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La partition intérieure

La partition intérieure

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« Qui êtes-vous jeune fille, et quelle est donc cette part que Dieu en vous s’est réservée… ? » interrogeait Paul Claudel dans L’annonce faite à Marie. Nous questionnons pareillement Charlotte, personnage central, avec le prêtre qui parle à la première personne de La partition intérieure, premier roman de l’éditeur et poète Réginald Gaillard. Charlotte, animée par le souci des morts dont elle visite chaque jour les tombes, est un être simple sur lequel l’orgueil qui règne en maître à notre époque, même au cœur du Jura, n’a pas de prise. Elle vit à Courlaoux, petit village de campagne où arrive le prêtre parisien lettré, cultivé, élégant au mois d’octobre 1969 chargé d’assumer ce qu’il perçoit comme un calvaire : une paroisse en cours de déchristianisation ; « Je priai, mais sans effet, afin que le cauchemar s’arrêtât. Je me réfugiai dans le grondement rocailleux de la rivière dont le chant s’immisçait dans l’air et me chuchotait, à sa manière, que tout était calme, même dans la tragédie ; qu’il fallait entrer dans l’espérance, même si c’était l’étiage spirituel ; que le temps des eaux vives ne manquerait pas de revenir, comme chaque année… Patience, patience ; réapprendre la lenteur. Retrouver le chemin de la prière. Renouer les noces du silence et de la vie. »

Et puis, il y a Jan, l’artiste, compositeur blessé par l’amour de jeunesse disparu, à la recherche de l’œuvre absolue et du son divin, qui vit seul, terré, reclus au cœur de Courlaoux à quelques encablures de la maison de Charlotte et de l’église. Ces trois êtres singuliers incarnent l’antithèse du monde de bruit et de fureur qui écrase de sa modernité les fragilités merveilleuses et les aiguillons qui disent la beauté, le miracle et la finitude de la vie : « Aujourd’hui nous évacuons toute présence de la mort, on vit en oubliant non la mort, mais sa propre mort. » ; après le baptême de Charlotte dans la rivière toute proche : « Pourquoi faut-il, Seigneur, que ces moments de communion pleine et entière soient si rares ? Pourquoi nous faut-il endurer la trivialité et l’ennui du quotidien alors que, je le sais, je le sais parce que je le sens, vous suivre ne saurait être se conformer à ce banal enchaînement d’habitudes du corps, autant que de la parole, vite usées par le temps des hommes. Faire chair avec le temps du Christ, qui n’a ni passé ni futur, qui n’est que présent ou infini, ce qui est peut-être la même chose, n’advient que le temps d’une fulgurance poétique ou mystique, brefs instants de lucidité où tout semble simple et possible. Mais il faut s’y résigner : la lourdeur de nos corps et la faiblesse de nos langues écrasent ces instants. »

Si « Les hommes sont violents par excès de souffrance. », si l’histoire est forcément tragique (Réginald Gaillard montre bien cela dans un épilogue finalement plein d’espoir), il faut déceler en filigrane de sa belle écriture que Dieu seul peut donner aux hommes la paix intérieure qui sauve et convertit à l’amour véritable.


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