdit d'être cité) en créant un remplacement ukrainien. L’Ukraine n’est pas homogène : il y a des Slaves (Ukrainiens, Polonais, Biélorusses, Russes) ; les Latins (Roumains) ; des Juifs ashkénazes ; des Tatars ; des Cosaques… Quant à la religion, certains sont juifs, d'autres musulmans, d’autres gréco-catholiques, catholiques ou orthodoxes. Cela permet de mettre en cause le régime ukrainien actuel qui est loin d'être parfait, car il incarne cette plutarchie ou démocrature oligarchique privée. Les milices ukrainiennes "fascistes", la milice d'Azov sont redoutables, cruelles… à l'instar des milices de Bender de la 2e guerre mondiale. Les oligarques ukrainiens sont aussi corrupteurs et corrompus que les oligarques russes. Le probable assassinat, dont les motifs restent obscurs, du propriétaire russe de l’armée privée des mercenaires Wagner le 23.08.2023, Evgueni Prigojine, ne marqua aucun changement de la ligne du Kremlin. Les politiciens russes ne peuvent pas reculer, à leurs yeux et aux yeux de leurs électeurs et leurs assujettis.
La médiation d'Israël, auto-proposée, hors OTAN, influente, avec une grande population ashkénaze en Russie et en Ukraine, aurait pu être efficace et équilibrée. Elle est restée une lettre morte, un chant du cygne.
Mais qui en profite ? La vente du gaz de schiste rendue possible avec la coupure du gazoduc Nord-Stream ? La Chine avec ses "couloirs sanitaires" : "la Route de la Soie" de Pékin à Athènes et "le Cordon Sanitaire" Nord au Sud, de Riga à Athènes" ? L'avenir nous dira plus exactement. Je crains qu’il ne soit pas dans l'immédiat positif ; plus tard, la mer s'ouvrira de nouveau. En janvier 2022, je suis allé en République tchèque et en revenant, j'ai compris que l'Occident voulait une guerre avec la Russie. J'avais peur. Le 24 février, l'invasion russe de l'Ukraine a commencé, mais il ne s'agissait que d'un mouvement « tactique » depuis 2004 et 2014.
UN et MULTIPLE
Je veux juste dire la grande différence entre, d’un côté : le monothéisme mono-idéologique hégémonique de l'Occident (comme l'extermination française de toutes ses minorités et leur obsession d'assimiler les immigrants, y compris moi-même, ou l'invention américaine : « En (un) Dieu, nous avons confiance ») et, de l’autre côté : l’approche multiculturelle multiethnique « à la soviétique », « chinoise » (je n'en ai pas connaissance) ou impériale « à la Habsbourg ». Les deux mondes sont maintenant entre les mains de la plutarchie et des oligarques, les « démocratures », au lieu des dictatures ou des démocraties. La question fondamentale est cependant la confrontation de deux mondes :
Un empire multiculturel multinational géré par l'État avec un gouvernement autoritaire centralisé, comme en Russie ou en Chine (les oligarques ont été mis au pouvoir par les fils d'Eltsine et leurs amis : Khodorkovski, Berezovsky, Abramovich, Nemcov…) et un gouvernement mono-idéologique, hégémonique, mono-culturel décentralisé dirigé par le marché d'un empire non continental comme les États-Unis (où l’historique propriété individuelle n'atténue pas la forte pression des forces politiques).
Il s'agit d'une question historique, voire théologique, sur UN et MULTIPLE :
Les régimes centralisés permettent à leur périphérie de vivre librement, même avec des convictions cachées, mais ne permettent aucune action politique, tandis que les régimes démocratiques permettent toutes les actions politiques, parlementaires, mais ne permettent aucune remise en question de son idéologie de base, c'est-à-dire la démocratie elle-même !
Il y a aussi une leçon que j'ai vue : dans les pays totalitaires, l'absence de structures démocratiques permet à un individu de s'adresser directement à la hiérarchie du pouvoir (si elle l'écoute, bien sûr), alors que dans les démocraties, vous n'avez aucun homologue à qui parler, à moins d’une myriade de défenseurs autoproclamés et de mafias s’appropriant les structures du pouvoir. Et bien sûr, vous pouvez dire ce que vous voulez, car personne n'écoute vos affirmations.
Le pire, c'est la démocrature oligarchique qui devient écrasante : personne ne vous écoute et, plus encore, vous avez une lourde hiérarchie du pouvoir de la plutarchie. Mais une chose est très désagréable en Orient comme en Occident : au lieu du dialogue, il y a un sentiment permanent d'être manipulé ou forcé… Cela fait rompre toutes les relations publiques humaines.
La République tchèque, un des anciens satellites soviétiques, est également devenue un pays où la pensée structurelle solide est dépréciée, et le Parlement est une sorte de cacophonie, où la vulgarité remplace l'échange pacifique, et où la corruption globale est la seule valeur. En France, c'est à peu près la même chose, un peu en deçà, peut-être.
Toute l'Europe s'est jetée avec cupidité, hypocrisie et stupidité dans une déconstruction de ses racines historiques pour se faire bouillir dans une immense marmite mondiale. Je ne blâme pas les États-Unis d'essayer d'affaiblir la Russie, la Chine ou l'Europe, je blâme nos « dirigeants » européens de se lancer dans l'inextricable embuscade. Je souhaite que les États-Unis redeviennent grands et forts, mais j'espère qu'ils laisseront leur périphérie vivre librement. Comme Staline avait coutume de le dire à Yalta : « les faucons gagnent la paix, mais ils la maintiennent s'ils laissent les oiseaux chanter et ne se soucient pas de leur gazouillis ».
Sans être craintif de l’ire animale, il faut laisser la Russie dormir pour ne pas réveiller l’ours qui dort en elle, car, comme disait Churchill, « la Russie est une énigme entourée de mystères », et comme l’inconnu vainc toujours notre connaissance, il faut éviter de ne pas être écrasé d’affront destructeur.