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Relire aujourd’hui Les précieuses ridicules de Molière.

Relire aujourd’hui Les précieuses ridicules de Molière.

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Dans cette semaine, où on vient de célébrer la langue française, laissons-nous nous délecter de cette légende qui a fleuri autour de Molière et qui garde toujours sa verdeur à tous ceux qui ne se resignent pas à ignorer l’inconnu. Jean Baptiste Poquelin, dit Molière, un homme cultivé, il y a plus de 400 ans, ouvert aux choses de l’Esprit capable d’observer un monde cultivé, ouvert au monde complexe et singulier… Par tous ses talents, il a reconquis le monde de la littérature. Tout son chantier littéraire est fait de farces, de satires, et de comédies qui vont directement attirer l’attention des uns par le plaisir et provoquant la tempête aux autres.

Avec les précieuses ridicules, la langue française est mise en apothéose car à travers cette langue, nous sommes en face d’une incontestable griffe de génie moliéresque qui s’exprime d’une façon profonde et originale et de l’autre côté, Molière se moque de l’usage de cette langue dans une galanterie de langage construit par des périphrases et de métaphores sous un ton maniéré et trop souvent romanesque qui heurte les esprits simples, soif de la clarté et de la logique qui malheureusement restent des fausses précieuses construites dans un conformisme sans issue.

 

Une comédie alerte et piquante

Au moment où la comédie cornélienne vieillissait de plus en plus et que se consumait aussi la comédie italienne, la nouvelle troupe de Molière tente de relever le défi. L’originalité des « Précieuses » échappa peut être plus au grand public qu’aux lettrés qui eurent la fortune d’assister. Dans la préface que Molière fait de cette pièce théâtrale, il décrit l’influence des salons parisiens et l’influence des réunions et de la vie mondaine. En cette période du 17ème siècle, la société française prit plaisir à orienter forcément l’esprit vers la spéculation littéraire, philosophique, morale et esthétique que le temps nuancera à l’infini selon la puissance des initiés et la vertu des adeptes. En fait, cela se remarque dans les personnages de Magdelon et Cathos, fille et nièce de Gorgibus qui souhaita leur trouver des amants, toutes les deux filles étaient considérées comme des précieuses ridicules. Et alors arrivées à Paris, se donnent à la fragile illusion de « jouer des Précieuses ridicules » malgré leur bagages littéraires fortement dangereux, elles tombent dans des commodités de la conversation parisienne qu’elles désirent donner dans le doux de la flatterie. C’est pourquoi les idées de Gorgibus sont directement rejetées : « Mon père, disait Magdelon, voilà ma cousine qui vous dira, aussi bien que moi, que le mariage ne doit jamais arriver qu’après les autres aventures. Il faut qu’un amant, pour être agréable, sache débiter les beaux sentiments, pousser le doux »[1]et Cathos de marteler : « Venir en visite amoureuse avec une jambe toute unie, un chapeau désarmé de plume, une tête irrégulière en cheveux, et un habit qui souffre une indigence de rubans … ! Mon Dieu, quels amants sont-ce là ! Quelle frugalité d’ajustement et quelle sécheresse de conversation ! »[2] En fait, elles avaient d’autres projets, c’est pour cela que la fille de Gorgibus répliqua à son père que le mariage est une chose choquante et qu’elle veut d’abord apprendre à connaître le beau monde de Paris. Gorgibus s’emporte et les menaces de les faire religieuses si elles ne se marient pas.

Pourtant, Mascarille et Jodelet, les valets de la Grange et du Croisy, amants rebutés rejoignent les deux femmes et Mascarille entame un discours empli de flatteries et de cajoleries et Jodelet par ses blessures raconte qu’elles sont le résultat des combats qu’il a menés avec bravoure. Croisy et la Grange en les voyant, en font ôter aux valets leurs vêtements. Ils exposent aux jeunes femmes qu’elles peuvent désormais profiter d’eux à leur aise. À trop désirer se distinguer, ces jeunes femmes, plongées dans le conformisme des Parisiens qui aboutit à une surenchère de paroles mielleuses, tombent dans des extravagances sans noms et finissent d’aller se cacher pour jamais.

 

Epoque de dictature du provisoire

Aujourd’hui, il y a un déplacement d’intérêt parmi les générations actuelles, on y voit en tout cas une certaine starification de la société qui pourrait trouver écho dans les textes de Molière qui se moquait en son temps des Précieuses ridicules. Il y a le désir exagéré des générations actuelles d’être connu et reconnu qui passe souvent par la musique ou les plateformes exacerbés par les réseaux sociaux qui se matérialisent par les likes et les subscribes. En plus, aujourd’hui, les nouvelles générations ont un regard dévoyé sur ce qui est de relation ou de mariage. La position de Magdelon et Cathos dans la pièce Les précieuses ridicules portent encore ses traces parmi les nouvelles générations. Ces dernières dans leur choix du futur conjoint ne font référence qu’aux choses provisoires et passagères telles que la beauté, le physique, l’expression mielleuse, le swag, la popularité, … Pourrions-nous accepter les choses usuelles comme telles et les formes de la vie telle qu’elles nous sont imposées par les mass media ? Que sais-je encore ? pourtant ce conseil d’Antoine de Saint-Exupéry dans le Petit Prince frappe toujours par sa résonnance : « on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux ».

En somme, je reste très émerveillé devant l’œuvre splendide de ce dramaturge français. Ses pièces théâtrales sont de tous les temps car bien que vieillissantes, elles gardent de la verdeur et de la sève parmi les nouvelles générations.

Herbert NDAYIRAGIJE (Burundi)

 

[1] MOLIERE , Les précieuses ridicules, Labor, Bruxelles 1935 p. 16

[2] MOLIERE , Les précieuses ridicules, Labor, Bruxelles 1935, p.16


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