Deepankar Khiwani fidèle à chaque rédemption manquée
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Deepankar Khiwani fidèle à chaque rédemption manquée
Les Éditions Banyan, dirigées par David Aimé, ne s’intéressent qu’au meilleur de la littérature de l’Inde qui n’a pas encore été publié en France. Avec les Éditions Banyan, il souhaite établir une passerelle culturelle et littéraire entre l’Inde et la France, deux pays très proches dans leurs idéaux selon lui. J’ai découvert grâce à cette maison, la poésie de Deepankar Khiwani, une poésie tant familière qu’elle me confond. Entr’acte de Deepankar Khiwani rassemble des poèmes de 1995 à 2005 dans une éditions bilingue français-anglais. Deepankar Khiwani est né à Delhi en 1971, et il est mort brutalement en 2020 alors qu’il s’était installé en France depuis 2013.
La tonalité du recueil est celle de la nostalgie. Cette nostalgie, comme une blessure pyrétique couve en lui. Ce que nous ressentons est que le présent n’existe pas, c’est simplement une brume, une fiction. Le présent est immédiatement transformé en passé proche. Deepankar Khiwani s’éloigne, se met à distance pour être spectateur de cette mer qui se retire. Si ironie il y a, elle est essentiellement pudeur, protection vis-à-vis d’un monde insensible. Il est vrai que la vie a des aspects dérangeants, tabous, il convient de les voir, le poète nous les dévoile, c’est là sa mission. Mais il agit sans violence, presque en s’excusant. Il y a une vrai élégance dans la pudeur de Deepankar Khiwani. Et ce que nous percevons au fil de ces pages doucement amères, c’est que la parole, toujours, est supérieure.
Le poète a une distance vis-à-vis de lui-même, son ironie s’applique à lui-même : « j’aurais dû être un poète. », dit il. On sent qu’il n’a pas vraiment cultivé une grande estime de lui-même. « Ô vie à moitié écrite et mal orthographiée, tout ce que j’ai, ce sont ces pages dactylographiées, avec un prélude non écrit et des titres manquants et ma volonté de tout remettre à sa place. » C’est ainsi qu’il conclue son recueil. C’est dire s’il a le goût de l’inachèvement. D’ailleurs, n’avoue-t-il pas être fidèle à chaque rédemption manquée.
Les gloseurs et préfaceurs de son œuvre qualifient sa personnalité de personnalités à plusieurs niveaux, cumulant les masques de la société, pour dissimuler un être profondément torturé. Il donnait donc le change comme pour protéger ce jardin secret de la poésie. Les poètes sont de bons acteurs confie-t-il d’ailleurs. Dans les non-lieux qui nous sont imposés comme les aéroports, le poète se débat : « j’attends d’être libéré de l’amertume – j’asperge mon visage d’eau et je me sens trahi, en levant la tête, je cligne des yeux dans le vide. »
Comment se fait-il que ce poète venu de l’Inde me parle autant. L’universalité que je découvre ici englobe mes petits états d’âmes.
Entracte, poésie de Deepankar Khiwani, Ed. Banyan, 130 page,19€