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La France et ses grandes figures catholiques

La France et ses grandes figures catholiques

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La France est fille aînée de l’Eglise. Elle est une terre d’élection divine. Elle bénéficie d’un privilège unique, d’une marque indélébile. Ces temps postmodernes font fi de tout cela. Ils ont l’outrecuidance de penser qu’ils sont supérieurs aux temps anciens car ils seraient parvenus par l’exercice de la raison à s’affranchir de Dieu. Pour quel gain concret dans la compréhension du mystère de l’homme, s’interroge-t-on ? François Huguenin est un auteur catholique soucieux de se livrer « à une investigation historique la plus juste possible », dans son ouvrage Les grandes figures catholiques de la France. Il rend pleinement vivant le souvenir de ces immenses personnages que furent Clovis, Charlemagne, Suger, Saint Louis, Bernard de Clairvaux, Jeanne d’Arc, Richelieu, Vincent de Paul, et d’autres, et nous invite à vivre, à travers eux, une grande expérience sensible, intellectuelle et spirituelle de ce qui constitue la substantifique moelle de notre chère patrie. Se plonger dans l’ouvrage, c’est vivre une sorte de chemin de Damas, une conversion renouvelée vers un idéal lumineux. C’est être irrésistiblement attiré par une vie qui deviendrait subitement héroïque, généreuse, grande et offerte à Dieu. Un destin dont on reprendrait le parfait contrôle, à l’image de ces grandes figures catholiques qui ont façonné et incarné l’histoire de France, pour exorciser la sécularisation du monde moderne qui a tué la transcendance en l’homme, en nous.

Au milieu des géants que nous propose Huguenin, nous ne nous sentons pas dérisoires. Le mérite de l’auteur, qui a bien compris ce qu’est la sainteté au sens catholique, est de nous montrer ces figures de femmes et d’hommes de notre incomparable roman national telles qu’en elles-mêmes : souvent imparfaites, rigides ou impitoyables, excessives ou inconstantes, fidèles ou infidèles, mêlant souvent les affaires de Dieu avec celles de la cité. Mais toujours parfaitement incarnées, jamais éthérées. Dans ces quinze portraits, la tentation existe d’établir une hiérarchie dans la grandeur. Thérèse de Lisieux est-elle la plus héroïque dans la vertu au travers de la « voie spirituelle d’enfance » qu’elle trace comme chemin de sainteté ? Pascal est-il le plus grand génie que la France ait enfanté ? Vincent de Paul est-il l’incarnation parfaite de la charité ? Existe-t-il plus beau témoignage éducatif et spirituel que le testament de Louis XVI adressé à son fils au moment où il meurt en martyr ? L’abbé Suger, supérieur de l’abbaye royale de Saint Denis, nécropole des rois de France, fut-il plus grand que Bernard de Clairvaux, l’un des plus importants religieux de l’Occident chrétien aux côtés d’Augustin, François d’Assise, Thérèse d’Avila ou Ignace de Loyola. Lequel de ces deux géants contribua le plus fortement à « apporter paix, stabilité, ordre, culture et prière » à la société ?

Mais fixons notre regard sur certains de ces personnages hors normes, sans parti pris et sans classement de grandeur entre eux. Bernard de Clairvaux, au feu intérieur dévorant, a cette phrase célèbre qu’il emprunte à Saint Augustin : « la mesure de l’amour c’est d’aimer sans mesure ». Il fascine ses contemporains par « sa force d’attraction et de conviction, sa beauté qui magnétise, son regard qui électrise et sa parole qui envoûte ». Il luttera dans sa chair contre les avances féminines les plus pressantes et la passion qu’il suscite dans cette gent. Homme le plus influent de son temps, le XIIème siècle, il va assurer le développement de l’ordre et de l’art cisterciens qui sont « à jamais liés à la culture et au rayonnement de la France ». Bernard de Clairvaux est un radical qui a horreur du divertissement. « Ce timide maladif est capable pour une cause immense, pour la seule cause, celle de Dieu, de retourner n’importe qui, de harceler la terre entière, de dominer les synodes, d’apostropher les grands, de vilipender avec une violence inouïe ceux qu’il juge tièdes ».

Comment ne pas citer les lumineux propos que tint Jeanne d’Arc à ses juges qui la pressaient de dire si elle était « en la grâce de Dieu » ? Sa réponse « si je n’y suis, Dieu m’y mette ; si j’y suis, Dieu m’y garde » rappelle celle de Jésus aux pharisiens. Il est étonnant de constater à quel point la vie de Jeanne, avec son procès inique et sa mort ignominieuse, est si semblable à celle du Christ, son face à face avec Pilate, puis sa montée au Golgotha où il subit le plus terrible des châtiments. Le désespoir de Jeanne dans sa cellule quand elle entrevoit l’horreur du bûcher renvoie aux larmes du Christ à Gethsémani : « mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Péguy, dans Le mystère de la charité de Jeanne d’Arc, écrit ces lignes émouvantes sur l’abandon tragique de Jeanne à son destin, seule, pauvre et glorieuse dans la mort : « nul ne lui fut fidèle jusqu’au bout. Elle fut abandonnée et reniée comme le Christ. Et parmi ceux qui lui furent fidèles quelque temps (si ces mots « être fidèle quelque temps » peuvent avoir le moindre sens), il n’y eut jamais que du menu peuple. Menu peuple de soldats, menu peuple d’Eglise, menu peuple de peuple. Moines, soldats, bourgeois. Ni prélats, ni autant dire, de barons. Ni roi. Elle eut à être chrétienne et martyre et sainte contre des Français et contres des Chrétiens […] C’est ce que je nomme être sainte et martyre deux fois. C’est ce que je nomme une épreuve au deuxième degré, une sainteté, un martyr au deuxième degré ». Nous acquiesçons avec François Huguenin quand il écrit que Jeanne d’Arc, presque surhumaine, est la « perle la plus précieuse dans l’Histoire de France ».

Quelques brefs mots sur Vincent de Paul, l’apôtre de la charité. Proche de Louis XIII, Vincent fonde en une dizaine d’année, de 1625 à 1633, de nombreuses institutions –congrégation pour la Mission, Filles de la Charité avec Louise de Marillac, l’œuvre des enfants trouvés…- qui « modifient profondément le paysage pastoral et social de la France ». Son zèle dans l’amour du prochain semble ne pas rencontrer d’équivalant dans l’histoire.

Pascal, qui naît en 1623 à Clermont, dans la vieille terre chrétienne d’Auvergne, est à coup sûr le grand génie de la France. Ainsi en parle Châteaubriand dans le Génie du Christianisme : « il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds, avait créé les mathématiques ; qui, à seize ans, avait fait le plus savant traité des coniques qu’on eût vu depuis l’Antiquité ; qui, à dix-neuf, réduisit en machine une science qui existe toute entière dans l’entendement ; qui, à vingt-trois, démontra les phénomènes de la pesanteur de l’air, et détruisit une des grandes erreurs de l’ancienne physique ; qui, à cet âge où les autres hommes commencent à peine à naître, ayant achevé de parcourir le cercle des sciences humaines, s’aperçut de leur néant, et tourna toutes ses pensées vers la religion ; qui, depuis ce moment jusqu’à sa mort, arrivé dans sa trente-neuvième année, toujours infirme et souffrant, fixa la langue qu’ont parlée Bossuet et Racine, donna le modèle de la plus parfaite plaisanterie, comme du raisonnement le plus fort ; enfin qui, dans les courts intervalles de ses maux, résolut, en se privant de tout secours, un des plus hauts problèmes de géométrie, et jeta au hasard sur le papier des pensées qui tiennent autant de Dieu que de l’homme : cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal ». Son style éblouissant de finesse et de poésie jaillit au cœur de cette sublime affirmation : « l’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant ». Puissance conceptuelle unique, sens pratique et « conscience exacerbée des abîmes existentiels », sont trois traits marquants chez Pascal qui vivra toujours sobrement et fera preuve d’une charité admirable envers les plus pauvres, en leur faisant l’aumône et en leur rendant fréquemment visite à la fin de sa vie. Ce faisant, il se plaçait dans « l’imitation de Jésus-Christ ». L’évocation par François Huguenin de la conversion mystique de Pascal, lors de « la nuit de feu » qui embrase son âme, le 23 novembre 1654, nous touche au plus profond et nous rappelle tous les chemins escarpés des Paul, Augustin, François d’Assise… Mais laissons à cet esprit supérieur qui ausculte si finement le cœur brûlant de l’homme, les mots de la fin : « c’est le cœur qui sent Dieu et non la raison : voilà ce qu’est la foi. Dieu sensible au cœur et non à la raison. Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point : on le sait en mille choses ».


Maritain, l’aimant des écrivains catholiques
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Correspondances catholiques
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Les « grandes personnes » devraient lire Marcel Aymé
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