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L’angélus des ogres

L’angélus des ogres

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Texte publié une première fois dans Le Bien Commun n°36 de Janvier 2022 (https://lebiencommun.net/kiosque/)

 

Angélus des ogres, il nous faut donc partir d’un oxymore, de la prière quotidienne de ceux qui se nourrissent de chair humaine ? Est-ce ça ? Presque. Puisque le rapprochement même des termes du titre ouvre la voie de la poésie. Voilà donc la fractale du roman. Nous entrons en lecture en basculant dans la folie du narrateur, un psy qui s’est laissé envahir par la folie, qui a laissé les monstres de son enfance, et ceux qu’il engendre désormais, prendre possession de sa vie. Il croit avoir le statut singulier de patient-salarié. Il reçoit en professionnel les fous qu’il appelle des monuments. Il applique sa méthode qui consiste apporté du crédit à tout ce que les monuments disent, si c’est dans la tête, cela existe forcément. Le patient-salarié refuse les nouvelles méthodes psychiatriques qui consistent à filtrer la pensée. Cette filtration, il le sait, tue toute poésie et va jusqu’à dénaturer l’être lui-même. « J’ai connu beaucoup de personnes qui n’existaient pas et ne le savaient même pas. »

Le narrateur va vivre une histoire d’amour avec une thanatopractrice anorexique. Une femme qui traque les traits unaires, ceux qui font la singularité de chaque être. A partir de là, c’est le jeu infernal des vases communicants, tandis que le narrateur déverse son trop plein de monstres, la jeune Lucy se laisse dévorer. L’injonction obsédante : « Déchire… Lacère… » revient régulièrement comme la prière répétée plusieurs fois par jour par un ogre. La narration onirique vient au secours d’une réalité abîmée par la folie. On est dans un rêve où toutes les images juxtaposées se voient reliées par un lien de causalité absurde. Et c’est de ces sauts que nait la poésie. Toutefois, le héros chute de façon infernale et emporte avec lui Lucy qui se décharne. « Mon puzzle s’était décomposé et je n’en reconnaissait aucun morceau. » Le héros vit dans sa propre malédiction, une prophétie privative. La folie lui permet de se maintenir dans une dimension tragique. Un fou, ce n’est finalement qu’un volontaire pour la tragédie, c’est-à-dire ce pour quoi l’homme est fait.

 

L’angélus des ogres, Laurent Pépin, Editions Flatland, pages €


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