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Droite-Gauche, ce n’est pas fini

Droite-Gauche, ce n’est pas fini

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Dans son ouvrage Le moment populiste, Alain de Benoist affirmait que le clivage droite-gauche avait vécu. Jean-Louis Harouel, professeur émérite de droit à l’Université Panthéon-Assas, lui rétorque l’inverse dans son livre Droite-Gauche, ce n’est pas fini paru aux éditions Desclée de Brouwer. Notre juriste nourrit sa pensée conservatrice au contact d’auteurs antimodernes comme Delsol, Zemmour, Finkielkraut, Le Goff, Muray, Debray, Furet, Michéa, Besançon, Onfray, Lubac et d’autres. L’idée-force du catholique Harouel est d’affirmer la persistance d’une droite, « postérité sécularisée du christianisme », seule capable à ses yeux de sauver la civilisation européenne en s’opposant au progressisme de gauche pétri de libéralisme et fondé sur les hérésies chrétiennes que furent la gnose et le millénarisme. Ce progressisme de gauche, au pouvoir de transformation irrépressible, semble être aujourd’hui l’unique moteur de l’histoire. Il prend corps dans « la religion de l’humanité » elle-même construite sur des « vertus chrétiennes devenues folles » selon la formule de Chesterton reprise par Bernanos. Cette religion de l’humanité, ou humanitarisme, ou religion des droits de l’homme, a deux piliers.

Le pilier millénariste

Il s’agit ici de « l’utopie d’une société unanime aux individus totalement soumis au dogme de l’égalité », ou, aux premiers siècles de l’ère chrétienne, de « la croyance que Jésus va revenir sur la terre pour y instaurer un royaume de mille ans ». Au IVème siècle, Saint Augustin avait justement rectifié que ce règne dont parle le livre de l’Apocalypse avait démarré avec la résurrection du Christ et désignait l’histoire du monde chrétien organisé autour de l’Eglise. L’origine du dogme progressiste et de l’égalitarisme cher à l’Occident est apparue au XIIème siècle avec l’abbé Joachim de Flore fondateur du monastère Saint Jean de Flore en Calabre. Selon l’abbé de Flore, l’histoire des hommes consiste en la succession de trois règnes dont chacun correspond à une personne de la Trinité : le règne du Père d’abord, temps de peur et de servilité, celui du Fils ensuite qui est un temps de foi et d’obéissance filiale, enfin le temps de l’Esprit qui est celui de l’amour et de la liberté. L’influence de Joachim de Flore fut immense jusqu’à l’avènement du marxisme. Les progressistes, reprenant la chronologie millénariste en trois âges de l’abbé de Flore, considèrent que l’humanité, après avoir connu un paradis égalitaire et communiste, a vu lui succéder un second âge, le temps du mal, de l’inégalité due à l’irruption de la propriété privée, du droit et des relations monétaires, « toutes choses génératrices de souffrances de l’humanité », qu’enfin, le temps du salut, par un retour au communisme primitif voulu par l’amour divin, restaurera le paradis sur terre et permettra la rédemption de l’humanité.

Le pilier gnostique

La seconde colonne vertébrale de l’idéologie de gauche est le pilier gnostique selon lequel l’homme doit parvenir à son émancipation totale, au « déploiement souverain et sans limite de l’individualisme dans toutes ses pulsions et ses caprices, la fête des fous en guise de société, le carnaval, la Gay Pride » selon Harouel. La gnose est un ensemble de doctrines ésotériques de salut, un panthéisme où se confondent Dieu et l’univers, un « cosmothéisme » dans lequel le monde originel n’aurait été composé que d’esprits purs de tout mélange et Jésus n’aurait pas eu de corps fait de matière. La gnose a inspiré la philosophie éternelle, les Rose-Croix, la théosophie, le néo paganisme nazi ou la franc-maçonnerie. Elle affirme que « L’homme est Dieu puisque son âme céleste, parcelle de lumière prisonnière de la matière, est de nature divine. », et que la morale ordinaire contenue dans le Décalogue de la Bible et construite sur les notions de bien et de mal doit être méprisée. Au IIème siècle, Marcion rejette l’Ancien Testament et ne veut s’attacher qu’aux Evangiles et à un Dieu bon dépourvu de tout attribut de justice. La vision immatérielle d’un amour éthéré, désincarné, génère une défiance du corps qui se traduira dans l’histoire de l’hérésie marcioniste par deux attitudes opposées : d’un côté des gnostiques ascétiques, de l’autre des gnostiques frénétiques du sexe et adeptes de la débauche. On peut donc comprendre que l’indifférenciation, le gender, la négation de l’altérité masculin/féminin sont l’aboutissement contemporain d’un idéal gnostique où homme et femme sont une seule et même chose. Harouel nomme cela « mêmisme de la gnose ». Dans cette philosophie, on peut recenser pêle-mêle : la haine de la différence des sexes, un penchant pour l’homosexualisme, le mépris de la transmission de la vie, la détestation de la procréation perçue comme une malédiction, une prédilection pour le criminel, l’ennemi au détriment de la victime jugée suspecte. L’homme est ainsi tenu pour innocent du mal qu’il peut commettre.

Les fruits produits par l’idéologie gnostique dont la franc-maçonnerie est la représentante la plus zélée sont pléthore et contribuent méthodiquement à déconstruire la société traditionnelle : libéralisation du divorce, droit à l’avortement, égalité successorale de l’enfant naturel et de l’enfant légitime, mariage homosexuel. La phobie gnostique de la procréation a engendré deux fruits devenus des normes sociales dominantes et intouchables : l’usage généralisé de la contraception favorisant le libertinage et combattant la valeur de fidélité et le mariage chrétien, et la banalisation de l’avortement qui aboutit au massacre sans fin de saints innocents. Un rejet de toute autorité institutionnelle ou morale caractérise encore la doxa progressiste : « Les grands mouvements révolutionnaires millénaristes se sont couramment accompagnés non seulement de violences, mais encore d’une importante licence en matière sexuelle. » Après le progressisme sociétal, l’égalitarisme a accouché d’un nouveau rejeton : l’immigrationnisme et son corollaire la préférence de l’Autre, afin de mettre à exécution le projet de « grand remplacement » des peuples européens par des populations immigrées. Multiculturalisme et métissage sont les fondements de ce nouveau monde tracé à l’équerre et au compas.

Les pneumatiques, élus ou élites habitées de la vraie lumière, conscients de leur divinité, francs-maçons pénétrés de leur subtilité et de leur supériorité, se considèrent définitivement comme les « vrais hommes ». Il ne faut alors plus chercher très loin pour savoir qui tire les ficelles de la mondialisation acculturée. L’auteur, lui, nous assène sa vérité : « Dans des pays forgés par un millénaire et demi de chrétienté, être de droite constitue la manière normale de penser, de sentir et d’agir. La droite est le parti des braves gens et du bon sens, du sens commun qui garantit à la société son existence sur le long terme. » Pour l’homme de droite, le mal est logiquement intrinsèque à l’individu tandis que pour l’homme de gauche le mal lui est extérieur. Deux visions parfaitement inconciliables pour Harouel car l’une demande une patiente conversion du cœur pour dépasser ce mal, ce péché intérieur, alors que l’autre impose par la violence un ordre social et idéologique égalitariste jugé moralement supérieur. Dans le premier cas, liberté et singularité sont prééminents, dans l’autre, soumission à la doxa progressiste et au camp du Bien sont requis.


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