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Qui veut réhabiliter l’OAS ?

Qui veut réhabiliter l’OAS ?

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Le 7 juin dernier, à Aix en Provence, Maryse Joissains a inauguré un monument à la Maison des rapatriés. Cette stèle, analogue à celles de Perpignan et de Marignane, est érigée en l’honneur des « martyrs » qui ont défendu l’Algérie française. Le 7 juin 1962, Albert Dovecar et Claude Piegts, membres de l’Organisation Armée Secrète (OAS), accusés d’avoir assassiné le commissaire Roger Gavoury, à Alger, sont exécutés. La plaque de bronze dévoilée pour la date anniversaire représente un militaire fauché par un peloton d’exécution. Plus bas, on lit le message suivant : « Aux fusillés, aux combattants pour que vive l’Algérie française ». On ne cause pas d’OAS, mais c’est un secret de polichinelle. C’est une stèle qui rend hommage à ces combattants que les vainqueurs appellent toujours terroristes. En cas de victoire de l’Algérie française, ils seraient passés au stade de héros de la résistance. Mais il n’y a que l’État qui soit autorisé à réécrire l’histoire pour nos têtes blondes. Espérons néanmoins que ceux qui mettent à l’épreuve l’indignation des intellectuels parisiens ne tombent pas dans un fétichisme d’une vieille droite qui n’en finit plus de se qualifier de nouvelle.

Seul le sud se souvient


La France reste décidément un pays inouï et curieux, dirigée par un humanisme révolutionnaire depuis deux cents ans mais qui contient en son sein des postures obstinées irréductibles. Pas facile de laver tous les cerveaux. Le sud est le seul lieu où les frontières sont rendues floues, là-bas l’idéologie fait un pas en arrière face aux intérêts locaux, aux amitiés locales. Le politiquement correct n’a pas prise longtemps dans le sud. Des personnalités au verbe fort nous l’ont rappelé, de Gaudin à Frêche. Et au soleil, personne n’a peur de son ombre. On dit les choses, parce qu’elles sont vraies. Cela suffit pour les dire. Tout autre sens politique ou stratégie ne serait qu’asservissement à une idéologie, nécessairement révolutionnaire donc parisienne. C’est ainsi que l’on peut entendre la maire UMP d’Aix en Provence déclarer que la France est « le seul pays au monde qui a été dans d’autres pays et qui n’a pas été dans une colonisation dure ». Pourquoi le taire si c’est vrai. Quant à René Andrès, président de la fédération des rapatriés aixois, il insiste fièrement: « Soyons courageux et patients. La vérité remportera sur le mensonge que nos détracteurs ont toujours entretenu. Viendra le jour où l’on reconnaîtra la légitimité de nos revendications. Toujours avec la même haine, le ton méprisant, on nous taxe de nostalgiques de l’Algérie française. Est-ce que la Shoah ou le wagon des Milles sont de la nostalgie ? Est-ce que le génocide d’un million et demi de nos amis Arméniens, c’est de la nostalgie ? » Le pied de nez est complet, il faudra que toutes les salles de presse s’étranglent, que l’auto censure incorporée dans chaque journaliste n’en finisse pas de hoqueter. La maire UMP du sud, ce qui n’a rien à voir, on le voit, avec un maire UMP du nord, continue et enfonce le clou : « Oui, je continue à le dire, la France était une bonne chose en Algérie, et la France et l’Algérie auraient dû continuer à être ensemble pour la grandeur du peuple français et pour la grandeur, aussi, de ce peuple arabe aujourd’hui malmené. » Les vrais racistes ne sont pas ceux qui s’indignent à tout bout de champ.

Tous de la dernière heure


Une fois, estimées ces paroles libres, une fois reconnus ces esprits libres, une fois valorisés ces terroristes don quichottes morts pour leur terre, que nous reste-t-il ? Des indignés à gauche ? Oui. Des nostalgiques à droite, non, pas vraiment, mais parfois quelques fétichistes. Indignés de la dernière des dernières heures contre la perpétuelle vieille garde de la nouvelle droite. Ce bilan raccourci permet d’échapper aux postures de ceux qui, désolés d’être repus de paix, veulent revivre un combat qui n’est plus le leur. Alors, bien sûr, la section PCF du Pays d'Aix fait part de son indignation devant cet acte par un communiqué à la Provence. Il faut bien que les héritiers des porteurs de valises continuent d’incarner le camp du bien. Au-delà de quelques militants tout fraîchement sortis du moule de notre société, Daniel Mermet a diffusé la semaine dernière sur France Inter une série de trois émissions consacrées à la nostalgie de l’Algérie Française et aux fidèles de l’OAS. Dans ses reportages radio, on rencontre les cercles d’anciens qui ont gardé intact l’amour de leur terre d’Algérie, l’amour de la patrie et leur incompréhension de la politique. Daniel Mermet, cet apôtre de l’extrême gauche financé par le service public ne parvient jamais à réellement détester ses ennemis. La technique du reportage radio qu’il a inventé, où les bruits de la vie engendrent l’existence, révèle toujours ce qu’il y a de plus humain dans chacun. Et sans complètement basculer dans un bain tiède d’humanisme, il faut avouer qu’il est le seul à continuer à enregistrer les souffles, les pas dans les gravillons, le vent d’est… et l’empathie naturelle de la jeune journaliste de gauche qui ronge son frein. Au milieu de ce grand flot qualitatif, se pose avec malice et autorité la voix du sage Daniel Mermet : imaginez, imaginez, nous posons une stèle aux martyrs d’action directe morts pour leur combat contre le capitalisme, en présence d’élus etc.
La comparaison est lâchée. Action directe et OAS, c’est la même chose. Comme toujours, il veut nous amener à réfléchir. L’indigné du transistor se veut subtil. Et pourtant, les différences entre OAS et action directe sont assez claires. D’une part les membres d’action directe sont encore bien vivants, donc avant de mériter une stèle, il faudrait se mettre d’accord sur le fait qu’ils méritent le peloton d’exécution. Par ailleurs la ligue des droits de l’homme qui s’offusque des plaques de bronze en mémoire des fusillés de l’OAS n’hésite pas à réclamer la libération de Jean-Marc Rouillan d’action directe au ministre. Mais la vraie différence réside sans doute dans le fait que les anciens de l’OAS ont pris les armes parce qu’on les chassait de chez eux, alors qu’action directe n’a opéré qu’un combat idéologique dans un seul but révolutionnaire. Tuer un homme, cela reste tuer un homme bien sûr. Mais un acte de guerre est toujours lié à un territoire et un acte de guerre n’est pas plus nécessaire qu’un acte terroriste, mais parfois moins évitable.

Le problème essentiel avec les proches de l’OAS, c’est qu’on a du mal avec ce qui est devenu leur substrat idéologique. Partis de la terre, ils l’ont fétichisée pour inventer un nationalisme de pure réaction, voire un idéal définitivement perdu de supériorité quasi personnelle. C’est qu’il manque une petite touche de transcendance dans ce combat de patriotes. Et c’est ce manque qui les rapprocherait des terroristes idéologues. Qu’est-ce qui pousse et motive ceux qui s’intéressent aujourd’hui à la mémoire des guerriers de l’OAS ? Qu’est-ce qui pousse les anciens à sortir du bois depuis environ dix ans. Est-ce la mort prochaine de Bouteflika qui a mis en veille sa haine de la France pour recevoir des soins du Val de Grâce ? Est-ce parce qu’ils savent qu’ils sont les derniers témoins vivants de l’Histoire et qu’ils veulent lancer leurs derniers cris au cœur du révisionnisme triomphant actuel. Est-ce la dernière salve des derniers combattants d’un idéal nationaliste ? Hollande, ceux qui vont mourir te saluent ! Mieux vaut poser une stèle sur chaque plage de la riviera que de se flinguer à Notre Dame. Mieux vaut une petite cérémonie empreinte de folklore que le mélodrame blasphématoire qui n’a été rien d’autre que la répétition et l’annonce de l’événement du lendemain, le vrai buzz, celui des Femen, véritables performeuses du diable.
Alors oui pour les stèles, n’en déplaise à la Ligue des Droits de l’homme.

10 ans, 20 ans maxi … et tout bascule
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Urgence et tragédie
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