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Bien loin du reste

Bien loin du reste

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Voici un tout petit livre qui nous invite à savourer une langue, celle de la conscience repliée sur elle-même. Hélène Revay, avec Bien loin du reste édité aux éditions sans escale, signe le monologue poétique à deux faces de l’Homo Sapiens Sapiens, l’homme conscient d’être conscient. Elle nous emmène donc au cœur de l’emballement où l’être se révèle aussi pauvre que vrai. « Je vis du coup, retiré chez moi, loin de tout et de tous, dans un permanent tête à tête avec moi-même et je le répète, en toute simplicité. »

Dans la première partie, l’homme témoigne. Mais on ne sait à quelle barre. Il plaide sa cause mais on ne sait pas de quoi il se défend. « Je me sens depuis quelques jours dans une forme suspecte. Je ne m’en tiens pas forcément rigueur. » Il avoue vivre et s’en excuse et s’en justifie. Sans cesse. Peut-être se défend-il d’avoir été autre chose qu’un homme ordinaire. Non, il n’a pas eu une ambition quelconque à vouloir être quelqu’un. Il y a quelque chose de kafkaïen dans le petit livre d’Hélène Revay. Et ce procès-là est un peu à l’envers car l’accusé semble volontaire. J’accepte ! (…) Je suis prêt. Voilà des phrases qui lui vont comme un gant. Il use du bon sens, de l’évidence, de la tautologie pour révéler l’absurde. Il avoue son humanité tout simplement : « Je suis comme je suis. » Voici tout l’être auto-justifié par un examen de conscience permanent, une prise de tête. « Moi emmuré, moi emprisonné à l’intérieur de moi. » Cet examen de conscience nous donne à jouir du poste d’observateur de l’être dépouillé de la fiction, du pauvre type, du pauvre de nous. Ca y est, nous sommes assimilés au pauvre type, nous disons le texte comme lui, à sa place, nous lisons à haute voix. Impossible de lire se livre sans l’entendre. Il y a un acteur en nous qui se met immédiatement à la tâche de le faire bourdonner dans nos oreilles. Le sourire et le rire s’invitent, l’être est un bouffon, la vie une farce.

Mais revenons à l’homme qui cause dans ce livre. Il s’est vécu. Il révèle la vie sous sa forme passive. « L’habitude, elle est là, elle me dirige (…) La vie qui a décidé à ma place. » La petite question philosophique se dépose donc en nous : quelle est la souveraineté de l’être ? L’art narratif seul peut le placer en héros. Mais s’il n’y a pas de public pour raconter son histoire ? Si on est seul ça donne quoi la vie, la souveraineté de l’être sur sa vie ? Le personnage du livre d’Hélène Revay avoue : « Je suis un homme sans histoires. » Sans histoire, sans narration dont il est le héros, sans réécriture de la vie a posteriori, l’homme seul n’est qu’une forme passive, vécue. « J’étais parti pour raconter une histoire » et finalement il s’est contenté de s’observer et de causer tantôt pour se justifier d’être, tantôt pour gloser. La deuxième partie de ce petit livre, n’est plus confession au tribunal de la vie, mais journal. S’y promène la question philosophique toujours rabâchée et jamais résolue autour de l’essence et l’existence.

Nous voyons donc un autoportrait se dessiner, un autoportrait organique, par dedans de la pensée, toujours marécageuse. Dessiner un homme par ses pensées, c’est accepter définitivement d’être dans l’art abstrait le plus total. Même pas conceptuel, surtout pas d’ailleurs, et bien loin d’être figuratif sinon dans la caricature et l’inachèvement. Il s’en faut peu pour que nous nous reconnaissions certains matins de solitude dans cet autoportrait.

Bien loin du reste, Hélène Revay, Ed Sans Escale, 100 pages, 13€


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