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Bernanos en carton

Bernanos en carton

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              Il y a actuellement une tendance lourde sur Bernanos qui est de faire de l'auteur des « grands cimetière sous la lune » un auteur aseptisé acceptable pour tout le monde. Certains de ses exégètes notables comme Sébastien Lapaque tombe dans ce travers, cela part il est vrai d'une bonne intention, rendre Bernanos accessible à tout le monde, le faire découvrir mais le risque est de l'affadir en passant. On continue par exemple de colporter le cliché qui veut qu'après le livre cité ci-dessus, Bernanos serait soudain presque passé à gauche après la guerre d'Espagne.

               Alors que comme le montre la lecture attentive de ses livres voire les réponses qu'il fit à un journaliste américain en 1948, il n'a jamais renoncé à ses idéaux de jeunesse catholiques et monarchistes. C'est l'amour de la liberté et de vérité qui l'a sans cesse guidé au risque de tirer à boulets rouges sur son camp supposé. A-t-il seulement un camp d'ailleurs excepté celui de l'humanité ? Mais chez lui, il ne s'agit pas d'un humanisme mièvre et empli de sensiblerie, non quand il parle d'humanité, il parle d'entrailles, de cœur, beaucoup de cœur, de cerveau et d'âme.

               Un de ses descendants a cru bon de dire sa fierté de brûler vif des policiers. Il a évoqué dans un entretien son lien avec son arrière-grand-père mais en est resté finalement à une compréhension superficielle de l’œuvre de son ascendant. Il est plus dans un nihilisme d'héritier, de ces jeunes issus de milieux favorisés qui sombrent parfois dans la violence sous divers prétextes. Ils croient bon de se justifier par une référence à une œuvre ou un auteur alors qu'ils sont juste dans l'auto-destruction jusqu'à parfois leur mort.

               Bernanos n'est ni de droite, ni de gauche, il est libre.

               Mais il n'est pas non plus dans un unanimisme béat où l'on a très peur de choquer ou de déplaire. Je songe à la plupart des auteurs réputés « réacs » qui aux premiers reflets clinquants de la célébrité sur eux, fussent-ils minimes, commencent à se renier progressivement oubliant leurs convictions au passage. Un carnet mondain bien rempli et des relations choisies afin de conserver même des bribes de cette célébrité illusoire à laquelle beaucoup sont vites « addicts » sera toujours préférable croient-ils à leur indépendance.

               Ils finissent alors par tout perdre sur tous les tableaux à essayer de plaire, ce qui n'est jamais venu à l'esprit du « grand d'Espagne » comme l'appelait Roger Nimier.

               Se sentant coupables peut-être de profiter de certaines facilités matérielles, se rêvent-ils encore en hérauts de la liberté, sans franchir le pas. Comme le jeune homme riche de l'évangile, plein d'enthousiasme mais qui n'a pas envie de renoncer à ses aliénations, ni à ses conforts. Le renoncement au monde et à ses pompes est plus difficile. Cela fait sourire quand on songe que la plupart de ces « jeunes hommes riches » habitent l'un un « modeste » pied à terre à Versailles l'autre un « modeste » appartement porte d'Auteuil…

               C'est plus confortable de rêver sa rébellion et son indocilité que de les vivre. La bistronomie et les bons restaurants a des bons côtés mon bon monsieur, ma bonne dame que le dépouillement spirituel que l'on évoque à tort et à travers ne permet pas.

               Et si on parle du peuple, du pôôple, copieusement, on n'ira tout de même pas jusqu'à le fréquenter. Le peuple n'a pas les moyens de s'acheter du vin "naturel", le peuple s'en fout d'avoir lu tel ou tel auteur. Et le peuple n'a pas de carnet mondain bien garni. Ces exégètes font partie du problème eux aussi, une sorte d'opposition intellectuelle officielle qui ne mange pas de pain. Prudemment, certains croient bon de préciser qu'ils ne liront plus des auteurs mal vus par les arbitres des élégances morales et politiques habituels.

               Et encore une fois donc, Bernanos est d'abord soucieux de sa liberté et de dénoncer inlassablement le scandale du mal. La phrase que je retiens le plus de toute son œuvre est celle-ci : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » dans La France contre les robots en 1947.

               Beaucoup me rétorqueront que les compromis sont obligatoires, qu'on doit bien à un moment ou à un autre composer avec la société morticole actuelle ce qui est faux. Il suffit de se lancer sur les chemins de traverse sans se soucier de « la vie sociale » …

 

              Vivre libre en somme.

 


Raspail au vitrail brisé
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