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Didier Guillot sur les pas de Stevenson

Didier Guillot sur les pas de Stevenson

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« Le temps est une denrée si rare » … D’où l’importance de prendre le risque d’en perdre. Didier Guillot a pris la décision de se lancer dans une marche de 180 km en terres cévenoles, sur le fameux GR 70 connu sous le nom de chemin de Stevenson. Et ce parcours s’est fait récit intitulé J’ai appris à rêver. Et nous cheminons en lisant aux côtés de Didier Guillot, à travers un paysage gavé de cailloux, les terres du Gévaudan et de sa bête, sur les bords de l’Allier, le mont Finiels, les Causses… Cela a duré seulement 10 jours et l’auteur a le sentiment d’avoir fait le tour du monde, le sien. Ce n’est qu’un livre et le lecteur a le sentiment de s’être évadé pour longtemps. Si le voyage est au seuil de sa porte, l’évasion poétique est dans notre bibliothèque.

Marcher, c’est d’abord ne rien faire d’autre qu’avancer, mettre en œuvre la mécanique de mettre un pied puis l’autre, tout simplement, égoïstement. Ensuite, l’auteur nous dit qu’il faut laisser une part au hasard, la carte et le GPS privent du vrai voyage. Au fil des kilomètres, au cours des rencontres, nous voyons l’écrivain marcheur s’abandonner. C’est progressif. « Comme si le retour à la nature imposait des paliers de décompression. » dit-il. Ce n’est pourtant pas vraiment un retour à la nature, mais un retour à soi et au monde, un dépouillement de son être social bien trop souvent encombrant et faisant obstacle. « La marche est la meilleure des excuses pour s’extraire du monde poisseux des adultes. » L’auteur rajoute : « Débarrassé des limites de sa maison, rien ne résiste à l’évidente inutilité des choses. »

Cependant, Didier Guillot se garde bien d’être dupe de lui-même et met une distance entre le récit et ce héros marcheur qu’il a décidé d’être. « J’ai le sentiment de ne pas être le premier à redécouvrir l’essentiel. » L’auteur ne fait pas de leçon, il raconte, donc transmet. Il témoigne, donc passe un témoin. Il lui arrive d’être déçu, de se décourager d’un voyage sans phare, il lui arrive souvent d’être confronté à ses pauvres limites, de se sentir rouillé par la pluie, le gel, le vent. Une sorte de détachement par la douleur s’opère pour parvenir à fendre ces forêts de sapins noirs et froids. De toute façon, « La nature se fait thaumaturgie. »

Petit à petit, la pérégrination semble abandonner les traces du GR pour suivre de petits cailloux faits de littérature et de chansons. Les compagnons de Didier Guillot sont Brassens, Manset, Baschung, … aussi bien que Cioran, Baudelaire, Jules Vernes, Pablo Neruda… Il y a aussi un frère qui flotte entre les pages comme un fantôme familier. On a tous nos fantômes. Il est impossible qu’ils ne nous suivent pas quand nous partons seul.

Au travers des paysages cévenoles, l’imagination de Didier Guillot voit un temple d’Angkor, une armée enterrée à la place de rochers, un faubourg de Calcutta à la place d’une décharge sauvage. Le monde est récapitulé afin que sa marche de 10 jours se fasse tour du monde. Petit à petit, il fait naître des aphorismes. Quand on sait contempler, on devient poète automatiquement.

A lire J’ai appris à rêver (sur les pas de Stevenson), on prend conscience que le chemin est un lieu, en opposition à toutes ces routes et voies qui favorisent la circulation des personnes, des marchandises et de l’information. Le marcheur sait que le chemin est un lieu. On ne cherche pas à y aller vite au sein d’un réseau, on sort du piège et on chemine comme on vit, entre deux extrémités, un début et une fin, une naissance et une mort.

J’ai appris à rêver (sur les pas de Stevenson) - Didier Guillot – Ed. La Trace – 175 pages – 16€


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