Garnier-Duguy nous invite à la danse
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Le père Duval avait mis en chanson cette parole du Christ : « j’ai joué de la flûte sur la place du marché et personne avec moi n’est venu danser. » Gwen Garnier-Duguy a vu son recueil de poèmes « Danse sur le territoire » réédité par les éditions liées à la revue Recours au poème. Quel rapport avec le père Duval ? Et bien tout simplement parce qu’après avoir lu Garnier-Duguy, je l’ai imaginé, sur la place publique, donner aux passants ses vers, les dire et provoquer ainsi une danse, une ronde, comme des satellites mis en mouvement par les lois de la gravité.
Le poème est cette œuvre humaine située entre la littérature et les arts. Comme la musique, il s’agit d’une production intellectuelle qui finit par appartenir au monde sensible. Les poèmes de Gwen Garnier-Duguy permettent d’accéder au monde sensible avec des mots. On sait désormais que l’on peut toucher, caresser le monde, le respirer, et amorcer un mouvement commun avec lui, une étreinte avec la création, rien qu’en lisant à haute voix. La poésie est sonore. Même en lisant dans le silence de nos pensées, on se sent frôlé.
Les poèmes de Gwen Garnier-Duguy sont de petites choses, peu de phrases, peu de mots, ils incitent à savourer chaque syllabe comme des saveurs. Cuisine moléculaire. « Tu as le paradis sur le bout de la langue ». Ces mots sont propices à la nidation de l’âme. L’ellipse pratiquée d’un vers à l’autre est une respiration profonde. Elle permet d’accéder aux parfums.
Dans le négligeable, les quelques syllabes articulées, se joue tout de même la possibilité de se relier, de se toucher, d’être effleuré par le souffle. Il est possible de rencontrer un corps en lisant, il est possible de faire l’amour en lisant. Les corps n’ont jamais été si proches les uns des autres que dans cette danse sur le territoire. Le poème permet une nouvelle fois au Verbe de s’incarner.
« Et marchant dans tes pas
nous foulons ton amour »
« Dans chacune de nos paroles
Dans chacun de nos actes
Et chacune de nos pensées
Nous jouons le destin du monde »
Peut-être sommes nous passés trop vite sur les petits poèmes de Gwen Garnier-Duguy, si le destin du monde s’y joue, il serait peut-être bon de s’appesantir, de s’y reposer, d’y revenir. Ne cherchons pas à interpréter ces poèmes comme des formules, mais plutôt à nous mettre en présence de la parole. On ne cherche pas à comprendre un poème, on le contemple. Puis on ferme les yeux et on danse.
« Tu as appartenu au monde
Et tes pensées ont refleuri »
« La conscience
anémiée
boit à la source d’une épopée
qui tournoie l’air »
Il faut savoir se retirer en soi pour dire ces petites choses, se retirer du monde bruyant pour exister un temps avec le beau, faire corps avec lui. Les poèmes sont illustrés de peintures de Roberto Mangú, ce peintre qui a tant inspiré Garnier-Duguy. Des peintures qui sont le territoire à partir duquel, le poète a puisé l’expression de sa danse. Et sur sa place publique, le poète qui souffle ses vers, voit la ville se repeindre au couleur de Mangú.
« Le cœur
émeraude de la vie
palpite au cœur de nos mains
(…)
rassemble ses pétales coquelicot
et danse sur le territoire »
Et voilà pour finir, des vers qui pourraient bien symboliser sous forme d’aphorisme toute l’ambition de MN :
« Il semble ne plus rester
que le choix des marges
ou la vie »